Coronavirus : le Sénat adopte une version largement modifiée du texte prolongeant l’état d’urgence sanitaire

Les élus ont notamment approuvé sous conditions, mardi soir, la création d’un « système d’information » pour identifier les personnes infectées par le Covid-19 et leurs contacts.

Le Monde avec AFP.

Le Sénat à majorité de droite a voté, dans la nuit de mardi à mercredi 6 mai, le projet de loi prolongeant l’état d’urgence sanitaire, mais largement modifié après cette première lecture et moyennant des « garanties » en vue du déconfinement sur le suivi des malades du Covid-19 et la responsabilité des maires.

Les sept articles du projet de loi visent, selon le ministre de la santé, Olivier Véran, à « conforter le cadre juridique » du régime dérogatoire de l’état d’urgence sanitaire et à l’« élargir » pour « y intégrer les enjeux du déconfinement ».

Des modifications substantielles

Les sénateurs ont apporté un certain nombre de modifications au texte initial proposé par le gouvernement.

  • Durée de prolongation plus courte

Les élus du Palais du Luxembourg ont retenu la date du 10 juillet pour le terme de la prolongation de l’état d’urgence, alors que le gouvernement l’avait fixé au 24 juillet.

  • Un « système d’information » pour identifier les personnes infectées… mais avec des « garanties »

Le Sénat a adopté le sensible article 6 sur la création d’un « système d’information » pour identifier les personnes infectées par le coronavirus et leurs contacts. Mais il a imposé des « garanties » : dérogation au secret médical limitée dans la durée − celle de l’état d’urgence sanitaire –, et le périmètre – uniquement les données concernant l’infection par le virus. Ils ont refusé d’habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnances sur cette question et ont créé une instance de contrôle. Ils ont aussi prévu la possibilité de refuser d’être inscrit au fichier de suivi des malades, par exemple pour les personnes ayant été désignées à tort comme ayant été en contact avec un malade.

  • Pas de lien avec l’application StopCovid

Les sénateurs ont explicitement exclu que le texte puisse servir de base juridique au déploiement de l’application pour smartphones StopCovid. « Il n’y a pas de lien entre l’article 6 et StopCovid », a martelé Olivier Véran. Les sénateurs ont en outre, mardi soir, prévuun avis « conforme » de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) sur le système d’information.

  • Aménagement des régimes de responsabilité pénale

Contre l’avis du gouvernement, le Sénat a donné un très large feu vert au dispositif du rapporteur visant à aménager le régime de responsabilité pénale des employeurs, élus locaux et fonctionnaires amenés à prendre des mesures pour la sortie du confinement.

  • Pas de placement en quarantaine des Français d’outre-mer

Le projet de loi encadre les régimes de mise en quarantaine et de placement à l’isolement pour les malades, obligatoires pour les personnes arrivant sur le territoire national. Le texte prévoit la possibilité de recours devant le juge des libertés et de la détention. Contre l’avis du gouvernement, le Sénat a adopté un amendement visant à écarter du placement préventif en quarantaine à leur arrivée dans l’Hexagone les Français des collectivités et territoires d’outre-mer.

  • Aménagement pour les victimes de violences conjugales

A l’unanimité, et avec cette fois un avis favorable du gouvernement, les sénateurs ont voté un amendement PS pour que les femmes victimes de violences conjugales ne puissent pas être placées en quarantaine ou à l’isolement avec leur conjoint violent.

L’assemblée nationale doit maintenant se prononcer

Olivier Véran s’est malgré tout félicité que « l’essentiel a été maintenu » de la version initiale du texte du gouvernement, en espérant un accord entre députés et sénateurs. Car le projet de loi va maintenant être examiné à l’Assemblée nationale : mercredi en commission, puis jeudi dans l’hémicycle, en vue d’une adoption définitive avant la fin de la semaine et dans une course contre la montre avant le déconfinement lundi 11 mai.

Les sénateurs, notamment socialistes, ont par ailleurs annoncé une saisine du Conseil constitutionnel, ce qui va retarder la promulgation du texte.

Par la voix de Damien Abad, les députés LR ont déjà averti qu’ils voteraient contre le projet de loi si la réécriture du Sénat sur le fichier de suivi, un des grands points sensibles de ce texte, n’était pas retenue. Les communistes jugent eux « largement insuffisants »les apports du Sénat sur le fichier, prônant l’inscription sur la base du volontariat.

« Si on n’a pas de « tracing », on n’a pas de déconfinement » à partir du 11 mai, a assuré Olivier Véran. Ce système est « le dispositif central du déconfinement », selon le rapporteur (Les Républicains, LR) au Sénat Philippe Bas. Car il faut pouvoir « identifier les personnes contaminées » afin qu’elles s’isolent, mais pas « à n’importe quel prix » pour les libertés ou la protection des données personnelles, a-t-il déclaré.

La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a quant à elle critiqué  l’aménagement du régime de responsabilité pénale des employeurs, élus locaux et fonctionnaires, y voyant un « projet de loi d’auto-amnistie préventive ». « La Macronie n’a pas traîné », a-t-elle lancé sur Twitter. Le député de Paris Gilles Le Gendre (La République en marche, LRM) espère, lui, « un compromis » : « On ne peut pas ouvrir grand une protection tous risques. »

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