Les dernières innovations technologiques du secteur bananier, initiées pour atteindre  l’objectif  de la profession : la production d’une banane propre, respectueuse de la terre et des hommes, ont été présentées le 10 avril dernier au quartier Bochette au Lamentin. Arrêt sur progrès annoncés.

Bon nombre de personnalités issues du secteur bananier, mais aussi du monde politique, économique, et de celui de la recherche, s’étaient déplacées en ce début de week-end au sein de l’exploitation de Liliane Ely-Marius. Et s’ils étaient tous là, c’était pour  voir, comprendre, toucher, les différentes nouveautés placées sur des appareils déjà existants et assister à la démonstration de l’efficacité d’un prototype annoncé comme quasi-révolutionnaire en la matière.

Tous ces ajouts et engins rentraient dans le cadre du plan de développement de la banane, axé depuis plusieurs années sur une préoccupation majeure : celle du respect de l’environnement et du développement durable. Ce challenge quasi écologique étant d’autant plus d’actualité avec l’arrivée, en septembre dernier, sur nos terres, de la maladie si redoutée que nous avions évité jusqu’alors : la cercosporiose noire.

Un hélicoptère spécialisé dans le traitement aérien se posa un instant au milieu des herbes hautes d’une clairière et l’on put ainsi se familiariser avec cette machine que l’on voyait habituellement de très loin ; et constater surtout la réalité dans son habitacle d’un système GPS à deux fonctions. La première devant permettre d’enregistrer la réalité des épandages. La seconde, de couper automatiquement la pulvérisation, si d’aventure l’aéronef s’aventurait par inadvertance, dans une zone interdite aux traitements aériens (ZITA) ; en général des secteurs géographiques proches de cours d’eau ou d’habitations. L’existence de ce système GPS, couplé, avec, à l’extérieur de l’appareil, des buses à injection d’air (créées afin de maîtriser la dérive de la pulvérisation) devrait dorénavant permettre définitivement de ne cibler que les zones devant être traitées.

Puis l’attention se porta sur un drôle d’engin terrestre ressemblant vaguement à un petit char d’assaut à ciel ouvert, sortant directement de films de science-fiction ; armé d’une lance télescopique. Son utilité, néanmoins, était bien réelle et avait fait l’objet d’études sérieuses engagées depuis plusieurs années.

Le directeur général du groupe qui l’avait conçu, le CEMAGREF (l’Institut de recherche pour l’ingénierie de l’agriculture et de l’environnement) avait lui aussi fait le déplacement.

Roger Genet Directeur Général du CEMAGREF ADV

Peu après la démonstration, un peu en demi-teinte du prototype, Roger Genet nous expliquait :

« C’est une étape cruciale : la présentation du premier prototype. Elle fait suite à trois ans de travail intensif, sur différents volets. D’abord toute la cartographie du territoire qui permet de voir l’ensemble des zones sur lesquelles on peut traiter avec des produits phytosanitaires. De déterminer les zones qui doivent être exclues d’un épandage aérien ; qui est aujourd’hui extrêmement efficace car il permet de répartir des quantités infimes de produits phytosanitaires sur la cime des bananeraies. Et, évidemment, d’améliorer toujours cette technologie.

« Quelques années de travail, pour véritablement avoir une filière industrielle »

On a vu ce matin sur l’hélicoptère des buses qui permettent de réduire la dérive de presque 20 % ; pour éviter que les produits phytosanitaires soient répandus sur les parcelles voisines ou dans les cours d’eau. Et puis, dans les parcelles qui sont soit à proximité d’une zone dense de population, soit à proximité de cours d’eau (où on ne veut pas de pollution des masses d’eau), il faut trouver des méthodes alternatives. Et c’est pour cela que l’on a développé cette technologie qui procède de la même façon qu’un traitement aérien : c’est un bras télescopique qui permet de monter au-dessus des bananeraies et de répartir ce produit phytosanitaire avec une très grande efficacité, une grande homogénéité. On a encore des progrès à faire (on l’a vu), car ce matériel qui fait l’objet de deux brevets (entre la recherche publique, et le CEMAGREF le secteur économique) sur la partie épandage, est porté par un matériel commercial à quatre essieux qui a certaines limites. Et on voit bien qu’il ne s’adapte pas à toutes les conditions de terrain très riches de la Martinique ; avec des pentes extrêmement importantes. Ce matin, la parcelle était non seulement en pente, mais en dévers avec un terrain gras parce qu’il a beaucoup plu. Et on voit que le matériel ne passe plus… Donc on a encore beaucoup d’améliorations à faire. Egalement pour le rendre acceptable au niveau économique. Avoir du matériel qui soit à un prix acceptable, qui puisse être repris par des professionnels qui se regroupent avec ce matériel.

Et pour cela il faut encore quelques mois, et je dirais même quelques années de travail, pour véritablement avoir une filière industrielle. »

Le monde des institutions politiques était représenté, entre autres, par Catherine Conconne la vice-présidente de la Région Martinique qui, prévoyante, était venue, chaussée de bottes de caoutchouc telle une vraie exploitante agricole. A notre micro, elle s’interrogeait quant à ces innovations :

« Je crois que plus l’homme peut innover, mieux on se porte. Visiblement ce système a le souci d’un développement durable, c’est-à-dire préserve ce qu’il y a lieu de préserver. Il est moins généraliste, spécialisé ; l’arrosage va là où il faut le mettre. Et c’est vrai que c’est une préoccupation. Parce que l’on a ce souci d’épandage aérien qui pose problème parce qu’il est très généraliste ; il va partout. Mais, en même temps, le développement durable c’est aussi le côté humain. Donc une machine qui fait à la place de l’homme, c’est bien, car cela préserve notre santé. Parce qu’aller faire de l’épandage à la main, ce n’est pas évident… Mais il faut aussi penser dans un si petit pays aux incidences sur l’emploi… Est-ce que tout cela ne va pas tuer des métiers qui existent dans la banane ? Et ne va pas faire qu’humainement on ne va pas se retrouver ? Donc pour résumer : il y a encore du travail dans la recherche, mais je tiens beaucoup à ce que l’aspect humain soit préservé. Par la machine certes, surtout par rapport aux aspects négatifs des traitements phytosanitaires qui ont des incidences sur la santé humaine (on le voit dans des pays d’Amérique Latine qui n’ont pas le même souci que nous. Avec les maladies, la mortalité extrêmement jeune des publics qui travaillent dans les plantations de banane). Mais, en même temps, il faut absolument que l’on ait toujours en tête l’indicateur emploi à la Martinique. Et tant que l’on peut préserver les métiers, préserver les emplois ; il faut le faire. Dans le développement durable, tout cela doit être compatible et conciliable. »

L’étude OPTIBAN* (qui est notamment en amont de ces avancées technologiques) a coûté, à ce jour, 2 millions d’euros dont 500 000 euros qui ont été apportés par un financement du ministère de l’Agriculture. Et 500 000 euros par la profession elle-même. Le secteur bananier aurait été très actif quant au financement concernant le développement technologique de porteurs (lance télescopique du prototype, etc.).

Annick de Vassoigne

*Le projet OPTIBAN a été créé en mars 200. Il a été initié par la filière banane antillaise ; en partenariat avec le ministère de l’Agriculture et de la pêche, et le CEMAGREF. Ce programme de recherches, mené par le CEMAGREF, vise à optimiser davantage les techniques de traitement aérien. Et à trouver des solutions terrestres complémentaires.

 

Nicolas Marraud Des Grottes, président de Banamart

Nicolas Marraud Des Grottes président de Banamart ADV

« Nous sommes sur la bonne voie »

 

Nicolas Marraud Des Grottes, président du groupement BANAMART fait avec nous le point sur les nouvelles innovations technologiques présentées et sur l’Etat des lieux de son secteur.

Quel est votre sentiment face à de telles innovations ?

Comme l’a dit le directeur général du CEMAGREF, c’est une étape. Il y a encore des choses améliorer, comme vous avez pu le voir. Mais pour nous, c’est une bonne étape, parce que l’on est sur la bonne voie.

Et comment ça va se passer pour les agriculteurs ? Ils pourront les acheter ? Les louer ?

C’est en réflexion pour le moment. Mais c’est vrai que l’on peut utiliser le même principe que pour l’hélicoptère : un traitement généralisé. Mais il y aura bien sûr des adaptations pour les agriculteurs qui veulent acheter des engins comme celui-là. Ce n’est que le début. Mais comme je le disais : c’est comme le vélo, si on arrête de pédaler, on tombe… Donc on va pédaler.

Un petit mot sur la cercosporiose noire… Quel est l’état des lieux actuel ?

Elle est à peu près partout, mais on la maîtrise. Les exploitants agricoles ont fait beaucoup d’efforts. On n’a pas, pour le moment, de catastrophe chez nos agriculteurs.

En tant que président de groupement, quels sont vos objectifs pour l’année 2011 ?

C’est de produire. Nous avons eu Tomas l’année dernière : il a fait beaucoup de dégâts. Cette année, nous espérons produire le maximum, expédier le maximum et vendre le maximum pour nos agriculteurs.

Vous nous avez parlé de Tomas. Les exploitants agricoles nous ont aussi parlé de la cercosporiose noire et de la grève du port ; deux évènements qui font que certains peinent à maintenir leurs exploitations à flot… Qu’en est-il ?

C’est sûr que les agriculteurs ont l’habitude de se battre tout le temps. Ça, c’est une partie du combat. Le port nous a occasionné beaucoup de dégâts, mais on se relèvera. On va repartir.

Propos recueillis par Annick de Vassoigne.


 

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