In Justice

La mort d’Edouard de Lépine a ému la Martinique entière. C’est que la personnalité de l’homme et son parcours politique ne pouvaient laisser indifférent dans cette Martinique qui s’in- terroge sur son passé et s’inquiète sur son avenir.
Edouard de Lépine est né en 1932 et son action a traversé les XXème et XXIème siècles. Il se voulait d’abord un militant de l’émancipation humaine. C’est ainsi qu’il se retrouva tout natu- rellement aux côtés des communistes, de 1945 à 1971 : au PCF d’abord, puis au sein de la fédération communiste de la Martinique, devenue par la suite Parti communiste martiniquais (PCM), dont il fut l’un des membres éminents du Bureau poli- tique. Il occupa en outre le poste de Secrétaire général de la jeunesse communiste, où il excella, notamment en 1963, pen- dant la période de l’OJAM.
Edouard de Lépine s’est toujours distingué par ses talents d’orateur et de journaliste polémiste percutant. Dans les an- nées 50 , il participa aux débats de la fédération communiste de la Martinique du PCF sur la question nationale et de l’identité martiniquaise. Débats qui ont abouti en 1955 à la proclamation que la Martinique avait toutes les caractéristiques d’une nation en formation et à la revendication d’une “plus grande participation à la gestion de nos propres affaires”. C’étaient là les prémices de la revendication de l’autonomie !
Edouard de Lépine vécut aussi le douloureux épisode de la dé- mission d’Aimé Césaire en octobre 1956. Non seulement il resta communiste, mais encore il fut de ceux qui contribuèrent à la transformation de la fédération de la Martinique du PCF en Parti communiste martiniquais, en septembre 1957.
Ainsi, il participa au grand bond en avant que fit le PCM en fé- vrier 1960, après les événements de décembre 1959, en adoptant le mot d’ordre “d’Autonomie démocratique et populaire”. Plus tard, ébloui par l’expérience révolutionnaire cubaine, par la figure mythique de Che Guevara , ainsi que par la Tricontinen- tale de 1966 , il voulut entraîner le PCM, à qui il reprochait son “assimilationnisme”, dans la revendication de l’indépendance, ce qui, dans son esprit, sous-entendait le recours à la lutte armée. Finalement, il fut exclu du PCM en 1971.
En 1972, il créa une formation trotskyste appelée “Groupe Ré- volution socialiste” (GRS°), entraînant avec lui de nombreux
jeunes communistes. Il affichait là une idéologie à laquelle il avait adhéré durant ses années d’étudiant et qu’il n’avait sans doute jamais reniée.
En 1981, Aimé Césaire décréta le fameux “moratoire” sur la question de l’autonomie. Un an plus tard, Edouard de Lépine adhéra au PPM, vouant dès lors un véritable culte au “leader fondamental”. De la sorte, il devint conseiller général (1992/1998), conseiller régional (1986/2004) et Maire de Robert(1989/1997).
Le devoir de vérité nous impose de ne pas occulter le triste rôle qu’il a joué en 1992 au Conseil régional , alors présidé par notre camarade Emile Capgras : il a nié l’existence d’un déficit de près d’un milliard de francs lourds laissé en héritage par la pré- cédente présidence, et s’est opposé farouchement à la mise à jour de la situation financière de l’institution.
Nous nous devons de signaler que, parallèlement à son intense activité politique au PPM, dont il épousa les retournements po- litiques assimilationnistes sur la question institutionnelle et sta- tutaire, Edouard de Lépine, qui était professeur d’histoire, a eu une foisonnante activité en tant que chercheur et s’est révélé un
écrivain hors pair. Il laisse une bibliogra- phie nombreuse. Citons notamment son ouvrage Questions sur l’histoire antillaise où il fait une analyse hon- nête du rôle du schoelchérisme dans l’abolition de l’esclavage.
Il faut souhaiter que la meilleure part du parcours politiquede ce militant et in-
tellectuel de gauche exceptionnel et passionné serve d’exemple aux jeunes Martiniquais.
Car le combat pour l’émancipation martiniquaise continue, avec ses ombres et ses lumières, ses avan- cées et ses reculs.

Jeudi 20 Août 2020 – Justice N° 33/34

Edouard De Lépine, redoutable polémiste Réaction du Parti Communiste Martiniquais

“Le Parti Communiste Martiniquais salue la mémoire d’Edouard De Lépine, personnalité politique martiniquaise marquante et his- torien de grande exigence.
Nous voulons retenir de son riche parcours politique, au-delà de nos divergences politiques connues, sa recherche passionnée dans nos rangs des voies originales pour la décolonisation de notre pays la Martinique.
Le PCM présente à sa famille, à son parti le PPM et ses amis, ses sincères condoléances”.

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