Rencontre avec la plasticienne martinico-guadeloupéenne Géraldine Entiope, lors du vernissage de son exposition, « Conte de faits ». Une exposition visible jusqu’au 15 juin prochain, à la Galerie André Arsenec (à l’Atrium).

 

Certains proverbes, bien connus des antillais (« Sa ki la pou vou lariviè pa ka chayé’y », etc.), sont les titres de certaines œuvres : pourquoi avoir mis ces créations en résonance avec ces traits de notre parler ? « Nous sommes une société orale », rappelle l’artiste, « avec le bèlè, les contes – justement -, le slam, etc. Donc c’est venu à moi naturellement.

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Ces proverbes, ces expressions, viennent spontanément dans notre parler ; j’ai trouvé ça naturel. » Dans cette exposition, certains défauts (parait-il inhérents à la nature humaine) sont plusieurs fois illustrés, ou plutôt exprimés par la plasticienne. La médisance – la « malparlance », comme on dit chez nous – est de ces pratiques : un tableau s’intitule « Koméraj », une série de trois autres forment « Lé malpalan »… « Ah ? C’est très présent ? », lance l’artiste dans un grand sourire, « ‘Lé malpalan’ sont mes dernières créations et j’en suis particulièrement fière. ‘Lé malpalan’ ce sont les ‘on’ : ‘on’ m’a dit ci, ‘on’ m’a dit ça… Mais ce n’est jamais concret ; il n’y a jamais de noms, jamais de visages. »

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Et d’ajouter : « Ces tableaux sont très expressifs parce qu’ils représentent une ombre, avec des mots. Les gens s’acharnent à t’inventer une vie, à s’occuper de tes affaires, et surtout à ouvrir leurs bouches alors qu’ils feraient mieux de se taire. J’aime beaucoup cette série, parce que j’avais ça à dire (rire). » Oui, nous l’avions bien ressenti Géraldine. Et une fois achevée une série comme celle-là, comment se sent-on ? Soulagée ? Libérée ? « Complètement », acquiesce-t-elle aussitôt, « et j’étais fière parce que personne ne m’attendait dans ce registre ; j’avais besoin de ça. » L’un des tableaux de cette série (une œuvre qui attira tous les regards et commentaires), nous est d’ailleurs apparu comme porteur de douleur, de gravité. « Il n’est pas grave, il est intense », nuance l’artiste, « intense au niveau de la couleur, de l’émotion, de la luminosité. Mais il n’est pas négatif, au contraire. » Le motif, le symbole du journal, du cahier, du carnet, est aussi régulièrement présent dans les créations exposées. Pourquoi cela ? « ‘Conte de faits’, c’est un parcours, un cheminement », répond Géraldine Entiope, « les paroles volent mais ce n’est pas la même intensité quand tu les écris. Il s’agit de conserver une trace, de mettre par écrit pour faire mémoire, un peu comme un journal intime. » Est-ce à dire que le vécu de l’artiste imprègne chaque œuvre, ou est-elle davantage à distance de certaines créations, comme le tableau Télénovélas par exemple ? « Ce travail c’est vraiment un échange, un partage », précise la plasticienne, « au début des télénovélas en Martinique, certaines rues étaient désertes, tout le monde était devant la télé. Et ça reste encore d’actualité (sourire). » En conclusion, cette question au classicisme assumé : qu’est ce qui vous inspire Géraldine Entiope ? « Tout », répond-t-elle aussitôt, « tout ce qui se passe dans ma vie, mais aussi dans celle des autres parce que je partage beaucoup et que je suis assez sensible. En fait ‘tout’ me touche (sourire), donc c’est assez facile pour moi de traiter d’un thème. » Mike Irasque. n

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