C’est dans les locaux de l’agence du Crédit Agricole de Fort-de-France que l’association Réseau Entreprendre, présidée par Anne-Laurence Ebadère, recevait ce vendredi 18 mars ses membres pour échanger sur la situation démographique de la Martinique, autour du chef du service territorial de l’INSEE Martinique, Hugues Horatius-Clovis. La rencontre s’est déroulée dans le cadre d’un petit déjeuner convivial qui tournait enfin la page des rencontres visio imposées par deux longues années de crise pandémique.

Voici une synthèse des échanges de cette passionnante matinée.

La démographie martiniquaise s‘effondre depuis 2009 :

Au 1er janvier 2021, la Martinique compte officiellement 355.000 habitants, contre 398.000 habitants en 2009. Plus de 43.000 habitants ont donc disparu en 12 ans, soit l’équivalent d’une ville comme le Lamentin rayée de notre carte ! Depuis 10 ans, le rythme annuel du déclin s’accélère, la Martinique perdant chaque année plus de 1% de sa population. Il s’agit là d’un triste record comparé à l’ensemble des territoires de France.

Alors qu’en Guadeloupe la baisse moyenne annuelle est -0,7%, la Guyane, elle, voit sa population augmenter chaque année d’environ 2,2% et la France hexagonale de +0,3%.

L’analyse des tendances démographiques repose sur deux composantes :

  1. La composante naturelle, c’est à dire le rapport entre les naissances et les décès.
  2. La composante migratoire, c’est à dire le rapport entre les départs et les arrivées.

Depuis 2020, ces deux composantes conjuguent leurs effets négatifs, amplifiant ainsi le phénomène à des niveaux jamais atteints jusqu’alors.

La composante naturelle en quelques chiffres :

En 2020, la Martinique compte 3.530 naissances. Ce chiffre est en diminution de 6% par rapport à l’année précédente. Dans la même année, 3.586 décès ont été comptabilisés sur notre territoire. Ce chiffre est en progression et, pour la première fois, dépasse celui des naissances. Ce croisement historique des courbes rend donc le solde naturel négatif. Notons qu’aujourd’hui, le nombre d’enfants par femme n’est que de 1,93. Il est donc passé en dessous du seuil de renouvellement de la population.

La composante migratoire :

En Martinique, les gens s’en vont bien plus qu’ils ne viennent. Ils partent dans d’inquiétantes proportions. Le solde migratoire ne cesse en effet d’augmenter. Aujourd’hui, il est d’environ 4.900 ! 4.900 habitants en moins sur la seule année 2020. C’est massif ! Ce phénomène a commencé en 2009, et il continue de s’amplifier. Jamais auparavant, nous n’avions connu une telle hémorragie, d’autant que ces départs concernent les forces vives du pays.

En 10 ans, la part des 15-49 ans dans notre population est en effet passée de 46 à 35% seulement. Les jeunes adultes martiniquais quittent le territoire pour chercher ailleurs un emploi et un logement, et plus largement une espérance qu’ils estiment ne plus trouver ici. Et cerise sur le gâteau, ce solde migratoire vient accentuer la baisse des naissances locales, puisque ces populations relativement jeunes recomposent leur vie ailleurs. Nous voilà embarqués dans un terrible cercle vicieux. Un cercle dont on ne peut sortir que par une politique énergique d’attractivité du territoire.

En 2021, les naissances repartent un peu à la hausse (+2,8%) avec 3.627 nouveaux nés, sans atteindre encore le niveau de 2019. Mais dans cette même année, les décès explosent de +30%, avec 1.037 décès supplémentaires dus notamment à la pandémie de Covid. Notre solde naturel se creuse encore.

Des perspectives inquiétantes :

Rien hélas ne permet d’espérer une inversion prochaine des courbes. Selon les prévisions de l’INSEE, la baisse de la population devrait se poursuivre sur les prochaines décennies pour atteindre en 2050 environ 293.000 habitants ! C’est à dire 105.000 habitants de moins qu’en 2009. Oui, vous avez bien lu.

Demain donc, nous serons beaucoup moins nombreux et beaucoup plus vieux. En 2030, 40% de notre population aura plus de 60 ans. 26.000 personnes seront en situation de grande dépendance (contre un peu moins de 20.000 aujourd’hui). Les besoins de soin et d’accompagnement augmenteront sensiblement dans un environnement où il y aura de moins en moins d’actifs pour assurer les prestations. Les métiers de la santé et de l’aide à la personne seront en très forte tension.

Le tissu économique général risque de souffrir fortement de cet environnement dépressif. Il aura du mal à assumer la vitalité du territoire dont on constate la dégradation depuis 2009. La croissance économique martiniquaise des dernières décennies est en effet marquée par une violente rupture en 2009 qui n’est toujours pas compensée.

  • 2000-2008 : +2,5% en moyenne annuelle
  • 2009 : -6%
  • 2010-2020 : +0,7% en moyenne annuelle
  • 2020 : -3%

La Martinique évolue aujourd’hui dans un grave contexte de décroissance économique et d’inflation. Les derniers chiffres indiquent un tassement de la consommation, prémisse d’une baisse très probable qui accompagnera la chute démographique. Les perspectives économiques sont très sombres si rien ne vient à court terme inverser les courbes démographiques.

L’enjeu majeur est de réveiller l’attractivité du territoire. C’est un enjeu vital qui doit mobiliser toutes les forces du pays, qu’elles soient politiques, institutionnelles, économiques ou citoyennes. Toutes les initiatives qui peuvent contribuer à ré-enchanter la Martinique sont bonnes à prendre. Chacun d’entre nous doit jouer sa part. Mais au-delà des projets de chacun, il est urgent de proposer une vraie solution structurelle pour relancer à la fois la machine économique, l’emploi et le pouvoir d’achat des Martiniquais. Une mesure ambitieuse pour galvaniser les énergies positives et inverser enfin la triste spirale qui nous entraine par le fond. Il est urgent d’oser la Zone Franche Sociale !

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