Roger Lise :

« Je ne peux faire confiance à un gouvernement qui ne me reconnaît pas l’égalité »

Antilla N°1225

Né à Case-Pilote en juillet I927, fils d’une femme de ménage et d’un mécanicien d’usine, Roger Lise connaît les dures conditions de vie de la colonie Martinique. C’est la conscience de la misère des siens qui fera de lui le premier magistrat de sa commune natale avec une fin de carrière en apothéose dans un fauteuil de sénateur, où il siège pendant dix-huit ans. Dix-huit ans, c’est le temps qu’il passe également à la tête de la municipalité qu’il abandonne au profit de Frantz Bérose. D’abord capitaine de la Marine marchande, puis capitaine au long cours, il assure les transports entre les Antilles et la Guyane, avant de se fixer définitivement à la Martinique, où il devient pilote du port de Fort-de-France. Et, s’il faut porter témoignage personnel, sur les bancs du Conseil général, j’ai souvenir d’un homme discret, posé, loin des envolées lyriques et du blablabla flonflontant, propres aux collègues de sa génération.

Visite guidée d’une époque, celle des artisans de la loi d’assimilation, à travers les souvenirs et commentaires d’un sage.

SOUVENIRS SOUVENIRS

Quel est le souvenir le plus lointain que vous ayez de votre père ?

– Roger LISE : En réalité, je n’ai pas été élevé par mon père. C’était un mécanicien d’usine, ma mère, femme de ménage à Saint-Pierre a eu un enfant avec ce monsieur puis est revenue à Case-Pilote où elle s’est mariée à un marin-pêcheur, C’est ce dernier qui a été mon vrai père. C’est lui qui m’a élevé, et nous habitions à Fond Bouchet dans une petite maison en bois avec devant, une pièce de 5×2 mètres et, derrière, la chambre de 5x 3 mètres, séparée en deux par un rideau. Chaque fois que la mer était houleuse, il fallait envelopper nos affaires dans des draps, aller chez le voisin dans la savane, puis revenir après le mauvais temps. Alors, nous recollions les débris. A l’âge de sept ans, nous sommes venus habiter à Case-Pilote, où je fus scolarisé. J’ai connu des jours difficiles où le matin je n’avais qu’un café avec de la farine le plus souvent sans sucre et rien à midi. A seize heures, mon père étant pêcheur, nous avions une langouste pour le goûter et le souper. A l’époque, cela ne se vendait pas, cela se donnait.

J’étais âgé de vingt-deux ans et officier de marine lorsque mon père m’a reconnu, j’ai protesté. De toute façon, c’est la première personne qui reconnaît l’enfant qui est le père. Par contre, cela a été très important pour ma mère. Lorsque je lui ai annoncé la nouvelle, elle s’est exclamée : A i rikonèt ou mwen byen kontan ! ll faut bien comprendre le contexte de l’époque. En effet, souvent la femme avait un enfant d’un homme, mais c’était un autre homme qui s’en occupait, parce que le premier s’en était allé. Si les gens ne vous avouent pas cela, c’est qu’ils mentent, car la plupart des familles se sont constituées ainsi. C’est le suivant qui devient le vrai père et prend en charge l’enfant. Lorsque le vrai père reconnaissait l’enfant, pour la femme, cela signifiait qu’aux yeux de tous l’homme reconnaissait qu’elle n’était pas femme de mauvaise vie, qu’elle n’était pas femme volage, qu’elle n’était pas allée avec plusieurs hommes en même temps, que son fils n’était pas an yich kon’. Alors, oui, pour les femmes c’était important.

Quel est le souvenir que vous conservez de votre mère ?

– Roger LISE : Elle était comme les autres femmes de la Martinique. Bien qu’étant de la misère, elle était très digne. Stoïque, comme les mères romaines. Son boulot était de subvenir aux besoins mais surtout, d’éduquer, d’éviter que l’enfant allant à l’école ne soit pas les pieds nus, n’ait de vêtements déchirés, soit propre. La priorité pour les mamans de l’époque était de donner une éducation à l’enfant. C’était sa fierté d’entendre que son enfant avait une éducation. A cette époque, les gens avaient la notion de l’égalité. Ils voulaient être l’égal de l’autre.

L’égal de l’autre ? Qui est cet autre ?

– Roger LISE : S’ils étaient chez le béké, l’égal du béké, s’ils étaient chez un patron l’égal de ce patron, si la femme travaillait chez un instituteur, et il n’y en avait pas beaucoup à l’époque, son rêve était que son rejeton soit également instituteur. Etre l’égal de celui de condition supérieur était un sentiment partagé par la majorité des Martiniquais de l’époque. On voulait parler d’égal à égal.

C’est le terreau d’où émerge la volonté de l’Assimilation de I946 ?

– Roger LISE : J’ai côtoyé beaucoup de gens, je peux témoigner qu’ils voulaient surtout être l’égal de l’autre. Il y a eu la guerre du Mexique, chaque fois qu’un Martiniquais partait, c’était pour montrer qu’ayant les mêmes devoirs, il voulait les mêmes droits. Je n’ai pas eu de témoignages des acteurs eux-mêmes, mais le souvenir était encore proche. D’ailleurs, lorsque l’on croisait un homme estropié, on disait : « tala i fè la djè Meksik », parce que, en effet, ceux qui étaient partis sont revenus amputés de quelque chose. Les mêmes devoirs pour avoir l’égalité des droits ! C’était une volonté généralisée, même au niveau des plus humbles. Je vous donne un exemple : Jadis, le transport se faisait par canot. Vous montiez dans un canot pour aller à Saint-Pierre et on vous y conduisait à la rame : un jour, un pêcheur de Case-Pilote venant de débarquer un passager, bien habillé et tout, est en train de discuter avec celui-ci. Un passant, également bien habillé, l’interpelle et l’insulte. Le pêcheur, lui dit seulement : « rété-là mwen ka vini ». Et, il remonte dans son canot, retourne à Case- Pilote, revêt le seul bon vêtement qu’il avait, son linge d’enterrement, retourne à Saint-Pierre, retrouve celui qui l’avait insulté, et lui remet insulte pour insulte. Lorsque le policier est arrivé, pour mettre de l’ordre, celui-ci a dit : « Mais non, messieurs, des gens comme vous ne peuvent agir ainsi, entendez-vous ! ». Si notre homme était resté avec ses haillons de pêcheur, yo té ka foutéy lajol. Etant bien habillé, il était sur un pied d’égalité, et dans cette affaire il a pu se faire entendre et démontrer qu’il avait raison.

Il y avait donc une atmosphère propice à cet état d’esprit. D’où venait-elle ?

– Roger LISE : Des premiers enseignants. Vous savez que Jules Ferry était franc-maçon, après la première République ratée, la deuxième ratée également, à la troisième, il se dit qu’il doit faire en sorte que la population ne se laisse plus avoir aussi facilement. Il crée donc l’école laïque et obligatoire. Pour lui, le pays devait être divisé en autant de départements et que les instituteurs d’un département ne devaient pas enseigner dans un autre département. Ces instituteurs avaient donc pour vocation de former les jeunes dans leur département, de les attacher à leur terroir et à leur patrie. La Martinique, dans le même temps, a bénéficié de cela. La première génération formée par les instituteurs de cette époque a été celle de Félix Eboué. Ces jeunes ont donc été formés avec un état d’esprit du terroir et de l’égalité. Si le Général de Gaulle a pu parler, c’est grâce à Eboué qui s’est sacrifié au Tchad et lui a donné une terre. La deuxième formation, c’était Gaston Monnerville. Dans ces départements on formait des laïcs, qui avaient mission d’instruire de jeunes républicains pour éviter qu’il y ait un troisième coup d’Etat. Quand je pense, qu’à la Martinique, on a créé l’IUFM, cette école d’instituteurs ! J’ai dit au Président de Région, « mais monsieur Marie-Jeanne, c’est la première chose à démolir, on est en train de faire instruire de jeunes Martiniquais par des métropolitains, des gens qui n’ont pas connu l’esclavage, ni le reste. Il faut revenir à l’idée de Jules ferry que dans chaque département, les enseignants doivent être des locaux qui pourraient rappeler l’esprit de l’esclavage, l’esprit de sacrifice. Gaston Monnerville, dans son livre, rappelle ce que lui ont enseigné ses instituteurs qui, pratiquement, lui rappela les motivations des esclaves et des fils esclaves : Libérez le noir, donnez-lui du travail, il est l’égal du blanc. C’était ça les motivations.

J’ai une fois, en plénière au Conseil général de la Martinique, entendu Arthur Régis, affirmer que, capitaine au long cours, victime de racisme, votre promotion était stoppée. Avez-vous été victime de racisme ?

– Roger LISE : Ce n’est pas tout à fait exact. Je n’étais pas dans la Marine Nationale, mais dans la Marine Marchande, je travaillais pour des privés. Les officiers locaux en place ont leur syndicat, il y a donc un tableau d’avancement où on attend son tour en fonction de ses diplômes, de ses compétences et de son ancienneté. Dans la Marine Nationale, avec le cas de Morthenol, oui c’était du racisme. Morthenol n’a pas été nommé amiral, parce qu’il était nègre. A la Transat, je n’ai pas pu être commandant, mais j’étais second capitaine.

EN ROUTE VERS LA POLITIQUE

Comment êtes-vous entré en politique ?

– Roger LISE : Au cours d’une escale à la Martinique, j’ai entendu une conférence d’Aimé Césaire : « Victor Schœlcher, la lettre et l’esprit. » Césaire reprenait ce que j’avais déjà compris. En effet, chaque année, le 27 avril, il y avait une fête pour l’abolition de l’esclavage, un jour j’ai été choisi pour être le nègre marron qui devait planter l’arbre de la liberté. Ce jour-là, Césaire a remis dans ma tête cette revendication de l’égalité. J’étais capitaine de la Marine Marchande et le blanc lui, capitaine au long cours ? Ce n’était pas possible, je devais être son égal. Alors, j’ai repris les mathématiques, je suis retourné en France, j’ai fait élève officier aux longs cours, lieutenant et capitaine. En principe, ce cursus se fait en trois ans, je l’ai réalisé en une année, puisque j’avais déjà une formation et les matières nautiques. Tout cela pour être l’égal de l’autre. Alors, capitaine au long cours, je navigue à la Transat où je fais la ligne entre la Guyane et la Martinique. Donc, au cours d’une escale à la Martinique, je passe sur le marché de Case-Pilote, il y avait un attroupement : Une femme à qui on avait refusé le bon A.M.G, assistance médicale gratuite, avait accouché sur la table du marché. Cela a tourbillonné dans ma tête. Ma mère m’a accouché à l’hôpital, mais elle a eu deux autres enfants. Pour eux, elle n’a pas eu le temps d’aller à l’hôpital, ni ailleurs. C’est une matrone de Fond Bouchet qui l’a accouchée sur un banc dans la petite pièce de la maison. Alors, face à cette femme sur la table du marché avec son nouveau-né, je me suis dis que cela ne pouvait durer. Alors, j’ai décidé d’entrer en politique. Entre-temps, il y a eu un examen de pilote, je le passe et j’entre au pilotage. Je deviens donc pilote de Fort-de-France. Mon boulot consistait à faire entrer et sortir les bateaux, c’est une fonction libérale où je pouvais me permettre d’avoir du temps libre.

Qui avait refusé le bon AMG, le maire ?

– Roger LISE : Le maire ou le personnel, le bon AMG était, c’est vrai, un instrument de propagande, mais qu’importent les responsabilités ! Une femme avait accouché sur le banc d’un marché ! Cela m’a décidé à entrer en politique.

Donc, vous entrez en politique, comment cela se passe-t-il, qui était votre adversaire ?

– Roger LISE : Mon adversaire était monsieur Sarrotte. Il était maire, moi président du club de foot. Nous étions toujours ensemble. Je trouvais inconvenant que nous nous affrontions, mon objectif n’était pas de prendre sa place, mais la commune avait besoin d’un sang nouveau. Il y avait dix-sept conseillers, j’avais huit personnes avec moi. Il en avait neuf. Je lui ai dit qu’il n’avait rien à craindre pour sa réélection. Mais le premier adjoint, lui, craignait pour son poste. Alors il a persuadé les anciens que c’était un coup monté, qu’ayant un oncle dans les neuf partisans du maire, ma tante persuaderait celui-ci de voter pour moi, son neveu. J’ai voulu signer un engagement disant que je ne serais pas candidat au poste de maire, ce que je voulais, c’était lui apporter mon soutien, je n’ai pas pu convaincre. Alors, nous nous sommes affrontés et j’ai été élu.

LE MOMENT DU CHOIX IDEOLOGIQUE

Il y a eu la loi d’assimilation de 1946, entre-temps apparaît l’affirmation de l’autonomie par celui-là même qui avait présenté le rapport de 46. Comment vous déterminez-vous, face à cette aspiration nouvelle ?

– Roger LISE : Pour moi, c’est clair. Au lendemain de mon élection, je suis allé voir Aimé Césaire à la route de Redoute, je lui ai dit : « Monsieur le maire vous êtes dans une opposition stérile qui ne nous rapporte rien. Je ne suis plus avec vous. Je suis maire de Case-Pilote, j’ai connu la misère, je ne veux pas que Case-Pilote connaisse cette misère que j’ai connue. » Jusqu’à aujourd’hui, nous sommes restés en bons termes. Je lui rends visite, mais nous ne parlons jamais politique. Au début, je le suivais politiquement, j’ai cessé de le suivre lorsqu’il a parlé d’autonomie. Ma philosophie et ma conviction sont les suivantes : Je suis dans un pays où je dois défendre mes droits. Je veux avoir l’égalité des droits. Ce n’est pas en allant ailleurs que j’aurai cette égalité. D’autant qu’en regardant autour de moi, il n’y a rien qui pourrait nous convenir.

En 2006, avec le recul que vous avez, à votre avis, d’où vient l’idée de la rupture, soit par un concept d’autonomie, soit par un concept d’indépendance, par des aînés qui, comme vous le rappelez, se battaient surtout pour l’égalité ?

– Roger LISE : J’ai une idée, sur la question. Celui qui a suivi Césaire comme moi, sait quoi que l’on dise, quoi que l’on pense, que celui-ci a voulu l’assimilation, comme tout le monde le souhaitait à cette époque. Le Martiniquais, et c’est peut-être là le plus important de cet entretien, le Martiniquais a fait confiance au blanc. Et, c’est là l’erreur ! Il faut que le Martiniquais comprenne qu’il y a deux catégories de blancs. Il y a Victor Schœlcher et l’Abbé Grégoire. Et puis, les autres. Dont François Mitterrand ! Lui, parle du droit à la différence. A partir du moment où l’on parle du droit à la différence, c’est que nous ne sommes plus pareils. Il faut que les Martiniquais fassent la différence entre Victor Schœlcher et l’Abbé Grégoire qui eux, savaient que le noir avait les mêmes possibilités que l’homme blanc. A côté de cela, il y a l’autre homme blanc qui se croit toujours supérieur, même si vous êtes dans la même université que lui et que vous êtes major de la promotion, il ne le reconnaît pas. Il se croit supérieur, alors qu’il doit venir chez nous avec l’idée, non pas de dominer, mais, d’apporter un complément. Même Clémenceau, après 14-18, avait compris que des combattants pareils méritaient d’être l’égal des Français.

Oui, mais alors pourquoi y a-t-il des Martiniquais, face à ce comportement finalement raciste, qui demandent plus de pouvoir à travers l’autonomie et d’autres qui continuent à réclamer cette assimilation ou cette départementalisation ?

– Roger LISE : Mettons-nous d’accord, il s’agit de réclamer l’égalité des droits, ensuite nous entrerons dans les spécificités. Quand j’entends madame Michaux-Chevry, et c’est malheureux, dire à la télé « la Martinique est passée à côté ». Mais, avant, pour la Corse, on a, d’abord, déterminé ce dont ce pays avait droit ! Les droits et les services. Or, vous, vous vous voulez voter tout de suite. Alors, demain, le blanc vous dira : « Voilà ce que je vous donne ». Après vous avoir promis, c’est encore lui qui vous donnera ou qui ne vous donnera pas, ce qu’il veut. Lui un homme blanc qui n’a pas confiance en vous. C’est là que je me sépare de Marie-Jeanne et de tous les autres. Je ne peux pas moi, faire confiance à quelqu’un ou à un gouvernement qui ne me reconnaît pas l’égalité. Je suis français, j’ai donc droit à. On n’a pas à me concéder. C’est un dû. Donc, voyons d’abord, ce auquel j’ai droit. Je suis d’accord pour changer de statut, mais ce que l’on me propose doit être fait sur la base de l’égalité.

En 2006, l’idée de l’intégration n’est-elle pas, petit à petit, supplantée par celle de l’émancipation, les autonomistes sont de plus en plus nombreux, non ?

– Roger LISE : Non, en réalité tant que le métropolitain qui vient pour servir aux Antilles se croira supérieur, l’Antillais se sentira frustré. Il a l’impression qu’on lui impose beaucoup de choses. Ce qui est possible, c’est d’obtenir dans le cadre des lois françaises, la possibilité de prendre nos propres décisions. Pour cela, nous n’avons besoin ni de l’Assemblée Unique, ni de l’Autonomie. C’est le comportement arrogant du fonctionnaire qui prédispose ces aspirations d’autonomie, mais cela ne va rien améliorer. Je prends un cas : lorsque Tchibaou, en Nouvelle-Calédonie a obtenu les pouvoirs qu’il voulait, il n’était pas entouré de Canaques, mais d’autres personnes qui n’avaient pas la même culture que lui. Vous connaissez le résultat, quand on s’est aperçu qu’il ne faisait pas ce que l’on pensait qu’il ferait, on l’a supprimé, estimant qu’il avait trahi. Il n’avait pas trahi. Il subissait une influence. C’est exactement cette influence que nous devons éviter en formant des gens à nous. Il ne faut pas que l’influence de la culture française, à travers l’école, prenne le pas sur notre culture, il faut que nos fonctionnaires formés restent avec la notion de culture antillaise.

Comment voulez-vous appliquer dans un pays, des lois qui n’ont de valeur que chez les autres ? Le fond de notre culture est simple, bien qu’ayant côtoyé les plus grands, je veux rester moi-même, l’esclavage et la colonisation nous ont nécessairement marqués. Cette époque a développé la solidarité, car s’il n’y avait pas la solidarité des coupeurs de cannes, des hommes de la terre les plus illettrés aux côtés des plus instruits ! Nous ne serions pas arrivés au 22 mai. Tant que la solidarité sera le maître mot, tout sera possible. Si c’est l’égoïsme qui l’emporte, nous nous écarterons de notre culture. Qu’est-ce qui peut justifier, dites-moi, au niveau où nous sommes aujourd’hui, le maintien des 40 % ?

40 % qui donnent à celui qui a déjà la garantie de l’emploi des avantages supplémentaires, qui donnent aux métropolitains qui viennent ici des avantages supplémentaires et une espèce de prime ? C’est une mesure qui ferme les débouchés pour nos enfants. Lorsque l’on se dit Caribéens, il faut se mettre sur le même plan que les gens de la Caraïbe. Qu’est-ce qui nous empêche de vivre comme les gens de Sainte-Lucie ? Je me souviens de la grève pour les 40 %, comme beaucoup de Martiniquais en passant devant la Maison des Syndicats où étaient les grévistes j’apportais mon obole pour soutenir cette grève des nègres contre les blancs pour exiger l’égalité. Je répète que la notion de solidarité est très importante. Aujourd’hui, les jeunes touchent le R. MI. Comme pour les 40 %, rien ne le justifie. Maire de Case-Pilote, j’avais trois employés municipaux, mais avec les fonds de chômage je faisais travailler cent personnes ; c’est quoi le R.M.I ? On vous donne l’équivalent de deux heures et demie de travail à ne rien faire. Qu’est-ce qui empêche de trouver de l’argent pour faire faire cinq heures et donner du travail à ces jeunes ? Dans une famille les enfants qui ont réussi trouvent du travail, ceux qui n’ont pas réussi restent à la maison à boire du coca, à ne rien faire. Ils n’ont plus contact avec les autres, ils ne savent pas ce qui se passe autour d’eux, si on leur disait vous ne touchez pas deux heures trente de R.M.I, mais cinq heures d’un vrai travail. Ils auraient contact avec les gens, auraient participé à la vie. Et pour conclure sur ce chapitre, je dis que la base de notre culture est la notion de solidarité.

UNE MANIERE DE BILAN

Vous avez été le maire de Case-Pilote, que vous doit Case-Pilote ?

– Roger LISE : J’ai été maire pendant dix-huit ans, faites le tour de Case-Pilote et citez-moi quelque chose d’important qui n’aurait pas été fait par moi. J’ai trouvé Case Pilote avec une petite rue qui la traversait, il y avait 1 800 habitants, quand je l’ai laissée il y en avait 3.800, les lotissements, les routes, le stade, la maison des pompiers, et tout le reste, aidé en cela par les fonds de chômage, ont été faits par moi. J’ai été président de l’Association des maires et en tant que tel j’ai œuvré pour la création du port de pêche. Ayant l’autorité de l’association Emile Vié, ancien préfet et directeur au ministère des DOM, m’a donné un million de francs. La commission départementale de la Martinique a scindé cette somme en trois. La plus petite part 300.000 francs, cela a été pour moi, le Marin et le Vauclin ont reçu 35.000 francs. Le Marin n’a jamais dépensé cette somme et aujourd’hui on l’a perdue. Victor Charron n’a pas eu le temps et Rodolphe Désiré n’en a pas voulu.

Pourquoi le port de pêche n’a-t-il pas marché ?

– Roger LISE : Mais il fonctionne, mais c’est toujours la même histoire ! Je n’ai rien contre le blanc, je lui demande seulement de comprendre. Lorsque nous avons fait la digue, j’ai dit à l’ingénieur que les roches étaient trop faibles. On ne m’a pas écouté. Conclusion ? la digue a cédé et les bateaux qui étaient à l’intérieur ont été engloutis. J’ai recommencé une nouvelle digue, cette fois en dur. Allez donc voir, le port est rempli de bateaux et fonctionne très bien.

Et l’usine de poissons ?

– Roger LISE : Mais, là aussi, c’est toujours la même histoire ! Les gens ne font pas la différence entre politique et gestion. Les syndicats de la pêche voulaient entraver les règles de gestion installées par le directeur de l’époque. Le marin-pêcheur ne comprend pas qu’il ne peut pas s’amuser à vendre son poisson quand il trouve des acheteurs et n’amener à la conserverie que les restes qu’il ne peut vendre. Il n’a pas compris qu’il fallait apporter le poisson tous les jours. Lè i twouvé vann li i ka vann li lè i pa twouvé vann li i ka potéy. Et souvent, lorsqu’il arrive le poisson est avarié.

Que faudrait-il faire, à votre avis, pour développer la pêche ?

– Roger LISE : Les surfaces cultivables disparaissent de jour en jour, il n’y a qu’une seule zone où la Martinique peut s’épanouir sur tous les plans, plan touristique, plan de la pêche, c’est le littoral. Nous devons préserver le littoral et nous assurer de la pureté de l’eau. Or, à mes frais, j’ai démontré qu’en 2002-2004 que la station d’épuration de Case-Pilote, la dernière en date, donc celle qui pouvait fonctionner le mieux, donnait une eau polluée. Si les maires avaient eu la même curiosité que moi, simple citoyen, de prélever à la sortie la qualité des eaux pour savoir ce qui se passe, la pollution des fosses sceptiques, nous aurions pu l’éviter. A partir de cela, mettons cette manne qui est autour de la Martinique à la disposition des pêcheurs. Je travaille avec la Région et nous avons mis en place des réserves pour permettre aux poissons de se renouveler. Il est indispensable que nous ayons des dispositifs de concentration de poissons, ce que la Région a commencé à faire, mais il en faudrait beaucoup plus.

La Martinique est actuellement victime de la spéculation foncière, les villas et les appartements qui se construisent à Schœlcher, à Sainte-Anne, au Diamant, à Sainte-Luce, à Trinité, sont hors de la portée des bourses martiniquaises, à votre avis, quelle est la solution ?

– Roger LISE : Rien n’empêche monsieur Marie-Jeanne, monsieur Claude Lise et tous les maires de la Martinique de faire des réserves foncières.

Il faut quand même être assez riche, répondent certains maires.

– Roger LISE : C’est faux, soyons sérieux ! Quand Marie-Jeanne et Claude Lise veulent préserver des terrains pour faire ce qu’ils ont à faire. Non seulement ils ont les moyens, mais ils peuvent faire des prêts, pour acheter toute la Martinique. Quand les békés se sont rendus compte qu’il fallait tout liquider, c’est à ce moment-là qu’il fallait tout acheter. Il est encore temps de dire, nous achetons tous les terrains libres à partir d’aujourd’hui avec notre droit de préemption. Il faut faire l’effort qu’il faut et les emprunts nécessaires. Pour la vente des terrains de la sucrerie, par exemple, j’ai fait un deal avec le propriétaire, je lui ai dit la : Je fais les aménagements nécessaires, la partie droite des terres vous pouvez la vendre à qui vous voulez, mais la partie gauche vous vendez aux ouvriers agricoles à deux millions l’hectare, pas un sou de plus. Aujourd’hui, vous pouvez monter dans ce quartier, les propriétaires sont des ouvriers agricoles.

Tony Delsham

Propos recueillis par Tony DELSHAM, pour Antilla

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