Le reconfinement appelé “coup de frein” en Allemagne (Jean Castex)

PARIS, 13 mai 2020 (APMnews) – Jean Castex, coordonnateur de la stratégie nationale de déconfinement, a évoqué l’exemple de l’Allemagne en matière de reconfinement, où il est appelé coup de frein, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, mardi en fin de journée.
Comme il l’avait indiqué quelques jours plus tôt lors d’une audition au Sénat (cf dépêche du 06/05/2020 à 17:02), Jean Castex a redit que le plan de déconfinement qu’il a proposé était associé à une “dimension de reconfinement” ou de “réversibilité”, soulignant que les “pays comparables” à la France en avaient préparé une aussi.
“Il est indispensable d’envisager cette hypothèse” car “le virus est toujours là” et “est très imprévisible”, a-t-il insisté.
“En Allemagne, cela s’appelle le coup de frein”, a-t-il précisé. Il est activé à partir du moment où sur un territoire, appelé “district”, on constate, sur une période cumulée de 7 jours, 50 nouvelles contaminations pour 100.000 habitants.
Il a précisé qu’en France, cela correspondrait au double du nombre de cas par jour par rapport à ce qu’il est aujourd’hui. Contacté par la suite par APMnews, son entourage a précisé que les conditions d’un éventuel reconfinement n’avaient, en France, pas été arrêtées et qu’aucun seuil n’avait été estimé. Des avis complémentaires du conseil scientifique sont attendus.
Un reconfinement se ferait soit de manière nationale, soit à un niveau territorial ou local si les indicateurs épidémiologiques utilisés sont eux-mêmes déclinés à ces niveaux.
Jean Castex a toutefois souligné qu’un plan de reconfinement ne constituait pas “l’alpha et l’oméga” des propositions qu’il a réunies dans un rapport remis il y a quelques jours au premier ministre. “Le reconfinement ne prend qu’une demie-page de mon rapport qui en compte 68”, a-t-il observé.
Dans ce document, le coordonnateur juge “indispensable de conserver un niveau très élevé de vigilance”. “La possibilité d’une réversibilité des mesures doit ainsi toujours pouvoir être offerte et l’éventualité d’un
reconfinement en urgence doit rester dans les esprits et être anticipé par les pouvoirs publics”, affirme-t-il.
“La préparation de cette éventualité incombe au premier chef au ministère chargé de la santé, mais d’autres ministères doivent y être étroitement associés, à la fois pour prévoir des dispositifs d’accompagnement sociaux et économiques de la nature de ceux mis en place durant la période de confinement et pour mieux prévenir les risques psycho-sociaux du confinement, aujourd’hui mieux connus”, indique-t-il.
Il précise que la stratégie actuelle dans le cadre du déconfinement depuis le 11 mai vise à “prioritairement de préserver la santé des Français tout en permettant la reprise de la vie, notamment économique, du pays, car il en va de la préservation de leur situation sociale”.

“Les incertitudes scientifiques, elles-mêmes en large part liées à l’imprévisibilité du virus, ajoutent à la difficulté de concilier ces deux objectifs”, reconnaît-il.
Comme il le prévoit dans son rapport, il a indiqué lors de son audition que la “question des transports dans les zones densément urbanisées” est la question “la plus difficile”. Même si l’offre de transports reste actuellement réduite, “elle va progressivement augmentée au fil des semaines”, a-t-il assuré.
Préserver l’élasticité de l’offre de soins
Le plan de reconfinement contient un volet sur l’organisation des soins, notamment du secteur hospitalier, avec à nouveau une gestion “globale et solidaire” du système hospitalier, en particulier des capacités en réanimation, a- t-il précisé en observant qu’une telle gestion avait été “très bien réussie” lors du pic épidémique.
Mais une telle perspective “n’est pas simple” à envisager car “nos personnels sont épuisés”.
Dans son rapport, daté du 27 avril et du 6 mai, l’ancien directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (Dhos, aujourd’hui DGOS) appelle à concilier le “maintien” d’un dispositif de prise en charge des patients Covid-19 (avec possibilité de remontée rapide en puissance notamment des capacités de réanimation) et “d’un rattrapage de l’activité différée”.
Il estime que “la structuration d’une ‘réserve’ en capacité de soins critiques permettant de faire face à toute résurgence épidémique constitue un enjeu prioritaire”.
“Le désarmement des lits de réanimation devra demeurer progressif et pouvoir être réversible très rapidement (dans des délais de 24, 48 ou 72 heures selon les lits) pour faire face à un nouvel afflux de patients”, souligne-t-il tout en considérant que ce désarmement “sera nécessairement différencié en fonction des indicateurs départementaux”.
“Ces écarts de disponibilités des capacités de réanimation d’un département à l’autre sont susceptibles d’avoir des conséquences sur le rythme de reprogrammation de l’activité, notamment chirurgicale”, précise-t-il.
“La reprogrammation des activités de soins et le rattrapage de l’activité des soins qui avaient été différés […] doivent permettre de prioriser les patients exposés à des risques de pertes de chance pour prévenir celles-ci”, poursuit-il. “Dans cette optique, il convient de reprendre le suivi des pathologies chroniques, la réalisation des actes de dépistage, notamment de cancers, et un suivi intégral des pathologies psychiatriques et des troubles entraînés par le confinement lui-même”. Sur ce dernier point, il appelle à poursuivre “le soutien aux nombreux dispositifs de soins psychiatriques mis en place pendant la crise”.
La conciliation des deux objectifs rend “nécessaire la mise en place d’une cellule de régulation au sein des établissements afin de préserver une élasticité de l’offre de soins en cas de deuxième vague”.
“Plus largement, le pilotage de la reprise d’activité devra reposer sur une concertation territoriale (afin d’assurer une équité entre établissements), sous l’égide des ARS [agences régionales de santé]” et sur une “cellule nationale d’appui” pour accompagner les ARS “dans la gestion des situations les plus complexes”, souligne Jean Castex.
Faire attention aux médecins libéraux
Le coordonnateur national préconise par ailleurs d’être “attentif aux conditions d’exercice des professionnels libéraux dont le rôle sera déterminant lors du déconfinement”.
“Les médecins libéraux vont être en première ligne pour l’organisation des diagnostics des patients Covid-19”, observe-t-il en évoquant la “prescription et réalisation de tests, en lien avec les infirmières et les laboratoires de biologie, pour identifier rapidement les nouveaux cas et lutter contre la chaine de transmission” ainsi que leur rôle “pour réaliser le rattrapage de l’activité de soins qui a pu être différée pendant la période du confinement”.
“Il conviendra que les pouvoirs publics leur apportent tout leur soutien à cet effet” et qu’ils veillent “en particulier” à “leur approvisionnement régulier en masques sanitaires”.

“Les dérogations accordées pendant le confinement pour favoriser les téléconsultations gagneraient à être prorogées”, ajoute-t-il.
Enfin, “le relais indispensable que constituent les pharmaciens, comme d’autres acteurs de santé publique, doit être utilisé et valorisé pleinement dans les différentes actions que suppose la mise en oeuvre du déconfinement”

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