Une exploration chorégraphique d’Hubert Petit-Phar et Augusto Soledade, un spectacle à voir à Tropiques Atrium, Scène Nationale de Martinique
Le spectacle CORPOS, produit par la compagnie Mangrove de Guadeloupe, est un laboratoire artistique porté par les chorégraphes Hubert Petit-Phar et Augusto Soledade. Ce projet unique invite à une réflexion profonde sur la représentation du corps noir « masculin » dans un monde où les frontières esthétiques, politiques et symboliques s’entrelacent dans un flux perpétuel. À travers cette œuvre, les artistes abordent la question du corps comme outil politique, un corps souvent stigmatisé, dont la perception est marquée par des préjugés et des clichés. CORPOS questionne ainsi les mécanismes de représentation et la place de l’individualité au sein de multiples identités culturelles.
Au croisement de nos cultures, de nos identités multiples, quelle place laissons-nous à la singularité de nos corps.” Hubert Petit-Phar
Le laboratoire de création réunit autour de ses chorégraphes trois danseurs bahianais et un danseur guadeloupéen, qui s’imprègnent chacun de l’histoire et des enjeux des peuples afro-descendants. CORPOS s’inscrit dans une démarche collaborative entre le Brésil et la Guadeloupe, où les cultures se rencontrent, se croisent et se redéfinissent au travers du corps dansé. Ce dialogue transculturel interroge la singularité des corps dans un contexte marqué par les héritages historiques et sociaux communs.
Comme le souligne Hubert Petit-Phar, « Dans un monde où les frontières esthétiques, politiques, symboliques interfèrent de plus en plus dans un flux et un reflux poreux, comment se pose le regard sur l’humain d’aujourd’hui ? » À travers CORPOS, les chorégraphes souhaitent explorer la question du regard porté sur l’autre et son indépendance vis-à-vis des contextes sensoriels, culturels et matériels. En somme, ce projet est une invitation à repenser les représentations du corps, à se questionner sur la place que nous laissons à la singularité de chaque corps au croisement de nos cultures et identités multiples.
Le spectacle se concentre sur le corps dit « masculin » noir, et l’image que la société en renvoie. Ce corps est souvent marqué par des stigmates, des préjugés et des clichés qui, loin de le définir, l’enferment dans une réalité unidimensionnelle. À travers les gestes, les mouvements et les expressions, CORPOS cherche à libérer ces corps, à leur offrir une espace de liberté, un syncrétisme de la création qui relie des identités diverses. Hubert Petit-Phar le décrit ainsi, « Corpos interroge le corps dit ‘masculin’ noir. Un reflet porté par des stigmates, des préjugés et des clichés enfermants. À travers les virtualités physiques, organiques, intellectuelles de ces corps, y a-t-il un chemin de liberté qui pourrait apparaître tel un syncrétisme de la création d’un point d’union reliant les identités multiples et singulières ? »
Les chorégraphes, par le mouvement, cherchent à souligner les luttes communes des peuples afro-descendants, malgré leurs éloignements géographiques. Augusto Soledade explique ainsi que « lorsque l’on réfléchit aux points communs entre les différentes cultures des Amériques et de la Caraïbe, l’histoire apparaît comme le prisme à travers lequel nous pouvons identifier les expériences, les souvenirs et les stratégies de lutte. » Ces luttes, inscrites dans l’ancestralité et dans la mémoire des corps, ont permis de forger des stratégies communes contre l’injustice et la hiérarchie raciale. Dans CORPOS, ce passé de lutte devient une source, transformant les espaces contraints en un lieu de créativité et d’expression.
« …Une occasion de libérer la créativité humaine » Augusto Soledade
CORPOS n’est pas qu’une danse, mais une exploration profonde des questions d’identité, de souffrances et de mémoire. Par sa geste, il va à la pluralité, et nous invite à réfléchir sur la manière dont nos corps, à la fois témoins d’une histoire partagée et porteurs de singularités, peuvent se libérer des carcans qui les enferment.
Ainsi, CORPOS incarne un espace de rencontre, de dialogue et de transformation, où le corps devient le lieu d’une réflexion sur la condition humaine et sur l’identité collective des peuples afro-descendants. Un voyage sensoriel et chorégraphique qui interroge les frontières et libère la puissance créatrice des corps.
Nathalie Laulé