Le Covid-19 circule-t-il beaucoup dans la sphère privée (familiale ou amicale) ? Il aura fallu attendre la fin de l’année pour que la première étude française d’envergure sur les lieux de contamination au Covid-19, très attendue, soit entièrement dévoilée, jeudi 17 décembre. L’Institut Pasteur en est à l’origine, avec l’aide de l’Assurance-maladie et de son “contact tracing”, mis en place depuis le 13 mai.

Quelque 25 644 personnes ont été retenues dans le cadre de cette enquête, sur les 30 330 qui ont répondu au questionnaire en ligne de l’Institut (les 4 686 autres sont des soignants, traités séparément). L’étude se divise en deux parties. La première concerne les circonstances de contamination pendant la période de couvre-feu dans huit métropoles française et en Ile-de-France. La seconde “compare les caractéristiques, comportements, et pratiques des cas index à ceux d’une série de témoins appariés sur l’âge, le sexe, la région, et la densité populationnelle, pendant la période du couvre-feu et celle du confinement [du 17 au 29 octobre], précise le document. Franceinfo récapitule les principaux points à retenir.

Les repas au cœur du problème

Les auteurs distinguent les contaminations au sein du foyer (35% du total) et celles en dehors (65%). “Lors des contaminations au sein du foyer (35% des contaminations quand la personne source est connue), il s’agit avant tout, pour ces adultes, d’une contamination par le conjoint (64% des cas)”, relève l’étude. Un enfant n’est souvent pas “considéré” comme une “personne source de l’infection” car les enfants sont souvent peu ou pas symptomatiques quand ils sont porteurs du Covid-19, selon les résultats de l’étude.

Mais l’enseignement principal de cette étude, c’est que “les repas jouent un rôle central dans ces contaminations, que ce soit en milieu familial, amical, ou à moindre degré professionnel”. Le directeur de ces travaux, Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur et membre du Conseil scientifique, en tire une conclusion auprès de l’AFP : “On voit dans cette étude une augmentation du risque associée à la fréquentation des bars et restaurants.” L’impossibilité de porter le masque lors d’un repas a notamment poussé le gouvernement, qui s’appuie sur les recommandations du Conseil scientifique, à repousser de plusieurs semaines la réouverture des bars et des restaurants, alors que la France a entamé ces derniers jours son second déconfinement.

Des conclusions à prendre avec “prudence”, notamment pour les bars et restaurants

Les auteurs de l’étude appellent néanmoins à “la prudence”. Ces résultats “ne concernent que la période du couvre-feu et celle du confinement”, écrivent-ils. Par ailleurs, ils peuvent également être “entachés de biais importants du fait de la sélection de la population d’étude qui ne représente qu’une fraction faible de toutes les infections”.

Selon Arnaud Fontanet, il est par exemple difficile de savoir “quelle est la part réelle”des bars et restaurants “dans la transmission” du virus puisque l’étude a été menée pendant une période où ils étaient partiellement ou complètement fermés.

Les réunions privées ont favorisé les contaminations

“De toutes les circonstances analysées, les réunions privées sont celles à qui la plus grande part des infections (19%) peut être attribuée pendant la période d’étude”, notent les auteurs de cette vaste enquête. Elles concernent les contaminations hors foyer. Si l’on détaille ces contaminations dans “les réunions privées”, il s’agit avant tout de “contaminations dans le cercle familial (33,1%), puis dans le milieu professionnel (28,8%), et enfin dans le milieu amical (20,8%)”. 

Plus globalement, cette enquête montre donc “le risque élevé d’infection par le Sars-CoV-2 à l’occasion des repas et des réunions privées. Il sera très important de minimiser ce risque à l’occasion des rassemblements qui accompagneront les fêtes de fin d’année”, estime Arnaud Fontanet.

Des personnes plus exposées et des comportements à risque

Pendant la période de l’étude, fin octobre, les personnes les plus à risque de contracter le Covid-19 étaient celles qui n’ont pas pu totalement respecter les mesures barrières ainsi que le confinement ou le couvre-feu. Elles en ont parfois été empêchées à cause de leur profession, comme pour “les cadres administratifs et commerciaux, les ouvriers dans l’industrie, les chauffeurs, et les professions intermédiaires de la santé et du travail social”, qui “ont eu un risque plus élevé d’infection par le Sars-CoV-2 pendant le couvre-feu ou le confinement partiel”.

Dans d’autres cas, elles n’ont pas respecté les gestes barrières en toute connaissance de cause. “La plupart” des 44% de personnes contaminées qui figurent dans l’étude “sont bien conscientes de leur comportement à risque (port du masque ou distanciation physique non respectés, absence de mesures d’isolement de la personne source au sein du foyer, etc.)”.

L’augmentation des risques de contamination était associée, au cours de la période étudiée, à plusieurs facteurs. “Etre plus nombreux à vivre dans le foyer, notamment avec des enfants en crèche ou scolarisés, avoir participé à une réunion professionnelle en présentiel, pratiquer le covoiturage, avoir fréquenté bars, restaurants et salles de sport, et avoir participé à une réunion privée amicale ou familiale” étaient par exemple des circonstances favorables pour contracter le Covid-19.

L’enquête présente par ailleurs certains résultats surprenants, comme pour certains transports en commun, qui ne sont pas considérés comme des lieux de forte contamination. “Pratiquer le télétravail (par rapport à une personne ayant un travail de bureau en présentiel), prendre le bus ou le tramway, faire du sport en extérieur, et avoir fréquenté des commerces (alimentaires, prêt-à-porter…)” étaient des facteurs associés à un risque diminué d’infection pendant le couvre-feu ou le confinement partiel, selon l’étude

Partager.

Comments are closed.

Exit mobile version