Bruno Arcadipane, vice-président du MEDEF et président d’Action Logement Groupe, était l’invité ce matin d’Antenne Réunion pour évoquer plusieurs sujets économiques cruciaux : la situation du BTP, les questions de l’emploi et du chômage, les problématiques du logement social, l’augmentation du SMIC, etc. Nous vous proposons ici les principaux extraits de cette interview exclusive sous forme de questions-réponses.


Article issu de notre lecture de l’interview de Mr Arcadipane réalisée par Loïc Gazar d’Antenne Réunion (voir l’interview en fin d’article)


Quelle est votre analyse de la situation économique actuelle à La Réunion ?

Jusqu’à présent, l’activité économique semblait très dynamique et plutôt bonne de façon générale. Mais on s’aperçoit que la morosité est en train de s’installer et je suis même inquiet pour certaines filières, comme celle du BTP par exemple. Ses acteurs que j’ai trouvés très inquiets me parlent d’un ralentissement extrêmement fort qui s’accélère. Or une filière aussi importante en termes de ressourc es humaines ne doi pas ralentir, et encore moins s’arrêter. Pour rien vous cacher, je suis un peu inquiet depuis que je suis arrivé à La Réunion.

Quels sont les freins à l’embauche identifiés ?

Il y a 17% de taux de chômage à La Réunion depuis un certain nombre d’années. Pourtant, il y a beaucoup d’emplois à créer et les entreprises n’ont pas hésité à embaucher ces dernières années. Cela signifie que La Réunion est attractive, avec un nombre de salariés qui arrivent sur ce territoire. Mais 17%, c’est trop haut. Il faut améliorer l’éducation, la formation, on a de vrais sujets de fond à mettre en place.

Et pour qu’un chef d’entreprise embauche, il lui faut de la visibilité et de la lisibilité. Or en ce moment, l’exécutif touche à des niches spécifiques aux outre-mer, ce qui introduit de l’incertitude et n’incite pas à embaucher.

Faut-il privilégier une préférence régionale à l’embauche ?

La Réunion a toujours été une terre d’accueil, un exemple en matière de bienveillance et de vivre-ensemble. Ce n’est pas le problème : il faut travailler sur le fond, avec 4 piliers – sécurité, santé, éducation/formation, logement. Et les jeunes Réunionnais ont besoin de logements à bas prix pour se loger près des emplois.

Qu’est-ce qu’Action Logement et quel est son poids économique ?

Action Logement est un groupe paritaire, propriétaire de plus d’1,1 million de logements en France. C’est un acteur incontournable du logement social, avec un bilan consolidé massif de 100 milliards d’euros. Ses moyens financiers lui permettent de mener des politiques volontaristes en matière de logement des salariés.

Quelle est l’action locale d’Action Logement à La Réunion ?

Action Logement possède une filiale très active à La Réunion, la FHLMR (Fédération Habitations Loyer Modéré Réunion). Elle gère un parc de plus de 28 200 logements sur l’île. Dans le cadre de son plan d’investissement national de 9 milliards d’euros, 1,5 milliard est fléché spécifiquement vers les territoires ultramarins comme La Réunion. Preuve de l’engagement du groupe sur ces territoires.

Les moyens d’Action Logement sont-ils suffisants face à la crise du logement ?

L’aspect financier est important, et si nous avions plus de moyens, nous ferions plus. Mais ce n’est pas qu’une question d’argent : avant de construire, il faut des permis de construire. Donc il faut fluidifier et simplifier les démarches administratives. Et il faut de l’écoute de l’exécutif pour construire au plus près des bassins d’emploi, dans des logements confortables et économes en énergie.

En 2021, il y avait 35 000 demandeurs de logements sociaux. Aujourd’hui 43 000 : +8 000 en 2 ans ! Pourtant, on construit à peine 2000 logements par an alors qu’il en faudrait 7000. Donc il y a un problème majeur. Nous avons lancé une expérimentation pour gérer aussi les demandes des TPE/PME de 1 salarié et plus dès le 1er janvier 2024.

L’augmentation du SMIC est-elle une bonne nouvelle ?

Forcément, pour ceux qui ont le SMIC c’est une bonne nouvelle. Mais il ne faut pas que les charges explosent par ailleurs. Et il ne faut pas non plus toucher aux niches fiscales ultramarines sans analyse d’impact, sinon on met en danger la compétitivité et l’emploi. Les trésoreries des entreprises sont déjà tendues : +24% de dossiers aux tribunaux de commerce. Il faut avancer prudemment.

L’augmentation des salaires peut-elle mettre en péril les PME/TPE ?

Oui, les trésoreries se tendent, avec 24% d’augmentation des dossiers aux tribunaux de commerce. Mais ce n’est pas seulement dû à l’augmentation du SMIC. Si on touche aux niches fiscales ultramarines, qui ont permis la compétitivité ces 20 dernières années, sans analyse d’impact solide, c’est extrêmement dangereux. Attention aussi à l’octroi de mer : s’il faut le modifier, il faut le faire avec minutie et mesurer les effets rapidement. Sinon on ne sait pas où on va, et c’est risqué.

Faut-il supprimer l’octroi de mer selon vous ?

Je n’ai pas une position aussi tranchée. Ce qui est sûr, c’est que si on doit le modifier, il faut le faire prudemment, avec des études d’impact précises pour mesurer les effets, qui doivent être suivis en temps réel. Avancer à l’aveugle serait très risqué.

Quel est votre mot de la fin ?

La Réunion est exemplaire en matière d’innovation et possède d’incroyables atouts en la matière. Il ne faut donc pas brider son économie, mais accompagner les entreprises, fluidifier les rouages, pour libérer ces énergies. Le MEDEF, via des initiatives comme le contrat Gadiamb, est là pour apporter des solutions concrètes à l’emploi et soutenir les acteurs économiques locaux. L’enjeu est crucial pour l’avenir de l’île.

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