• Que s’est-il passé hier ?

Un groupe de militaires a arrêté le président de la Guinée, Alpha Condé, au pouvoir depuis 2010, a affirmé hier dans une vidéo leur meneur, Mamady Doumbouya, un lieutenant-colonel guinéen. Les putschistes, qui ont pris le nom de Comité national du rassemblement et du développement (CNRD), ont également annoncé la « suspension » de la Constitution et la « dissolution » des institutions du pays, ainsi que le remplacement des gouverneurs et préfets par des militaires. Ils ont instauré un couvre-feu dès 20h « jusqu’à nouvel ordre ». Le chef des putschistes, Mamady Doumbouya, a promis aujourd’hui dans un discours la mise en place d’un « gouvernement d’union nationale ». Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a condamné « tout renversement d’un gouvernement par la force du fusil ». Le ministère français des Affaires étrangères a appelé hier à la libération immédiate d’Alpha Condé.

• Qui est le chef des putschistes ?

Mamady Doumbouya est un ancien membre de la Légion étrangère, un corps de l’armée française, et le commandant du Groupement des forces spéciales (GFS), une unité d’élite de l’armée guinéenne. À sa création, en 2018, cette unité était chargée « de lutter contre

le terrorisme et les actes de piraterie maritime », explique à RFI Mamadou Aliou Barry, directeur du Centre d’analyse et d’études stratégiques de Guinée, un centre de recherche. Mais Alpha Condé « a voulu créer des forces spéciales qui seraient à sa disposition pour réprimer toute manifestation politique », poursuit-il, expliquant que le GFS a par exemple participé à la répression très violente d’opposants à la réélection d’Alpha Condé l’an dernier. Le président a lancé une réforme de la Constitution qui lui a permis de briguer un troisième mandat d’affilée, entamé en décembre. Le GFS « s’est retourné contre lui », estime Mamadou Aliou Barry. Le CNRD a justifié son coup d’État hier par « la politisation à outrance de l’administration publique », « la pauvreté et la corruption endémique », ainsi que « le piétinement des droits des citoyens ».

• Dans quelle situation économique se trouve la Guinée ?

La Guinée est l’un des pays les plus pauvres du monde. Elle se situe à la 178e place sur 189 dans le classement des pays selon l’indice de développement humain élaboré par le Programme des Nations unies pour le développement, qui prend en compte le niveau de revenu, l’espérance de vie et

et le niveau d’éducation. L’économie du pays repose en majeure partie sur les activités minières et l’agriculture, explique le ministère français de l’Économie sur son site. Le climat des affaires y « reste miné par la faiblesse du cadre juridique, l’insuffisance des infrastructures énergétiques et de transport » ou encore par « les lourdeurs administratives et la corruption », souligne le ministère. Plusieurs affaires de corruption, liées à l’exploitation de mines, ont émergé ces dernières années. En janvier, un tribunal suisse a condamné un homme d’affaires franco-israélien à cinq ans de prison ferme pour corruption d’agents publics en Guinée.

Un portrait d’Alpha Condé sur le site de RFI.

Guinée: Alpha Condé, la fin brutale d’une carrière politique mouvementée

En Guinée, les putschistes du Comité national du rassemblement et du développement (CNRD) affirment détenir le président Alpha Condé. ©FREDERICK FLORIN/AFP

Un Comité national du rassemblement et du développement (CNRD), dirigé par le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, annonce avoir arrêté Alpha Condé et suspendre la Constitution. Les putschistes disent que le chef d’État est avec eux et qu’il va bien. En dehors de quelques images et vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, aucune autre nouvelle d’Alpha Condé. Celui qui a dirigé la Guinée pendant onze ans et venait d’être élu pour un troisième mandat, a marqué la vie politique guinéenne pendant un demi-siècle. Une carrière à rebondissements durant laquelle il aura connu l’exil, la prison et le pouvoir suprême.

Alpha Condé et la politique, c’est une histoire vieille d’un demi-siècle. La politique a toujours été son élément. Il y est entré dès ses études dans les années 1960, en France, au sein de la FEANF, la Fédération des étudiants d’Afrique noire. Alors que la Guinée vit sous le régime autoritaire de Sekou Touré, Alpha Condé fonde depuis Paris un mouvement d’opposition, ce qui lui vaudra une condamnation à mort par contumace de Sekou Touré.

Après la mort de ce dernier, et alors que le pays se démocratise, il rentre en Guinée et met sur pied le RPG, le Rassemblement du peuple guinéen, parti devenu l’excroissance de cet homme à la forte personnalité et aux idées marquées à gauche. Battu aux élections présidentielles de 1993 et 1998 par Lansana Conté, il est arrêté puis jeté en prison.

Celui que l’on surnomme alors un peu hâtivement « le Nelson Mandela d’Afrique de l’Ouest » sera condamné à cinq années de prison, puis libéré au bout de vingt mois sous la pression internationale. Il lui faudra attendre la mort de Lansana Conté en décembre 2008 et la déliquescence du régime putschiste de Moussa Dadis Camara pour qu’il accède enfin au pouvoir en 2010 à la faveur d’une élection présidentielle contestée.

S’ensuivent dix années de pouvoir souvent solitaire et parfois autoritaire, où ce politicien rusé mettra tout en œuvre pour conserver son fauteuil, faisant fi de la contestation populaire et d’une opposition qui lui reprochait de manipuler les urnes et la Constitution.

Le président déchu aux mains des putschistes

 

Désormais, l’avenir du président déchu est en suspens. Les putschistes du CNRD affirment le détenir. Mais où ? Selon le colonel Mamady Doumbouya, meneur du coup d’État, Alpha Condé serait « dans un lieu sûr » et aurait même « vu un médecin ». Dans une vidéo tournée et diffusée par les putschistes, on peut voir Alpha Condé assis sur un canapé. À ses côtés, un militaire en tenue de combat, visage masqué, lui demande de confirmer qu’il n’a pas été brutalisé ou torturé. Le président détenu refuse de lui répondre.

Alpha Condé sera-t-il contraint par les putschistes à la démission ? Pourrait-il continuer de jouer un rôle dans la vie politique de la Guinée ? Dans le cas contraire, Alpha Condé sera-t-il relâché ? Sera-t-il autorisé à quitter le pays pour se réfugier à l’étranger, comme bon nombre de chefs d’État renversés ont pu le faire ?

Au Mali, le colonel Assimi Goïta, que certaines sources disent proche du colonel Doumbouya, a réservé un autre sort à Ibrahim Boubacar Keïta. Si le meneur du coup d’État d’août 2020 a autorisé le président déchu à quitter régulièrement le Mali pour se faire soigner à Abu Dhabi, la règle a été fixée dès le départ : l’ancien président demeure « à la disposition de la justice » de son pays.

La CEDEAO, l’Union africaine et les Nations unies exigent unanimement le respect de l’intégrité physique d’Alpha Condé ainsi que sa libération immédiate et sans conditions.

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