Retrouvez, désormais, sur notre Blog, les traces de notre journal papier…Aujourd’hui, notre page 3 du jnl 1546 du 21 févr.2013. L’intervention à l’Assemblée nationale du député du Nord-atlantique, Bruno Nestor Azérot pour le mariage pour tous a été particulièrement remarquée. Si Mme Taubira lui a réservé une réponse circonstanciée, ce qui nous a surtout frappé c’est le texte ci-après de l’historien martiniquais Gilbert Pago qui fait référence au Code Noir 371 ans après. Voici ce texte et un court commentaire d’Henri Pied.

 

Gilbert Pago évoque le code noir…

Bruno Nestor Azérot, député de la Martinique vient de faire une déclaration retentissante à l’Assemblée Nationale Française dans le débat sur le mariage pour tous. Je ne reviendrai pas sur son positionnement qui relève de ses convictions personnelles, qu’il faut tolérer même si je ne suis pas d’accord, mais sur l’argument qu’il a considéré comme le plus important dans son argumentation. Il a déclaré : « Moi, homme issu d’un peuple opprimé, réduit en esclavage, où le système social était un système qui refusait à un homme et à une femme de pouvoir avoir un enfant et de se marier légitimement, où le mariage était interdit et fut une conquête de la liberté ». L’argument mérite d’être commenté car l’histoire et notre passé d’esclave sont souvent utilisés, à tort et souvent en total contre-sens. C’est donc en ma qualité d’historien que je me prononce. Si des maîtres se sont souvent opposés aux mariages des esclaves, pour leurs intérêts. Ce n’étaient ni le cas de la totalité ni le sens de la politique royale exprimée à travers les instructions royales et le fameux Code Noir qui était enregistré par le Conseil souverain. Le Code noir, édit du mois de mars 1685, qui fut maintes fois complété les années et les siècles suivants a été appliqué jusqu’en 1848. Les passages que je cite, datent de 1685 et se retrouvent déjà dans les textes de Patoulet de 1681 ou de Blénac de 1683. Ils n’ont jamais été modifiés dans toutes les mises au point ultérieures. Le Code noir est dit avoir été rédigé «… pour y maintenir la discipline de l’Eglise Catholique, Apostolique et Romaine et pour y régler ce qui concerne l’état et la qualité des Esclaves dans nos dites isles… » Article 2 : Tous les esclaves qui seront dans nos isles seront baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine… Article 10 : les dites solennités…pour les mariages, seront observées tant à l’égard des personnes libres que des esclaves, sans néanmoins que le consentement du père et de la mère de l’esclave y soit nécessaire, mais celui du maître seulement. Article 11 : Défendons aux curés de procéder aux mariages des esclaves, s’ils ne font apparaître du consentement de leurs maîtres… Article 12 : Les enfants qui naîtront de mariage entre esclaves, seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves, et non à ceux de leur mari, si le mari et la femme ont des maîtres différents. C’est au nom de cet édit que les maîtres qui ont séparé des familles ont été attaqués, difficilement il faut le reconnaître, lorsqu’ils ont séparé des famille ou vendu des pères surtout lorsque les esclaves mariés appartenaient à deux maîtres différents. Ces cas d’injustice ont été nombreux mais il ne faut pas affirmer que le mariage n’a été acquis que par l’émancipation de 1848. Au contraire l’église, avant 1848, se lamentait du fait que les esclaves se mariaient peu. En effet, l’esclave souhaitant se marier voulait avoir bien plus que son maigre butin à offrir et souhaitait avec son « jardin » et ses « talents » de charpentier ou autres, apporter beaucoup plus à sa famille. Il voulait avoir un meilleur pécule pour sa famille, même quand il avait en fait déjà des enfants. N’ajoutons donc pas, cet argument à nos «  récriminations » ! Gilbert Pago.»

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Une référence au Code Noir ? par Henri PIED

“Si les termes du Code Noir référencés par Gilbert Pago dans le texte ci-dessous sont exacts, il reste qu’il y a un monde infini entre ce qui y est écrit et ce qui fut. Dans le roman de Lafcadio Hearn « YOUMA » que nous avons analysé dans notre précédent journal, il apparaît clairement que Lafcadio Hearn décrypte parfaitement les contradictions que connaîtra l’héroïne qui ne peut s’ouvrir à son amour en vraie femme libre, même si d’une certaine manière elle faisait partie des Noires les plus « chouchoutées » de cette époque. Comment, en effet, contracter mariage quand on aime et savoir que ce que vous avez créé, élevé, adoré, ce pourquoi vous avez gémi parfois ou souffert beaucoup ne vous appartient pas en fait? C’était cela la vraie réalité de cette époque et pas celle décrite dans l’Edit de Louis XIV. Et à voir resurgir aujourd’hui, pour contrer l’intervention de Bruno Nestor Azérot cette référence au Code Noir a pour moi quelque chose d’hallucinant et d’irréel… C’est que les maîtres de la grande machine esclavagiste qui siégeaient sur les trônes de Paris, Madrid, Londres et Lisbonne, qui ont créé la machine, puis ont fait tourner leurs manèges de commerce triangulaire et de continent à continent durant trois ou quatre siècles, avaient tout prévu, y compris qu’une ligne écrite en mars 1685 pourrait servir d’appui à un historien intellectuel de valeur contre un député engagé de non moindre valeur. On y reviendra…”

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