« Nous sommes convaincus que la jeunesse peut avoir un rôle à jouer dans cette journée culturelle à partager en famille »

Organisées chaque année le 3ème week-end de septembre par le Ministère de la culture – Direction des Affaires Culturelles de la Martinique, les Journées Européennes du Patrimoine (JEP) suscitent l’engouement d’un public croissant. Elles attirent en moyenne entre 40.000 et 45.000 visiteurs, résultat d’un important travail de communication, mais sans doute aussi, selon Christophe Pomez, le directeur de la DAC, « grâce à la dynamique engendrée par les différentes candidatures de la Martinique auprès de l’Unesco ».

Zoom sur les points forts et nouveautés de l’édition 2022 des JEP des 17 et 18 septembre, sur le thème du « patrimoine durable », avec le directeur de la DAC, qui nous livre les enjeux de cette manifestation grand public qui vise particulièrement les jeunes cette année.

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« Les journées Européennes du Patrimoine » se tiendront cette année. Depuis combien d’années n’ont-elles pas eu lieu dans leur format classique ?

Les deux dernières éditions étaient en effet particulières : l’an passé, compte tenu du couvre-feu de juillet 2021 à février 2022 jusqu’au carnaval, nous n’étions pas en mesure de les organiser en septembre. Nous les avons donc fusionnées avec les journées de l’Architecture, et les avons dénommées les JAPA, « Journées du Patrimoine et de l’Architecture aux Antilles », en accord avec la Guadeloupe.

En 2020, en raison de la crise sanitaire, nous avions imaginé une édition un peu réduite, « les week-ends du Patrimoine », en les faisant démarrer dès juillet-août pour limiter le nombre d’événements pendant les journées du Patrimoine en septembre.

Pour l’anecdote, sur la période de juillet à septembre 2020, nous avions comptabilisé au total 10% de fréquentation en plus, en trois mois et non pas sur un seul week-end.

Suite à ces deux éditions adaptées vécues en 2020 et 2021, nous vivrons en 2022 une édition « retrouvée », la 39ème édition des Journées européennes du Patrimoine, avec un thème unique en Europe.

A-t-on constaté au fil des années une évolution du nombre de personnes intéressées par le Patrimoine à la Martinique ?

En 2015, 10 à 15.000 visiteurs se sont déplacés ; ce chiffre a été multiplié par trois en cinq ans, pour les seules Journées du Patrimoine.

L’intérêt et l’engouement des martiniquais pour leur Patrimoine ne se dément pas, et je pense aussi que c’est le fruit d’un important travail de communication et de sensibilisation en faveur des plus jeunes.

Vous pensez que les diverses communications ont contribué au fait que le martiniquais se sent de plus en plus concerné par le Patrimoine ?

Je pense que toutes les candidatures portées à l’Unesco ont fortement contribué à ce succès. Nous sommes l’unique territoire à avoir présenté ce triplé de candidatures ; en particulier autour du patrimoine culturel immatériel que représente la yole en Martinique, candidature qui a abouti positivement puisque la yole a été inscrite par l’Unesco au Registre des bonnes pratiques de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.

Ensuite, deuxième dossier, le label « Martinique Biosphère, réserve de biosphère » ; et en ce moment, la candidature de la Montagne Pelée au titre de patrimoine mondial naturel.

Cette dynamique de candidatures portées par différents acteurs, et le travail sous-jacent de sensibilisation qu’elles impliquent, a eu un écho très favorable dans notre société. Cela a permis de faire prendre conscience de la diversité de nos patrimoines en Martinique : du patrimoine bâti, archéologique, naturel comme du patrimoine culturel immatériel.

L’engouement se ressent également de plus en plus chez les jeunes. Avez-vous des partenariats avec ce public à travers le Rectorat, par exemple ?

Les journées du Patrimoine, qui se déroulent chaque année le troisième week-end de septembre, cette année les 17 et 18 septembre précisément, ont été désormais complétées d’une 3ème journée, celle du vendredi (le 16 septembre en 2022), appelée : « Levez les yeux ! » et consacrée spécifiquement aux scolaires. L’Académie de Martinique y joue un rôle très important, car des jeunes, avec leur classe, découvriront un lieu de patrimoine. Notre vœu le plus cher est que le samedi ou le dimanche, ce soient eux qui disent à leurs parents : « on a découvert ça, on a envie de vous le faire partager ».

Nous sommes convaincus que la jeunesse peut avoir un rôle à jouer dans cette journée culturelle à partager en famille.

Notre travail à la DAC consiste à demander aux propriétaires privés ou publics, d’ouvrir leurs portes aux scolaires dès le vendredi s’ils le peuvent, c’est un enjeu d’éducation artistique et culturelle.

De plus, cette année, l’association Korzémo, située à Ducos proposera une scène artistique avec des conteurs qui se produiront sur le parvis de l’église de Ducos.

Grâce à ces actions proposées au jeune public, nous touchons aussi cette cible. Cette année, nous mobiliserons un dispositif qui n’existait pas les autres années à savoir le Pass Culture (voir encadré).

Quel est le thème retenu cette année ?

Le thème retenu est celui du « patrimoine durable » car si nous avons un patrimoine, c’est bien parce qu’il a duré, grâce au travail de conservation, de préservation et de transmission.

L’enjeu est de comprendre quelles ont été les techniques, les savoir-faire, les constructions qui ont permis de le préserver jusqu’à ce jour.

La durabilité du patrimoine soulève également la question de sa vulnérabilité face aux enjeux climatiques auxquels il est confronté : comment ce patrimoine va traverser les épreuves climatiques que l’on peut vivre sur le territoire, la montée des eaux, les risques cycloniques et sismiques, la sécheresse, etc. ? La question des matériaux, des techniques à utiliser, se pose donc : qu’est-ce qui permettra la résilience et la capacité du patrimoine à résister aux épreuves de notre territoire martiniquais ?

Comment ce patrimoine, qui a pu traverser plusieurs dizaines ou centaines d’années, est confronté à des enjeux de pérennisation et de durabilité ? Je trouve cela intéressant, parce qu’il est question du patrimoine que l’on a déjà aujourd’hui, de la manière dont il a traversé les années et de la façon dont on construit aujourd’hui le patrimoine de demain.

Aujourd’hui, nous anticipons ce que sera notre patrimoine dans plusieurs années, cela interroge, par exemple, la relation à nos matériaux de construction. L’enjeu de ces journées du Patrimoine est aussi de permettre la mise en valeur de toutes les techniques et savoir-faire, y compris celles du patrimoine immatériel qui ont permis à nos ancêtres de transmettre et de construire d’une certaine manière pour que la pierre continue à durer, etc.

Nous aussi avons ce devoir de transmettre à toutes les générations ces techniques, ce savoir-faire. C’est tout cela le patrimoine durable. Si nous voulons aujourd’hui développer le Label « entreprise de patrimoine vivant », c’est pour soutenir toutes les entreprises qui ont choisi de transmettre leurs techniques, leur savoir-faire de génération en génération, de former leurs salariés, dans une logique de durabilité et de qualité.

On a des problématiques telles que le patrimoine religieux, par exemple, qui a été construit à une période avec du béton en sable de mer ; 80 ans, 100 ans plus tard, les édifices peuvent être fragilisés et nécessitent d’être consolidés. Or, nos édifices doivent résister à l’épreuve du temps, de l’usure et de notre climat, notre particularité climatique nous impose d’inscrire le patrimoine dans cette logique.

Que faudrait-il voir absolument lors de ces journées 2022 du Patrimoine ?

En Martinique, la diversité de sites archéologiques liés à l’époque coloniale, ou à l’époque amérindienne, précolombienne, etc. peut susciter l’intérêt de tous.

On a également plus d’une centaine de monuments historiques divers, édifices religieux, édifices militaires, industriels ou civils. Nous venons de protéger pour la première fois au titre des monuments historiques un patrimoine de santé, l’ancien hôpital civil des Trois-Ilets.

Ce qui est intéressant, c’est que des édifices sont exceptionnellement ouverts durant ces journées du Patrimoine. Je pense au phare de la Caravelle, au Fort Desaix ; je pense aussi à l’ouverture cette année du nouvel Observatoire Volcanologique et Sismologique… Certains édifices ou habitations n’ouvrent qu’une fois par an, parce qu’il s’agit de lieux gérés par des propriétaires privés. Il existe une telle richesse en Martinique qu’il y a forcément un monument à côté de chez soi.

Je rappelle que nous avons trois nouveaux jardins remarquables en Martinique. Il y en avait quatre jusqu’à présent : celui de l’Habitation Céron, de l’Habitation Saint-Etienne, de la Fondation Clément et le domaine de l’Emeraude. Trois nouveaux jardins récemment labellisés les rejoignent : la Ferme de Perrine, le Jardin de Balata et le Jardin de l’Anse Latouche qui est peut-être moins connu : c’est le jardin du zoo, très intéressant également. Ces sept jardins labellisés remarquables seront ouverts pendant les Journées européennes du Patrimoine.

Tous les sites seront ouverts gratuitement au public pendant ces deux jours ?

C’est le principe, mais il peut y avoir des visites guidées particulières ; le principe est que les sites fassent des tarifs préférentiels, ou qu’ils soient gratuits pour la plupart. Il suffit de se renseigner sur www.jep.martinique.org, « Martinique JEP », sur Facebook et vous accéderez au programme, à tous les événements, les lieux, les horaires d’ouverture, etc.

Après les journées du Patrimoine quels seront les temps forts de la DAC en Martinique ?

La DAC poursuit son travail de sauvegarde et de préservation des monuments. Nous venons de soutenir, en partenariat avec la Fondation Clément, aux Editions Chopin un très bel ouvrage sur les monuments historiques de Martinique, avec de très belles photos.

Le troisième week-end d’octobre 2022, un temps sera consacré aux Journées nationales de l’Architecture (JNA). Nous l’orienterons de deux manières : nous essaierons de faire découvrir le métier d’architecte à nos jeunes, une façon de donner envie à la jeunesse de rester en Martinique pour s’y investir professionnellement.

Notre mission à la DAC consiste aussi à faire découvrir les métiers liés au patrimoine, les métiers de jardinier, les métiers de restauration du patrimoine, à montrer qu’il existe des possibilités et que nos jeunes peuvent se former pour exercer ces métiers.

Nous aurons également un premier festival d’architecture en Martinique, Matjoukann, qui aura lieu à Saint-Pierre les 15 et 16 octobre 2022 à l’occasion de ces journées organisées par le Conseil de l’Ordre des Architectes de Martinique (CROAM).

L’idée est de toujours valoriser, sauvegarder, rénover, restaurer ce patrimoine ; il s’agit d’un travail conséquent pour lequel, un acteur important en Martinique, la Fondation du Patrimoine, nous accompagne.

Les lauréats de Martinique du loto du patrimoine 2022 seront divulgués prochainement.

Nous prévoyons de sensibiliser le public au patrimoine culturel immatériel (PCI) pour le valoriser, à travers les journées du PCI que nous avons eues en mai. Nous poursuivons ce travail pour diversifier l’offre touristique avec la parution prochaine d’un guide.

Le deuxième axe de travail pour 2023 est un appel à projet, « C’est mon patrimoine », prévu en début d’année pour financer tous ceux qui ont des idées, des projets, visant les jeunes de 6 à 18 ans pour qu’ils s’approprient leur patrimoine.

Propos recueillis par Philippe Pied


Le pass culture

Le pass culture est une application géolocalisée qui existe depuis 2021 en Martinique. Dès 15, 16 et 17 ans – c’est la nouveauté depuis le 1er janvier de cette année – cette application peut être téléchargée par les jeunes qui se voient créditer une somme pour s’acheter une place de cinéma, un livre, une entrée dans un musée, un abonnement à des cours de bèlè, etc. 

Si les 15, 16, 17 ans bénéficient de petites sommes, de 20 à 30 euros, les 18 ans accèdent à un crédit de 300 euros qu’ils peuvent dépenser en 24 mois maximum, en une seule fois, en achetant, par exemple, un instrument de musique ou en plusieurs fois à leur gré.

Au 25 août de cette année en Martinique, on comptait 7964 jeunes inscrits au pass culture dont 3819 de 18 ans ou plus. 

28312 biens culturels ont déjà été réservés via le pass Culture en Martinique et 90 structures proposent des offres, un abonnement à la médiathèque, par exemple, de danse, de bèlè, etc., « le trio de tête, selon la DAC, étant le cinéma, les librairies (Cultura, Kazabul…) et la musique live, sachant que les jeunes peuvent bénéficier d’une offre numérique limitée ».

Cette application très connue du jeune public s’est bien développée localement, les grands festivals de juillet-août ont par exemple généré beaucoup de réservations. La DAC souhaite que les jeunes puissent la mobiliser lors des Journées du Patrimoine, pour avoir accès aux évènements proposés gratuitement autour de chez eux ainsi que pour les rares actions qui seraient payantes.


 

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