La députée du Lot Huguette Tiegna appelle au devoir de mémoire dans une tribune nationale, pour s’opposer à la dislocation sociale et œuvrer pour une France fraternelle.

Huguette Tiegna députée du Lot (©DR )
« Il y a bientôt vingt ans, la loi tendant à la reconnaissance de la « traite » et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité, dite « Loi Taubira », était votée. Au-delà de reconnaître la « traite » comme crime contre l’humanité, cette loi intègre le devoir de mémoire dans l’éducation et s’attaque aux délits et crimes perpétrés en raison des origines ethniques de certains de nos concitoyens. Elle constitua une étape déterminante dans le processus de reconnaissance réparatrice de ce pan de notre histoire que nous avons trop longtemps occulté. Mais ce processus est cependant loin d’être terminé.

“Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre”

Churchill

Aujourd’hui encore, des citoyens français sont victimes d’actes de discrimination, d’insultes, voire de crimes en raison de leurs origines ethniques, leur couleur de peau, ou leur simple patronyme. Comment notre République peut-elle se prétendre fraternelle si elle n’agit pas pour mettre un terme à la marginalisation d’une partie de notre peuple ?

Lutter contre la dislocation sociale

La linguistique aussi nous en apprend beaucoup sur notre niveau d’avancement dans le processus de reconnaissance de la « traite » et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. Le simple fait de parler de « traite », un terme réservé aux échanges commerciaux, pour décrire la destruction de millions de vies, l’asservissement de millions de destins, n’est-ce pas déjà une forme d’atténuation ? N’est-ce pas consentir à une acceptation d’un discours de marchandisation des hommes ? Le devoir de mémoire nous impose de rétablir dans son sens premier ce qu’est l’esclavage, à savoir que c’est une déportation d’enfants, de femmes et d’hommes et non pas seulement une « affaire » qui ne concernerait que le négoce et épargnerait les tenants de la politique d’alors. Il nous impose d’établir un discours public qui laisse sa place à l’expression de la souffrance commune à ceux qui ont subi la négation de leur humanité et le déracinement. En cela, la place qui leur est accordée dans notre espace public reste dérisoire. Refuser de regarder en face ce passé, c’est se mentir sur les répercussions désastreuses qu’il a dans le présent sur notre société, et accepter de bâtir notre avenir sur un mensonge. Les croisements successifs entre cultures colonisatrices et colonisées ont abouti à des métissages riches, à nourrir une culture qui n’a de cesse de se réinventer. Des figures fortes issues d’un passé aux confins de la Métropole ont mis leur vie au service du collectif. Ramener dans l’espace public une de ces figures négligées par notre mémoire lacunaire est un impératif de sauvegarde pour lutter contre la dislocation sociale.

Soutien à la panthéonisation de Gaston Monnerville

Considérons ce grand homme : Gaston Monnerville, petit-fils d’esclaves des Outre-mer né en Guyane, qui fut pendant 22 ans Président du Sénat. Son destin incarne à lui seul les idéaux d’égalité et de fraternité auxquels nous sommes si attachés. La panthéonisation de Gaston Monnerville que je soutiens depuis plusieurs semaines participe de cela. Par ce geste symbolique fort, nous ouvrirons des perspectives pleines d’espoir à nos jeunes en quête d’identité, les invitant à prendre conscience qu’il est temps de célébrer une France aux couleurs multiples, qui se conjugue au pluriel, et de combattre celles et ceux qui veulent la réduire à un ethnocentrisme archaïque et dangereux. En tant que pays des droits de l’Homme, nous avons plus que jamais besoin d’être au rendez-vous. »

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