Le 14 décembre 2023, les syndicats de l’OPAM et de JA ont vigoureusement attiré l’attention sur les difficultés persistantes de l’agriculture martiniquaise, pointant du doigt un abandon présumé de la part de l’Europe, de l’État français et des élus locaux. Face à cette crise, ils ont préconisé une adaptation plus poussée de l’agriculture martiniquaise pour sauvegarder la production locale.

Cela fait des années que le dur labeur des agriculteurs martiniquais s’effrite peu à peu. Ce n’est un scoop pour personne. Hurlant de désarroi, les agriculteurs martiniquais n’ont de cesse d’appeler à l’aide, leur voix résonnant comme un écho d’alarme dans les champs qui voient périr leur labeur. C’est dans ce contexte que les syndicats de l’OPAM (Organisation patriotique des agriculteurs de Martinique) et JA (Jeunes agriculteurs) ont mené une conférence de presse, ce jeudi 14 décembre 2023 au Centre international de séjour de Martinique. Leur objectif était clair : dresser un état des lieux du désastre frappant les producteurs locaux et, surtout, présenter des solutions pour y remédier.

“Il est essentiel d’exprimer aujourd’hui la souffrance et le malaise de l’ensemble de la communauté agricole,” débute Olivier Palcy, président de l’OPAM. “Des mouvements de revendications ont émergé, offrant aux différentes filières l’occasion de faire entendre leurs problèmes. Ces manifestations ne sont pas des phénomènes isolés, mais plutôt généralisés à l’ensemble de la profession.” Cette réunion intersyndicale a constitué une opportunité pour les agriculteurs de critiquer un modèle économique devenu obsolète en Martinique, selon eux. Les choix opérés par l’État français sont trop étroitement alignés sur ceux de l’hexagone et ne s’adaptent pas aux spécificités de notre île. “Pour bénéficier de certaines aides, le producteur martiniquais doit se conformer à des exigences en provenance de la métropole, ce qui peut s’avérer difficile à mettre en œuvre pour lui,” dénonce Christian Dachir, secrétaire du même syndicat. “À titre d’illustration, nos agriculteurs se voient souvent contraints d’installer des clôtures en pin, cependant, ce type de bois ne s’adapte pas adéquatement à l’environnement de notre île. Pourtant, des arbres tels que le Glisérya, présents chez nous, pourraient justement favoriser nos cultures.”

Un bilan qui coupe l’appétit

Les cultures martiniquaises ne pouvant bénéficier du traitement adéquat, les agriculteurs se retrouvent face à d’énormes enjeux cruciaux. Tout au long de l’année, ils sont confrontés à des défis économiques et environnementaux significatifs, tels que l’installation des jeunes dans la profession, les enjeux pédoclimatiques, les coûts des intrants et des carburants, ainsi que le préfinancement des projets agricoles. De plus, certains cultivateurs doivent également faire face aux conséquences des normes européennes, les obligeant à ne plus recourir à certains produits phytosanitaires. D’autres doivent renoncer à la neutralisation de certains animaux, en partie source de destruction de leurs plantations. “Allez interroger les producteurs locaux du nord de la Martinique pour savoir ce qu’ils vivent au quotidien,” lance Liliane Laurent, ancienne membre de la FDSEA, venue assister à la conférence. “Je pense à ce producteur qui détient 6 hectares de goyaves et qui, pourtant, ne parvient à vendre que 400 kilos. Cela s’explique clairement : plusieurs animaux tels que des chauves-souris, des iguanes, et des oiseaux viennent dévorer l’intégralité de sa récolte !”

Alors que les agriculteurs doivent se conformer à ces exigences, cela arrange les intérêts des produits importés. Pour les premiers concernés, naturellement, c’est un scandale. “Pendant que nous sommes en train de nous laisser berner par les technocrates ou par une poignée d’intellectuels, nos productions diminuent fortement,” s’exaspère Christian Dachir. “Sur nos marchés, des marchandises tropicales sont en vente, pourtant, elles ne sont pas locales, elles proviennent d’ailleurs. Les consommateurs martiniquais sont donc en train petit à petit de s’adapter à la nourriture d’autres pays, et ils ne feront pas la différence, car dans tous les cas ils auront eu ce qu’ils voudront.” Pour les syndicats agricoles, il n’y a qu’en repensant ce système que l’on pourra éviter un désastre. “Quand j’étais plus jeune, j’ai connu une époque où les agriculteurs bénéficiaient d’un encadrement et d’un accompagnement significatifs”, témoigne Marc André Pastele, Président des Jeunes Agriculteurs de la Martinique. “Cependant, avec le temps, ces conditions ont évolué. Cela a eu pour effet de dissuader les jeunes de s’engager davantage dans la profession. ”

Un appel à l’adaptation

Un autre point semble nécessaire à aborder : le fait que d’autres départements d’Outre-Mers tels que la Guadeloupe et la Réunion soient avancés sur leurs procédures, grâce à leur conseils généraux respectifs. “Il faut une politique adaptée qui permettrait de compenser ce qui ne va pas. Chaque secteur d’activité doit pouvoir être accompagné de façon adéquate. Si les autres peuvent le faire, alors nous aussi” Pour les trois syndicalistes, ce n’est pas un coup de baguette magique qui règlera le problème, les élus locaux sont les premiers concernés. “Il faudrait que localement nous puissions nous impliquer afin d’accompagner nos producteurs à faire face à ces difficultés,” propose Olivier Placy. “Les politiques ne sont pas suffisamment assez impliquer. Les agriculteurs sont prêts à investir dans des projets, mais il faudrait que l’on puisse leur donner les moyens nécessaires pour y parvenir.”

Le message que les agriculteurs auront voulu faire passer aura été très clair: il est crucial que l’État et l’Europe assument pleinement les décisions qu’ils ont prises, en reconnaissant la responsabilité qui découle de leurs actions. “Nous voulons bien produire une agriculture plus respectueuse de l’environnement, mais il est obligatoire pour nous d’avoir un accompagnement,” reprend le président de l’OPAM. “On nous dit que nous avons droit à des aides, mais au final on nous laisse planter là.” Pour eux, la situation de la Martinique dépend en partie du travail mené par les élus, une situation qui nécessitera un long parcours avant de s’améliorer.

“Le paysans martiniquais collait à l’éco-système ainsi qu’à une réalité, mais par assimilation et mimétisme de la part de nos élus et intellectuels, on s’est éloignés de ça. Nous sommes à présent déracinés sur nos propres terres. Comme disait Frantz Fanon, être déraciné sur son propre sol est pire qu’être exilé…” termine Christian Dachir.

Thibaut Charles

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