La problématique du vieillissement de la populationmartiniquaise est pourtant bien connue des décideurs, depuis l’excellent travail mené par Claude Valentin Marie et son équipe de l’INED à partir de l’enquête « Migrations/ famille et vieillissement ».


Auteur: Alain JEANVILLE.


« Quand la civilisation n’est pas soin, elle n’est rien » nous dit Cinthia Fleury dans un très beau texte intitulé « le soin est un humanisme » paru dans la collection Tract chez Gallimard bien avant l’épidémie Covid 19 et de ses conséquences sur les personnes âgées. Cette phrase m’avait frappé au moment de sa lecture mais elle résonne à nouveau à l’occasion de la semaine Bleue consacrée à nos ainés

Elle résonne car elle renvoie à la situation faite à nos ainés à la Martinique aujourd’hui et peut être encore plus demain. C’estpour cela qu’il convient en urgence de s’emparer du sujet pour en faire un thème central de notre « être ensemble »

Alors, vous comprendrez qu’après avoir entendu notre Conseiller territorial en charge des affaires sociales et de la solidarité se réjouir, à juste titre, que contrairement à l’hexagone nous n’avons pas eu à déplorer de décès Covid dans nos Ehpad, je me suis dit que non seulement ce constat ne dit rien de la situation réelle de nos ainés, vu le faible nombre accueilli dans ces structures, mais surtout ne permetpas à notre population de prendre la mesure des enjeux et défis qui nous attendent.

La problématique du vieillissement de la populationmartiniquaise est pourtant bien connue des décideurs, depuisl’excellent travail mené par Claude Valentin Marie et son équipe de l’INED à partir de l’enquête « Migrations/ famille et vieillissement ».

Cette étude qui remonte à 2011 n’a jamais reçue de traductionconcrète, tant au niveau des politiques nationales que locales.Ces données viennent d’être actualisées par  L’ Insee Martinique et le CESECEM vient de consacrer une étude sur la paupérisation des séniors. Espérons que ces travaux aident à la prise de conscience sur l’urgence d’agir .

Cette absence de prise en compte est d’autant plus dommageable qu’il s’agit là d’une véritable bombe à retardement touchant le dernier ciment d’une société fissurée, chaotique et sans boussole risquant au pays de la Yole, de sombrer à tout moment.

Je rappelle à tous ceux qui sont habités par la passion mémorielle , le rôle primordial joué par nos ainés dans nos constructions individuelles et collectives – et ce au prix d’immenses sacrifices. Il suffit d’observer la place centrale de cette figure emblématique dans notre imaginaire « GRANMANMAN PAR CI GRANMANMAN PAR LA »(Bonne maman ….)

Ainsi il n’est pas imaginable qu’après avoir pris soin de nous, nous n’en prenions pas soin à notre tour. C’est un devoir impérieux de solidarité intergénérationnelle qui interpelle notre façon de faire société.

En France l’arrivée à un âge avancé des générations du baby-boom et l’allongement de l’espérance de vie vont entrainer dans les prochaines décennies un vieillissement marqué de la population.

Après des années de débat, la question de la prise en charge et du maintien de l’autonomie de nos ainés et personnes en situation de handicap, revient enfin dans l’actualité nationale.

Pour accompagner cette évolution, une loi organique du 7/08/2020 est venue créer une cinquième branche de sécurité sociale consacrée à l’ensemble des limitations de l’autonomie.Cette loi sera complétée dans le cadre du PLFSS 2021 suivie d’une grande loi Grand Age et Autonomie prévue également sur le premier trimestre 2021.

Ce projet aura été précédé par de nombreux rapports dont celui, piloté par Dominique Libault intitulé « Grand âge et autonomie « remis le 28/03/2020 et celui piloté par LaurentVachet portant sur l’organisation, le financement et la gouvernance de cette nouvelle branche.

Cette accélération du calendrier a certainement à voir avec le lourd tribut payé par les personnes hébergées dans les Ehpad à la suite de l’épidémie. Mais au-delà de cette actualité cruelle la problématique de fond demeure.

Il s’agira de faire face à l’accroissement des personnes âgées de plus de soixante ans ,mais plus encore à celles de plus de 75 ans avec les risques de perte d’autonomie que cela génère . Si cette tendance lourde touche l’ensemble du territoire national elle nous affectera beaucoup plus.

Le rapport Libault commandé pour préparer les évolutions législatives, propose 175 propositions dont aucune ne porte sur notre situation particulière. .

Pourtant nous avons des caractéristiques sociodémographiques, socioéconomiques, sociohistoriques, et socioculturelles très différentes, qui appellent à des politiques publiques adaptées. Cette possibilité d’adapatation étantconsacrée par les traités européens et l’article 73 de la Constitution.

Une meilleure prise en charge de nos ainés n’a pas, jusqu’à maintenant, été l’objet central des politiques publiquesnationales et locales

Pourtant beaucoup a été dit et écrit sur un sujet fort bien documenté. On ne compte plus le nombre de rapports officiels sur cette thématique. Il convient certes face à l’urgence d’agir, pas de façon centralisée et technocratique, mais en privilégiantles territoires dans un cadre national solidaire.

 

IRappel du contexte et des enjeux associés
I.1 Des données sociodémographiques alarmantes

La révolution de la longévité est engagée depuis un momentdans tous les pays de l’OCDE.

En France hexagonale, on compte aujourd’hui 15 millions de personnes âgées ayant 60 ans et plus et près de 1,4 millions ayant 85 ans et plus. On estime à environ 1 265 000 les plus de soixante ans bénéficiaires de L’APA avec une augmentationprévisible de 25% à l’horizon 2030 soit 1 582 000 personnes.

Aux Antilles (Guadeloupe et Martinique) à la faveur de ce que Claude Valentin Marie a qualifié « de violence de la transition démographique » opérée dans le début des années 60 nos territoires devront faire face à une mutation radicale dans les dix prochaines années, autant dire demain, avec des conséquences sur tous les équilibres de nos territoires.

Dans ces deux iles, la part des 60 ans et plus devrait doubler d’ici 2030 et la part des 75 ans et plus suivre le même mouvement en sachant que nous comptons aujourd’hui en proportion une part de séniors en perte d’autonomie plus élevée que la moyenne nationale. Ce phénomène est amené à s’accentuer.

Alors même que jusqu’au milieu du siècle dernier nos deux territoires étaient les plus jeunes de France ils devraientdevenir en 2050 les plus vieilles.

En Martinique d’ici 2030 les soixante ans et plus seront plus nombreux que les moins de 20 ans.

Cette évolution bien connue est due à trois facteurs principaux :

La chute de la fécondité et l’augmentation de l’espérance de vie
La très forte émigration vers la métropole des moins de 25 ans
Le retour partiel au pays des retraités partis faire carrière

La combinaison de ces facteurs, conduit à un vieillissement massif et rapide de notre population mais également, chose encore plus inquiétante, à une diminution depuis plusieurs années de notre population.

Voilà ainsi les termes de l’équation du problème que nous devons résoudre afin de répondre aux défis qui sont devant nous :

Sommes-nous préparés à muter vers une société où l’équilibre jeunes /séniors présentera une telle configuration ?
Comment rattraper l’immense retard pris dans les politiques publiques ?
Comment faire émerger et accompagner économiquement et socialement les secteurs impactés ?
Quelle offre de service à proposer aux personnes âgées et à leurs familles ?

Nous le voyons ce phénomène constitue un véritable enjeuqui sans réponse politique appropriée présenterait des risquesd’implosion indéniables.

Mais qui bien anticipé peut constituer une réelle opportunité pour nous « réenchanter » autour d’une double articulation: la prise en charge solidaire de nos « Gran Moun » et redonner confiance à nôtre jeunesse autour des métiers du lien pour en faire un axe central d’un projet de société basé sur le prendre soin(care).

I.2 Les données socioculturelles structurantes

Pendant longtemps, la sociologie de la famille Martiniquaise a reposé essentiellement sur une matrice matrifocale ,avec comme figure centrale la mère assignée comme « poto mitan ». Cette figure reste encore présente du fait d’un fort taux de monoparentalité (trois fois supérieur à la moyenne nationale)

Ces personnes, des femmes en majorité, vivent essentiellement dans un habitat fait de maisons individuellesdont elles sont à plus de 80% propriétaires mais qui du fait de l’évolution des modes de vie (décohabitation /émigration des enfants) se retrouvent avec de faibles ressources souvent seules à leur domicile trop grands et pas adaptés à leur dépendance .

Qu’une très faible minorité soit prise en charge par une structure institutionnelle (2,6 contre 9 ,5) par comparaison dans l’Hexagone.

Que 91% des bénéficiaires de l’APA  vivent à domicile contre 60% en France hexagonale. S’il est vrai que beaucoup marquent une volonté de rester dans leur cadre familier, cette réalité est biaisée car il s’agit bien d’une décision davantage dictée par l’insuffisance des structures ,le manque de places et par les tarifs pratiqués.
Cette forte carence de structures collectives, fait reposer l’essentiel de la prise de nos ainés sur l’unique solidarité familiale.

Notre population âgée de plus de 80 ans, composée majoritairement de femmes, sera multipliée par 3,5 à l’horizon 2040 contre 2, 3 en France. Cette évolution mettra forcément à mal les aidants déjà en souffrance et la famille ,sans une offre de service appropriée.

I.3 Des données socioéconomiques et sanitaires très dégradées

 

a. Une situation socioéconomique marquée par une grande précarité

20% de nos retraités bénéficient de L’ASPA (Minimumvieillesse) contre 4% en moyenne nationale et vivent avec 903 euros par mois .Ajoutons que 90% des retraités vivent avec une retraite moyenne mensuelle de 700 euros. Cette situation de pauvreté marquée se retrouve singulièrement chez un tiers des plus de 75 ans dont les revenus inférieurs au seuil de pauvreté, singularité qui s’explique en partie par des facteurs historiques abordés plus loin.​

b. Une situation sanitaire catastrophique

 

L’âge moyen d’entrée en institution au niveau national est de de 85 ans contre 80 ans chez nous. Ce phénomène étant à corréler avec des pathologies plus marquées chez nous comme le diabète, l’obésité ,l’hypertension, cancer,…. et la durée de séjour en institution est en moyenne supérieure à trois anscontre un an dans l’hexagone. La prévention de perte d’autonomie pour ces risques bien identifiés devient une priorité absolue en matière de santé publique.

I.4 Des données sociohistoriques éclairantes

La situation faite à nos ainés aujourd’hui ne doit en effet rien au hasard ,mais résulte d’un processus historique dans la miseen place de l’égalité réelle engagée avec la loi de départementalisation du 19/03/1946.

On ne peut comprendre la situation de nos ainés aujourd’hui sans un petit retour en arrière sur l’histoire de la mise en place de la protection sociale dans nos territoires.

Il faut, en effet, se rappeler et il s’agit là d’une ironie dont l’histoire dont elle est si souvent coutumière, que le premier jalon de cette longue épopée fut la loi du 30/09/1948 visant à la création de l’allocation des vieux travailleurs salariés. Cette loi fut arrachée de haute lutte par les syndicats de l’époque.Cette égalité réelle de la loi de 1946 n’a pas ,sur le fond,été appliquée.

Et nous payons aujourd’hui le prix de cette politique nationale marquée par une rupture d’égalité caractérisée et ce en dépit de la belle promesse républicaine.  Ce combat ancien et récurrent porté par nos ainés n’a toujours pas trouvé son terme en dépit de la loi du 28/02/2017 portant sur l’égalité réelle outre-mer affichant pourtant l’ambition de mettre fin à des inégalités inacceptables sur tout le territoire de la République.

Il existe toujours chez nous plus de 70 ans après des poches d’inégalités dont les personnes âgées sont les principales victimes. On reste très éloigné du catéchisme républicain et Ilserait intéressant au moment où l’on vient de célébrer les 150 ans de la République, de marquer une volonté réelle autour decette cause.

On doit prendre soin de nos ainés qui ont cru, après la période de l’esclavage et celle de la colonisation, en cette belle promesse républicaine consacrée par la loi de 1946.

Cette situation justifie à elle seule au nom de l’équité d’uneffort massif de rattrapage.

Cette dimension historique combinée avec une situation économique marquée par un chômage massif endémique et des carrières hachées génèrent une grande précarité cheznos ainés.

N’oublions jamais la responsabilité des pouvoirs publics en la matière car la seule réponse apportée à notre retard de développement a été de mettre en place une politique forcée d’émigration dans les années 60 avec son outil Le bumidomcouplé à une politique familiale orientée vers la baisse de la natalité.

Ces deux facteurs conjugués ont produit une véritable saignée de notre population avec les conséquences que l’onmesure aujourd’hui et encore plus demain. C’était bien plus facile à concevoir que de mettre en place une véritablepolitique de développement endogène.

Cette politique a condamné notre jeunesse à partir ou à être au chômage et il ne faudrait pas après avoir sacrifié cette jeunessed’hierqu’on abandonne nos ainés aujourd’hui : Ce serait la double peine.

Cette politique injuste, dénoncée en son temps par une partiede la classe politique, nous donne le droit toutes classespolitiques confondues, d’obtenir de l’État, un plan de rattrapage pour nous permettre de relever ce défi colossal.

Comme dit si bien Claude Valentin Marie « ce qui n’a pas été assuré il y a trente ou quarante ans se paye aujourd’hui avec une part de personnes sept fois plus éligibles au minimum vieillesse et à un poids très lourd de l’APA sur le budget de la CTM.

Si la Martinique vieillit plus vite que les autres régions c’est la conséquence directe de cette politique nationale mise en place dans les années 60. Cette situation perdure car faute de perspectives pour nos jeunes nous continuonsà perdre chaque année une bonne partie de nos forces vives.

Ce phénomène et la perspective de la dépendance associée,vont affecter toutes les dimensions de notre société tant elle questionne notre modèle de solidarité (Nationale, locale, familiale) notre modèle économique et notre sociologie.

Comment se présente la situation aujourd’hui et quellespeuvent être les perspectives ?

II la situation faite à nos ainés aujourd’hui

 

II.1 Une offre de service et une prise en charge institutionnelle insuffisantes

La population martiniquaise âgée dépendante(source INSEE)est estimée aujourd’hui à environ à 20140 personnes et serait un peu plus 25650 à lhorizon 2030, dont 5880 en dépendance sévère , soit en augmentation de 27%, alors  que nous avons une offre de places en établissement déjà largement insuffisante (l’offre chez nous est trois inférieure à celle observée en France hexagonale ) et notre taux d’équipement en places d’hébergement  pour personnes âgéesde plus de 75 ans en établissement est de 48,7 pour mille habitants contre 122, 6 en France hexagonale.

La Martinique dispose de 1600 places en institution. Le parc de maisons de retraite est de 35, destiné en théorie à ceux qui ne peuvent plus rester à domicile. Il est prévu pour ceux ne pouvant faire face au coût d’hébergement, une prestation d’aide sociale gérée par la CTM.

Ces établissements sont également vieillissants et pas toujours aux normes et standards   d’aujourd’hui.

Le montant moyen des retraites, comme déjà indiqué,étantd’environ de 700 euros et celui de l’ASPA de 903 euros pour une personne( chiffres CNAV) et le montant d’un séjour en EHPAD est compris  entre 3000 et 4500 euros (contre 1950 euros moyenne en France hexagonale).

Ce qui emporte comme conséquences que 91% des bénéficiaires de l’APA vivent à domicile chez nous, contre 60% en moyenne national.

II.2 Des politiques nationales et locales qui ne sont pas à hauteur des enjeux

Comme évoqué précédemment la problématique du vieillissement va concerner toutes les régions françaises. .Mais la tempête qu’elle aura à traverser n’aura rien à voir avec le cyclone qui nous attend.

C’est l’occasion à nous employer, tous autant que nous sommes, à anticiper et trouver des parades pour transformer ce facteur d’évolution en facteur d’opportunité.

Il existe bien au plan local  un schéma de l’autonomie2018/2023 . Ce document d’orientation politique et de planification , sans vouloir offenser personne ne semble pas être à la hauteur des enjeux et défis qui sont devant nous.

Son grand mérite est d’englober dans une même approche laproblématiques du maintien de l’autonomie pour les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. Mais ses lacunes principales restent : le manque de vision stratégique, un portage politique décevant, et une programmationopérationnelle en deçà nos besoins.

On ne comprend pas non plus pourquoi cette politique développée vis-à-vis de nos ainés ne soit pas plus empreintde justice sociale. En effet notre région est la moins généreuse en matière de prise en charge de L’APA à domicile.

Pour une prestation supérieure à 22 euros /l’heure la collectivité de Martinique n’en finance que 19 euros, ce qui a pour conséquence de faire un reste à charge pour nos ainés le plus élevé de France.

Si la problématique du financement de la prise en charge de la dépendance reste un vrai sujet pour les finances de notre collectivité, 94 mds euros aujourd’hui pour atteindre selon L’AFD 285 Mds en 2O40 elle ne doit en aucune façon des plus fragiles une variable d’ajustement ,cela revient de rajouter de l’injustice à de l’injustice.

En réponse à l’absence de propositions sur notre situation dans le rapport LIBAULT , une mission parlementaire complémentaire pilotée par Stéphanie ATGER et ErickaBAREIGTS a produit un rapport « Grand âge dans les outre- mer « qui malgré tout son intérêt et sa qualité ne répond pas à toutes nos questions car orienté essentiellement sur la Réunion.

Il nous revient donc, aux Antilles ,familles concernées,acteurs de terrain, société civile, de peser dans le débat public tant au niveau national que local pour que les besoins de nos aînés soient entendus et accompagnés.

Un nouveau débat – un de plus – « le LAROQUE de l’autonomie » du nom du père fondateur de la

Sécurité Sociale piloté par Brigitte Bourguignon la Ministre déléguée en charge de l’autonomie devrait être lancé courant octobre.

Il nous reste, certes, plus beaucoup de temps mais on peut encore agir de façon à ne pas râter cette fenêtre d’opportunité.

 

III Quelles politiques publiques adaptées à notre situation ?
III.1 Au niveau national

La prise en charge de l’autonomie des personnes âgées estenfin consacrée par une loi. Mais, comme je l’ai déjà mentionné, le rapport LIBAULT censé l’alimenter nous ignore totalement et sans vouloir faire de procès, cet oubli a certainement à voir avec un schéma de pensée sur l’égalitépropre à tout haut fonctionnaire, considérant que ce qui vaut pour Paris vaut également pour tous les territoires.

Cela reste vrai au plan des grands principes théoriques juridiques mais présuppose des situations au départsemblables.

Nous devrions plutôt travailler à construire l’égalité des droits réels à partir des réalités de terrain. J’espère vous avoir convaincu que la situation de nos ainés faite d’inégalités inacceptables mérite des corrections fortes car résultant du retard pris dans la mise en place des lois sociales sur nos territoires.

Selon   Aristote dans « l’Éthique à Nicomaque » traiter également les choses inégales conduit à l’injustice.

Cette situation est d’ailleurs traduite par des indicateurs de pauvreté très éloignés de la moyenne nationale comme :

Le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse
Le montant de la retraite moyenne
Le nombre de chômeurs de longue durée
Le nombre de bénéficiaires de minimas sociaux
Le taux de pauvreté (29% contre 14 en France)

Mais c’est surtout cette politique migratoire et familiale quinous conduit à ce vieillissement à marche forcée avec les effets que l’on sait.

Les conséquences de cette politique , pour le coup, demande un vrai accompagnement , sous la forme d’un plan de rattrapage dédié à nos aînés et en même temps de construire la Martinique de demain qui intégre le vieillissement comme facteur d’évolution déterminantdans tout projet de développement.

Nos élus doivent peser de toutes leurs forces, au-delà des clivages politiques ; pour faire admettre à L’État saresponsabilité sur l’ampleur et l’accélération du phénomène aux conséquences multiples.

Ce plan pourrait porter comme nom de code « Solidarité avec nos grandes personnes pour bâtir la Martinique de demain » et en créole « Lyenage epi gran moun nou pou Matnik dimin »

III.2 Au niveau local à travers 3 volets et quinze propositions

 

Je voudrais, à partir d’un diagnostic personnel que j’ai souhaité partager avec vous, verser quelques propositions dans le débat.

III.2.1 Préparer notre population à cette mutation démographique sans précédent 

 

1 Concevoir et décliner à l’échelle de notre territoire un vaste plan de communication visant à sensibiliser notre population , qui serait porté par la CTM/L’ARS / la CGSS/les Caisses de retraite complémentaires et les CCAS.
2 Créer au niveau de chaque CCAS un référent sénior chargé d’être le point de relais des informations descendantes et ascendantes.
3 Bâtir une GPEC avec Pôle Emploi, les Organismes de formation et les Chambres consulaires et professionnelles qui permettra de mesurer et d’anticiper les mouvements sur l’activité et l’emploi
III.2.2 Rattraper des politiques publiques en retard de trente ans 

 

1. Reprendre localement en urgence l’actualisation de notre schéma de l’autonomie 2018/2023 notamment dans son volet plan d’actions pour le mettre au niveau des enjeux et défis identifiés.

Nous aurions ainsi un document de référencepour négocier   le plan de rattrapage avec les pouvoirs publics.

2. Proposer en amont de la loi en cours de préparation , une gouvernance locale adaptée à notre réalité :

Une clarification s’impose entre les différents acteurs intervenant dans le champ (CNSA/CTM/CGSS/CCAS…) le constat est partagé que la multiplicité et le manque de coordination constituent un frein à la bonne efficience des politiques publiques déployées.

A titre personnel je préconise une gestion par un pilote unique en l’occurrence la CTM, seuleresponsable autour d’un bloc de compétences comprenant : la délivrance des autorisations, lagestion de l’allocation des ressources.

L’ARS serait chargée ,en liaison avec La CNSA de finaliser un contrat d’objectifs et de gestion avec la collectivité sur les moyens, sur résultatsattendus, sur les indicateurs de suivi et d’évaluation

3. Créer une Maison départementale de l’autonomiecomme prévue à l’article 82 de la loi ASV de 2015 en charge d’accueillir, d’informer, d’orienter, de conseiller les personnes âgées et celles frappées par un handicap.

​​

III.2.3 Redynamiser le secteur du bâtiment en souffrance et faire faire émerger de nouveaux acteurs pour créer des emplois 
Intégrer dans les négociations en cours avec l’État( Le futur plan État /Région (CPER) couvrant la période 2021/2027 ,Le plan « France relance » dans sa déclinaisonrégionale et son volet « Ségur de la santé (2020/2022), des mesures comme :
1. La rénovation des structures existantes pour les mettre aux normes
2. La création de places nouvelles de type habitat inclusif (cf. rapport WOLFROM/PIVETEAU) avec comme objectif d’arriver en fin de période contractuelle à un taux de couverture proche de la moyenne nationale. Compte tenu de la faible couverture en milieu rural des structures de type MARPA seraient à privilégier
3. La mise aux normes de toutes les maisons individuelles habritant des personnes âgées, en priorivant celles qui vivent seules.
4. La création de « Maisons Autonomie » dont le nombre et la répartition seront établis dans le nouveau schémad’autonomie territorial (il convient en amont de mettrefin à cette injustice consistant à nous priver juridiquementde cette possibilité). Il revient à nos Parlementaires d’introduire un amendement dans ce sens dans la future loi de financement de la sécurité sociale 2021.
5. Le soutien financier au secteur associatif opérant dans le domaine du grand âge

La mise en place sur tout le territoire du haut débit pour faciliter :

La télémédecine et les services de télésurveillance.
Le développement de la domotique.
6. La mise en place par le rectorat et les centres de formation d’une filière dédiée aux métiers du lien àpartir de l’évaluation tirée de la GPEC.
7. L’embauche massif (l’Insee évalue dans sa derniére étude le besoin à 7160 ETP d’ici 2030) dans le secteur pour permettre une meilleure prise en charge et aider lesstructures à former leur personnel aux nouvellestechniques d’accompagnement
8. L’adaptation spatiale de notre territoire au vieillissement en réinterrogeant tous nos espaces publics :
Tranquillité et sécurité​​
Plan de circulation
Mobilier urbain​
Déambulation/toilettes publiques
Transport public adapté

en veillant à ce que les PLU intègrent ces dimensions

Nous disposons là d’un gisement potentiel pour transformer la contrainte en opportunité mais à la condition d’abandonner toute forme de paresse intellectuelle et de faire preuved’audace collective sur un projet de société solidaire autour de la place et le soin que nous devons à nos aînés.

III.3 CONSTRUIRE UN OFFRE DE SERVICE POUR REPONDRE AUXATTENTES FACE A CE RISQUE DEMOGRAPHIQUE SYSTEMIQUE

L’évolution sociodémographique en cours va s’accélérer pour provoquer dans les dix prochaines années des mutations profondes sur nos façons de vivre. Nous devons nécessairement nous préparer et accompagner un tel mouvement.

Pour cela, il convient de briser ce tropisme bien de chez qui sonne comme un fatalisme « I bon Kon sa » et définir une politique à partir d’un diagnostic partagé, nous mettre d’accord sur les grandes lignes et d’être collectivement dépositaires de sa réussite.

Je l’ai dit, ma modeste contribution n’a pas d’autre ambition que de provoquer le débat que j’espère riche dans sa diversité et la contradiction.

Cette offre de service doit, me semble-t-il, être définie à partir des réponses préalables à quelques questions, pour nous permettre d’avoir une vision stratégique et un cap :

Comment bâtir une société martiniquaise de tous les âges ?
Comment favoriser le bien vieillir ?
Comment mettre en place un accompagnement respectueux des droits et libertés des personnes et préserver leur dignité ?
Comment innover à partir de nôtre écosystèmesur un modèle de développement intégrantintégrant les interdépendances entre jeunesse et ainés.

Après avoir répondu à ces questions, nous aurons le socle sur lequel nous allons pouvoir, à partir de nos priorités, bâtir notre plan d’action opérationnel .

Pour conclure à titre provisoire je l’espère, la prise en charge du maintien de l’autonomie de nos ainés doit nous permettre de nous retrouver autour d’une cause qui fasse sens.

Elle appelle à un impérieux devoir de solidarité vis-à-vis de celles et ceux qui ont bâti la Martinique d’hier et d’aujourd’hui et pour lesquels nous avons une dette, mais nous impose aussi à jeter les bases de la construction de la Martinique de demain.

J’ai commencé avec Cinthia Fleury et je terminerai aussi avec elle en reprenant l’intégralité de sa phrase qui est : « Tel est le chemin éternel de l’humanisme : Comment l’homme a cherché à construire, à grandir, entrelacé avec ses comparses pour grandir le tout, et non seulement pour lui-même, pour donner droit de cité à l’éthique, et ni plus ni moins aux hommes. Quand la civilisation n’est pas soin, elle n’est rien ».

Le /09/2019

Alain JEANVILLE

Ancien élève de l’EN3S

Ancien Directeur d’organismes de Sécurité Sociale

Consultant dans le domaine social et médico-social

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