“Je suis le maire de tous. Il n’y a pas de chemin de discorde, il y a un chemin communal que je réhabilite au bénéfice de tous”
Cela aurait pu être une réhabilitation d’une route comme il y en a des dizaines en Martinique. Pourtant la réhabilitation d’un chemin communal prend des proportions inattendues. Il oppose la distillerie Neisson et la commune du Carbet. D’un côté, on veut que le cahier des charges pour le label bio soit respecté, de l’autre, un maire qui souhaite construire un chemin décent pour les habitants de ce quartier du Carbet. Le premier édile, Jean-Claude Ecanville livre sa vérité.
Pouvez-vous expliquer la situation entre la distillerie Neisson et la mairie ?
Je n’ai rien contre les cannes Neisson. Au contraire, je considère qu’elles sont un atout primordial pour le Carbet et plus largement pour la Martinique. En revanche, il y a une centaine de personnes qui habitent un peu plus haut de la distillerie. Aujourd’hui, ils en ont en assez de changer de voiture, d’amortisseur et autre pièce. C’est un dossier qui date depuis 2016 qui nécessite un aménagement de la route puisque les véhicules ne peuvent pas se croiser. Il faut faire marche arrière dans une route pentue sur 60 mètres. Il faut des canalisations d’eau qui tombent déjà dans les cannes. Nous canalisons aujourd’hui pour qu’il n’y ait pas de retour dans les cannes.
Les travaux ne vont-ils pas affecter les parcelles de canne bio ?
Nous respectons voire chérissons le bio que Madame Neisson a acquis. Mais il faut aussi savoir que l’emprise de la route qui a été déterminée par un expert judiciaire est de 7 à 10 mètres. Nous ne prenons que 4,50 mètres sur la route. Quatre mètres de route et 50 centimètres de caniveau. Ce n’est pas la mer à boire. Et contrairement aux rumeurs, je n’ai aucunement l’intention de faire des lotissements. Bien sûr que le Carbet est très demandé, mais il faut trouver une maison. C’est 300 000 ou 400 000 euros. En revanche, il faut donner à ces personnes la possibilité de sortir de chez eux. Madame Neisson ferme ses portes, donc les riverains sont obligés de passer par le petit pont que je voudrais essayer de refaire aussi pour enjoliver la ville.
Un chantier à l’arrêt
Pourquoi refaire ce chemin communal ?
Il y a bien sûr le respect des cannes, mais aussi le respect des habitants. Je suis le maire de tous. Il n’y a pas de chemin de discorde, il y a un chemin communal qui part du pont et s’étale sur 3km à peu près. Je réhabilite ce chemin au bénéfice de tous.
Pour le futur, je tiendrai compte des prescriptions, à savoir, demander encore plus de respecter les cannes.
Dans quelles mesures les remarques de Madame Neisson vont affecter le chantier ?
Pour le futur, je tiendrai compte des prescriptions, à savoir, demander encore plus de respecter les cannes. C’est ce que j’ai demandé au maître d’œuvre, de dire au bureau d’études et aux entreprises. Pour le moment, le chantier est à l’arrêt. Les employés sont en congés. De plus, il y a un procès qui arrive. Madame Neisson m’a traduit devant le tribunal. On pourra déterminer qui a le droit. J’ai reçu madame Neisson trois fois en mairie. Elle m’a demandé les plans que je lui ai donnés. Je lui ai dit que je ne touche pas à la partie qui est devant chez elle. Quand elle ferme la barrière, les riverains sont obligés de passer sur le gué. Le problème, c’est que c’est une rivière torrentielle lorsqu’il pleut. Il faut aussi de la sécurité.
“Ce serait de la folie de mettre les cannes en danger »
La réhabilitation de la route n’est-elle pas danger pour les parcelles bio de Neisson ?
Mais ce serait de la folie de mettre les cannes en danger. Elles font partie du patrimoine carbétien et l’attractivité de notre ville. Je suis dans une dynamique consensuelle. En revanche, je veux faire la route pour les riverains qui habitent plus haut. Il n’y aura pas de trottoir comme j’ai pu l’entendre. J’ai une centaine d’administrés dans ce quartier. Ils ont le droit au bien-être. Ils ont le droit à leur sécurité tout en respectant les chais de madame Neisson. Cette voie, telle qu’elle est aujourd’hui, est insécuritaire et accidentogène. Puisque la route longe un terrain bio, le bureau d’études a dû remanier de nombreuses fois les plans. Si d’aventure, le tribunal me demande d’arrêter, ce seront des frais pour la commune et pour les administrés.
Comment la situation est-elle devenue si tendue ?
Je ne comprends pas. Il suffit que nous nous mettions autour d’une table et que nous discutions, mais la ville se développe. Les gens achètent là-haut. Il s’agit d’un quartier résidentiel. Le Carbet avance avec le respect des uns et des autres, mais aussi avec l’intention et la volonté de mettre l’équité en avant.
Comment la situation peut-elle s’apaiser ?
Je sais qu’il y a eu quelques dévers sur les cannes. Je rappellerai les règles fondamentales aux entreprises. Par ailleurs, l’expert dit que les plantations de la distillerie ont pris sur le chemin communal. Pour autant, les nuisances de la distillerie Neisson sont parfois évoquées par les riverains. Quand les cannes sont utilisées pour faire du rhum, ce sont des nuisances olfactives.
Je ne suis pas intervenu dans ce dossier parce que je considère que Neisson est un fleuron. Je ne cherche pas la polémique. Mais il est vrai que cette histoire m’exaspère. Madame Neisson était déjà contre la RN2 qui passe devant chez elle. Sous l’ère Mouriesse (NDLR : ancien maire du Carbet), elle a lutté contre la RN2. Pourtant, quand vous arrivez au Carbet avec cette route-là, vous avez une belle ville qui bénéficie d’une belle entrée. Il a fallu lui faire une entrée pour que la Région, en charge de la construction de la route, ait une chance de travailler, d’ouvrir la voie. Madame Neisson a des antécédents très forts contre les avancées du Carbet.
Propos recueillis par Laurianne NOMEL
