« Mes chers parents, il y a un meilleur moyen d’obtenir reconnaissance des torts qui nous sont causés par la reconnaissance de notre propre part de responsabilité. Je veux dire que le meilleur moyen d’amener les autres à reconnaître les torts qu’ils ont causés, c’est d’abord de reconnaître notre propre part de responsabilité.

Pour avoir vaincu, livré en échange de pacotilles, certains de ces enfants les plus valides à d’autres peuples en quête de main-d’œuvre gratuite, l’Afrique s’est vidée de son sang, de sa force de travail, a manqué de protéger sa progéniture, voire, a péché contre elle. Nous qui avons succédé aux générations coupables de cette faiblesse, j’allais dire même de cette bassesse ; nous de l’Afrique d’aujourd’hui, de part et d’autre de l’Atlantique, devrons œuvrer en faveur de nous-mêmes à la réparation morale, mentale, voire matérielle, du préjudice subi par notre détermination à sortir de la pauvreté consécutive à l’horreur de la traite des Noirs.

C’est pour dire que le meilleur moyen, la meilleure réparation, c’est celle qui proviendra de nous-mêmes en notre propre faveur. La conviction est que la véritable liberté s’arrache, que la sortie de la pauvreté n’est jamais de la volonté ou de la générosité du vis-à-vis, jamais. Mais qu’elle s’obtient par la révolte intérieure et la rage d’en sortir. Quel que soit l’effort nécessaire pour y parvenir. Le développement et la richesse au sein de la compétition et de la volonté d’être le meilleur. Le plus riche. Malheureusement, tels sont les caractéristiques de l’humain, de la communauté humaine. L’Homme est ainsi fait. Les communautés humaines fonctionnent ainsi. Mesdames et messieurs, c’était ainsi hier. C’est encore ainsi aujourd’hui, et ce sera toujours ainsi demain. Et cet état l’esprit, cette compréhension, nous devons les avoir et les transmettre de génération en génération. Si nous y parvenons, cet état d’esprit, il nous permettra de nous réconcilier avec nous-mêmes et avec les autres, quels qu’ils soient, sans rien attendre de leur bonne conscience. Ce faisant, mesdames et messieurs, mes frères, nous prendrons pas à pas, jour après jour, notre place dans le champ de la compétition universelle et inversement. Les constantes d’hier sont encore persistantes aujourd’hui. Ce sera sans rancœur parce que c’est ainsi que va la vie.

Mes chers frères et sœurs, la reconnaissance de notre drame auquel nous avons participé nous-mêmes, sa réparation et la réconciliation nécessaire à l’égard de nous-mêmes avant de l’exiger des autres est notre meilleur moyen de renaître, le meilleur atout pour nous d’exister autrement désormais et de réparer les injustices du passé, du présent. Afin qu’elles ne perturbent pas.

Mes chers frères et sœurs, ce message de conscience, je tenais à vous le passer ce soir parce que la marginalisation du tiers monde, ou plutôt la marginalisation du peuple noir, auquel s’assimilent les autres peuples qui ont un grain de savoir. Vaincre cette fatalité est à notre portée. Il nous faudra du temps. Mais il faut en prendre conscience. Il faut prendre conscience que nous disposons des moyens de vaincre cette fatalité. Le reproche légitime que nous avons légitimement à l’égard de ceux qui ont eu du plaisir, de l’intérêt à nous soumettre ces reproches, si nous nous y cantonnons  nous n’allons pas nous libérer. Nous n’allons pas nous développer, nous n’allons pas nous enrichir. Les barbaries des autres à notre égard sont une réalité, mais cette réalité, nous devons nous en échapper, l’immobiliser. Elle ne doit pas être une excuse permanente pour nous, pour nos faiblesses, nos insuffisances. Nous accusons trop souvent l’autre d’être la source éternelle de nos faiblesses. Et quand la nature nous a contraints à vivre dans un même espace, avec ceux qui jadis ont été nos bourreaux ou descendants de nos bourreaux, devons-nous refuser de tourner la page ? Dans l’espoir inattendu que chacun joue sa partition dans la renaissance, dans la réconciliation, dans la reconstruction. Faisons-nous plutôt proactifs. Faisons en sorte que la controverse, les polémiques et les rancœurs ne s’éternisent pas, en tout cas pas dans nos cœurs.

Mes chers frères et sœurs, ces controverses, ces polémiques et ces rancœurs qui restent encore parfois perceptibles ici, sur cette belle terre de la Martinique, elles le sont encore chez moi au Bénin. Ces controverses, ces polémiques et ces rancœurs qui sont encore perceptibles ici en Martinique le sont également chez moi, au Bénin. En effet, au Bénin, la mémoire collective, met malheureusement encore beaucoup de temps à se débarrasser du souvenir des horreurs, des drames, des conflits, des temps passés entre royaumes, ethnies et communautés. Vivre ensemble, construire ensemble une nation, en faisant fi du souvenir des horreurs qui ont opposé nos royaumes jadis, nos communautés dans le temps, nos ethnies dans le temps. C’est le défi qu’est le nôtre, vivre ensemble, construire une nation en dépit de cela. Et presque toutes les grandes nations du monde, ont connu, ont vécu ces mêmes controverses, ces mêmes rancœurs en leur propre sein. Notre histoire est particulière, certes, mais elle est caractéristique de ce que le monde est, de ce que le monde a été.

Mesdames et messieurs, c’est notre responsabilité commune, notamment celle des responsables des communautés et des dirigeants, des responsables politiques ou administratifs »

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