Dans cette tribune poignante, Frédérique Dispagne, gérante du Patio Foyalais à Fort-de-France, soulève des questions cruciales sur l’avenir du tourisme dans la “Ville Capitale”. Suite à un récent incendie ayant perturbé l’activité hôtelière, Mme Dispagne dresse un constat sans concession des défis auxquels font face les professionnels du tourisme à Fort-de-France. De l’insécurité aux problèmes d’infrastructures, en passant par le manque d’animations, elle pointe du doigt les nombreux obstacles qui entravent le développement touristique de la ville. Tout en exposant ces difficultés, l’auteure propose des solutions et lance un appel aux autorités locales pour une action concertée visant à revitaliser le centre-ville et à soutenir les acteurs du tourisme.
Est-il encore possible d’exercer le tourisme au Centre-Ville de Fort-de-France ?
Mon whatsapp vibre. Il a raison. Une nouvelle importante, à deux titres : l’état des commerces en centre-ville et la bonne marche du tourisme foyalais.
« Un incendie dans la nuit en plein centre-ville de Fort-de-France
Le feu s’est déclaré dans la nuit (14 au 15 juillet) dans un commerce désaffecté. Les occupants de l’hôtel Impératrice ont été évacués.
Un incendie s’est déclaré cette nuit à la rue Antoine Siger à Fort-de-France vers 2h40. Selon nos éléments, il s’agirait d’un feu de moto qui se serait propagé dans un bâtiment au numéro 10, un commerce désaffecté (…) Les pompiers qui sont intervenus ont dû éviter un risque de propagation notamment vers l’hôtel l’Impératrice, rue de la Liberté. »
Je pense immédiatement : les hôteliers ont géré, géré comme nous hébergeurs et commerçants le faisons si souvent.
Géré des problèmes qui ne nous appartiennent pas, géré les problèmes incombant à notre emplacement géographique : Fort-de-France, et tout particulièrement son Cœur de Ville.
Je suis moi-même gérante d’un meublé de tourisme à Fort-de-France, au 19 rue Achéen, ex-Gallieni : Le Patio Foyalais. Jusqu’à quand, nous, hébergeurs du tourisme, devrons-nous gérer des problèmes qui ne nous appartiennent pas et qui relèvent de notre Ville ?
Pourquoi un touriste choisit-il de venir au Centre-Ville ? Question légitime, quand beaucoup de martiniquais évitent de s’y rendre. De mon expérience de 7 ans, je pense pouvoir livrer quelques pistes de réponse à cette interrogation. Je tâche même de livrer à chaque obstacle une solution pérenne et constructive.
Le touriste vient au Centre-Ville pour être à mi-chemin entre le Sud de la Martinique et le Nord, sans oublier son Centre.
S’il vient par exemple deux semaines, le touriste bénéficie des navettes maritimes pour découvrir nos plages la première semaine. Il loue possiblement un véhicule pour accéder au Nord la seconde semaine.
Très régulièrement, ces navettes maritimes se trouvent en grève. Non des grèves sporadiques, mais de longues et interminables grèves, des grèves que l’on ne peut ignorer en tant que citoyen et/ou professionnel du tourisme.
Notre touriste qui avait imaginé le Centre-Ville comme SA voie royale pour se rendre aux Trois-Ilets, ou aux Anses d’Arlet par la mer .. s’est extrêmement mal projeté. Tant pis pour nous qui comptions sur cette artère majeure du tourisme foyalais, et notre touriste nous le reproche. Nous, l’hébergeur touristique.
La solution existe ou plutôt est à facilement déployer : mettre en place des navettes alternatives et routières à heures très fixes par établissement hôtelier, c’est une évidence. Des taxicos du tourisme légaux et réguliers.
Les navettes récupèreraient les clients dans les hôtels foyalais le matin et les déposent en fin d’après-midi. A l’aller et au retour, peu d’embouteillages garanti, nous serions dans le sens inverse du trafic.
Beaucoup de touristes qui ne souhaitent pas louer de véhicules pour se rendre sur les plages de l’île. Avis aux novateurs martiniquais, un aller-retour aux Salines, à Tartane ou aux Trois-Ilets en mini bus pour mes touristes ? Je signe immédiatement avec l’entrepreneur.se qui me propose cette alternative.
Le touriste vient en Centre-Ville pour vivre une certaine urbanité, profiter du monde et le faire en toute sécurité. Nous en venons au sujet de l’errance non maîtrisée qui incommode tous les jours les locaux et les touristes, et qui m’a valu ce doux commentaire sur Booking : « Quartier ou il y a beaucoup d’itinérance- nous nous sommes fait harceler et suivre »
Un autre client de m’expliquer tout en écourtant son séjour : « J’adore votre patio mais pas votre ville. Je m’en vais de ce pas à à Schoelcher, ce sera plus calme et plus propre. »
L’errance.. combien sont nombreuses les plaintes, les sentiments d’insécurité et les insécurités réelles, les dérangements, les mendicités agressives et les fréquentes injures.
En échangeant avec d’autres hébergeurs, notamment des hôteliers, l’un d’entre eux s’interrogeait sur la pérennité de l’ouverture de sa terrasse donnant sur le Centre-Ville.
La solution ? Élémentaire et exclusivement politico-sanitaire : une gestion de l’errance et de la maladie mentale, une gestion des addictions à la drogue et des centres de soin visant à accueillir nos concitoyens en souffrance dans le Nord, le Sud, le Centre.
Les personnes errantes viennent de toutes les communes de la Martinique et espèrent en fréquentant la ville avoir plus de trafic et de chances dans leur mendicité. Dans une société bien gérée, leur place n’est pas la rue. Nous ne sommes pas à la hauteur de nos personnes errantes, de nos concitoyens sous addiction : notre politique les a abandonnés. Nous ne leur offrons pour le moment aucun dispositif digne de leur humanité. Il s’agit bel et bien, sans réserve, d’une responsabilité territoriale, conjointe aux trois EPCI et qui incombe à la CTM qui doit en être le chef d’orchestre incontestable.
Le touriste vient en Centre-Ville pour bénéficier d’une offre vaste de restauration et de commerces de bouche. Pour le moment et pour le satisfaire, je suis fière de pouvoir citer la rue Garnier Pagès. C’est un début, il faut le reconnaître. Mais à part cela ? Mes clients se plaignent de ne pas trouver de restaurants et de choix au Centre-Ville, particulièrement le soir et ne parlons pas des dimanches. La faute à qui ? Les touristes me questionnent inlassablement sur l’ouverture des cabanons en bois censés redonner vie à Fort-de-France sur sa Savane.
Nombre d’entre eux se plaignent que leurs dollars sont refusés dans les commerces.
Peut-être des codes couleurs facilitateurs de la déambulation touristique, en vue de l’identification fluide de chaque artère du Centre-Ville. Ce serait pour quand ?
La solution est si simple : la rue Garnier Pagès a vu son décor émergé en quelques mois.
Pourquoi ne pas généraliser son concept gagnant sur 5 rues à minima, les plus fréquentées et les plus stratégiques, pour colorer et animer Fort-de-France ?
Les cellules d’Animation de la Ville de Fort-de-France ne sont-elles pas rémunérées pour assurer cette Animation ?
Appel à toutes les bonnes volontés associatives foyalaises : c’est en multipliant les initiatives à l’exemple des commerçants de la rue Garnier Pagès que nous y parviendrons.
Le touriste vient dans un hébergement touristique pour bénéficier de l’eau dans sa chambre et ses commodités d’hygiène. Évoquons nos récurrentes coupures non concertées.. Presqu’autant récurrentes que les fêtes de Noël. Néanmoins, est-ce un cadeau de voir nos clients débouler furieux et nous réclamant des remboursements de nuitées car ils payent AUSSI pour bénéficier d’une douche.. Ces coupures ne rendent-elles pas encore plus complexes l’exploitation commerciale ? Le nécessaire usage de l’eau ne fait-il partie intégrante du processus de production des restaurateurs ? Pour les hébergeurs touristiques, qui, en plus de leurs chambres, proposent aussi un restaurant, et soyons complètement fous : un Spa, ne sont-ils pas de fait soumis à des contraintes sanitaires réglementaires ? Comment gérer dans ces temps de coupure la limitation de l’accès aux toilettes dans les espaces de restauration ?
Et je m’interroge encore quant à notre dédommagement en tant qu’établissement recevant du public ( ERP).
Où peut bien se trouver le tel et tel qui me fait des leçons de qualité tourisme et me laisse désormais seule, à me faire hurler dessus en tant que garante de la qualité de mon établissement ?
Les factures d’eau arrivent quelques semaines plus tard, sans ébauche geste commercial.
À minima, où sont les mots d’excuse et de respect aux résidents, aux citoyens, aux hébergeurs, aux restaurateurs, aux commerçants qui ne coûtent rien qu’un peu d’humilité et de savoir-vivre de tous ces institutionnels remplis de discours ?
La solution aussi est simple en attendant une concertation efficace de nos élus : un financement par la Ville de citernes et de réserve d’eau conséquentes pour tous ces ERP.
Parfois, j’ai une tentation, un coup de baguette magique et je parachuterais le Patio Foyalais fissa aux Trois-îlets ou au Diamant. Allez je me reprends .. je me dis chaque jour courage tu peux faire quelque chose pour ta Ville..
Vannée par ces conjonctures extérieures à ma gestion, à ma zone de contrôle, je contemple avec stupeur mes commentaires sur les réseaux, et je pleure cet i bon kon sa forcé et de mise en Centre-Ville.
Nous sommes le 15 juillet, Le feu s’est déclaré dans la nuit (14 au 15 juillet) dans un commerce désaffecté. Les occupants de l’hôtel Impératrice ont été évacués.
Je compatis avec cet hôtelier qui rencontre une difficulté supplémentaire, à laquelle il est totalement étranger.
l’Impératrice, hôtel 3 étoiles au 15 rue de la Liberté, à Fort-de-France.
Quelle liberté ? Celle du commerce paisible ? Certainement pas.
Frédérique DISPAGNE
Gérante du Patio Foyalais qui ne démissionnera pas