Par José NOSEL

                                              Administrateur territorial

                                               Membre de la Mission Régionale d’Autorité environnementale

                  J’ai reçu, ces jours-ci, presqu’en même temps, la facture de mon distributeur d’eau à Fort de France elle reste salée (pas l’eau, la facture), et son communiqué par lequel il nous annonce, à nous autres ses « clients », un programme de rationnement de la distribution de l’eau, pour les prochains jours,selon un « planning prévisionnel de restrictions d’eau », concernant différents quartiers des 4 communes de la Communauté d’agglomération du centre.

     A l’allure ou vont les choses, nous ne serions qu’au début d’un processus, à nouveau, pour ce carême, qui s’annoncerait, cette année, encore, plutôt difficile. Nous n’avons donc toujours pas trouvé, semble-t-il, un dispositif en nombre de réservoirs (il doit y en avoir déjà, au moins, une vingtaine dans l’Agglomération) et en maillages suffisants, pour sécuriser notre approvisionnement en eau, dans ce pays Martinique, où nous disposons d’un impluvium (quantité d’eau qui nous arrive du ciel) qui devrait nous mettre à l’abri de ces périodes de précarité.

   Il est vrai, que les esprits sont préoccupés depuis deux ans par les défis de la question sanitaire et sociale, et que l’entrée, en phase travaux du « goulot » de Séguineau, ont, sans doute, contribué à éclipser la question de l’eau ; Mais celle-ci ne devrait pas cesser, me semble-t-il de rester tout en haut des priorités dont il faudrait accélérer les réalisations. Je mesure la lenteur des évolutions en relisant ce que j’écrivais sur ce sujet, il y déjà 12 ans.

    J’ai publié, en effet, dans le N° 1396, du 25 mars 2010, de la revue « Antilla », le texte ci-après, intitulé ; « Un grand chantier prioritaire immédiat : sécuriser notre approvisionnement en eau, en quantité et en qualité » (NB je n’ai pu m’empêcher de souligner certains passages restés tant d’actualité, 12 ans après)

                 « En ce mois de mars 2010, nous traversons un carême particulièrement sec, un des carêmes les plus chauds qu’aurait connu la Martinique depuis 1958, soit depuis un demi-siècle. Les conséquences de cette sécheresse sur les cultures commencent à produire des effets économiques et sociaux qui concernent toute la Martinique, et qui sont déjà catastrophiques pour ceux qui les subissent directement.

        La quasi catastrophe écologique de ces 500 ha de végétation qui ont brûlé sur la Montagne Pelée, a montré les limites de nos moyens d’intervention contre les incendies, dans certaines zones de notre territoire. De même, les coupures d’eau tournantes ont montré que notre dispositif d‘approvisionnement en eau a aussi des limites, puisque nous n’avons pas les capacités de stockage, ou le maillage de réseau nécessaire pour maintenir l’approvisionnement en eau à des niveaux acceptables dans des circonstances de sécheresse comme celles que nous traversons.

           Sans parler des nombreuses cassures qui se produisent de plus en plus sur les réseaux, dont certains, anciens, ou vétustes auraient des rendements très largement inférieurs au niveau requis. En réalité, en dépit d’un foisonnement d’organismes s’occupant de l’eau dans notre petit pays, c à d, toutes les collectivités, plusieurs syndicats intercommunaux, diverses administrations, des sociétés de distributions, dont des multinationales, un office de l’eau, un comité de bassin, etc., nous n’avons pas encore sécurisé, à un niveau suffisant, la quantité et la qualité de notre approvisionnement en eau à la Martinique.

     Voilà un chantier très concret de réalisation de travaux, dans un but d’intérêt général, de développement économique, d’amélioration des conditions de vie des populations, qu’il faudrait amplifier dans les priorités d’un projet de développement dans notre pays ; sans avoir à se préoccuper de ces questions de réchauffement climatique, voire de développement durable, dont on nous rabat les oreilles quotidiennement depuis un certain nombre d’années.  

     Mais comment organiser ce grand chantier de l’eau, avec ce même type de  dispersion actuelle des acteurs de l’eau que celle que l’on trouve dans les acteurs du transport ; Cette dispersion des acteurs dans certains secteurs, jusqu’ici, condamne toutes velléités de stratégies unifiées à l’échelle de nos 400 000 habitants, pour ces secteurs, comme l’eau, les transports, l’énergie,lelogement,ect.
    Parallèlement à l’unification de la gouvernance politique de notre ile, allons-nous vers une unification des acteurs de ces secteurs et en particuliers des acteurs du secteur de l’eau ? La question ne semble pas être à l’ordre du jour ; même si on en parle ici et là ; s’il en est ainsi, ce serait donc des questions essentielles de la vie des gens, l’eau, les énergies, le transport, le logement, qui seraient restées sans consensus fort, voire carrément restées occultées du débat démocratique qui vient d’avoir lieu.

          Si donc le débat politique n’arrive plus à mieux prendre en compte, les problèmes quotidiens des gens, pour en faire des priorités d’intérêt général, comme ceux de l’eau ou de l’énergie, pour dégager des consensus forts et prioritaires ; il ne faudrait pas alors s’étonner, que, se détournant de la politique, par des abstentions massives, lors des scrutins électoraux, les gens recherchent, par d’autres voies, catégorielles ou de mobilisation de masse, à régler, par euxmêmes, les question qui se posent à eux.

    Questions délaissées par le champ du politique, où dominent, des préoccupations, au demeurant louables, de performance de gestion ; mais, préoccupations, en total décalage par rapport aux priorités des populations, par ces temps, de récession, de chômage et de malaises sociétales. »

         Mais, il y a 12 ans, il n’y avait pas de Covid, et les collectivités, dont la nouvelle CTM, auraient pu être, depuis, des accélérateurs d’investissements dans cette priorité de l’eau, en particulier, qui est de leurs compétences.

Or cette nouvelle collectivité ne semble pas encore répondre à cette vocationd’accélérateur d’investissement ; du moins si l’on en croit la Chambre régionale des comptes. Dans son rapport sur la CTM publié en novembre 2021, elle dit entre autres : « La création de la CTM a été rendue difficile en raison de l’insuffisance de la préparation des deux collectivités dont elle est issue : le département, d’une part, et la région, d’autre part, aucune de ces deux collectivités n’ayant mis en œuvre les recommandations émises par la chambre lors des précédents contrôles. Les inventaires, les amortissements, les provisions, le recensement des emprunts en cours étaient défaillants ou insincères ; des erreurs de comptabilité importantes ont été observées. Ces faiblesses initiales ont perduré dans la nouvelle collectivité. »

  Si bien, que nombre d’observateurs, comparant les collectivités territoriales françaises situées outre-mer constatent qu’en dépit une certaine capacitéd’autofinancement, la CTM face à ses homologues de Guadeloupe, Guyane, ou Réunion est le territoire qui investirait le moins par habitant, tout en étant trèsendetté. C’est dire qu’il y aura probablement de gros efforts à faire pour reprendre ce chemin de l’investissement dans les politiques publiques indispensables à l’amélioration des conditions de vie des Martiniquais. A commencer par ces investissements dans l’eau que nous appelions de nos vœux depuis 1977, dans le 1er numéro de la revue « le courrier du Parc Naturel Régional » …consacré à l’eau

                                                                                 Fort de France 11 février 2022

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