Source: ONU
« Je ne peux pas insister assez sur la gravité de la situation en Haïti, où de multiples crises prolongées ont atteint un point critique », a affirmé Maria Isabel Salvador, présentant le dernier rapport du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH).
Ce pays des Caraïbes demeure en proie à une violence croissante et à l’insécurité provoquées par des gangs armés, sur fond de défis politiques, humanitaires et socio-économiques.
Propagation de la violence
Environ 83 % de l’augmentation sans précédent des meurtres et blessures ont eu lieu dans la capitale, Port-au-Prince, mais la violence s’est également propagée ailleurs, notamment dans l’Artibonite, le plus grand des 10 départements d’Haïti.
Au sud de la capitale, des gangs ont mené des attaques d’envergure pour contrôler des zones clés et continuent à utiliser systématiquement la violence sexuelle dans les régions sous leur emprise, exposant les femmes et les filles dès l’âge de 12 ans à des risques graves.
Mme Salvador a indiqué que depuis son dernier briefing en octobre, au moins 75 personnes ont été tuées par des mouvements de vigilance civile, apparus comme une défense collective face aux gangs.
Soutenir la police haïtienne
Le BINUH a poursuivi ses efforts pour renforcer la capacité de la Police nationale haïtienne (PNH), mais les taux élevés d’attrition ont encore réduit la capacité des forces de sécurité à contrer la violence des gangs.
Le gouvernement haïtien et la communauté internationale ont intensifié leur soutien à la PNH ces derniers mois, avec notamment une augmentation de 13 % du budget national alloué pour l’exercice en cours, ainsi que la fourniture d’équipements de protection individuelle, de véhicules blindés, de motos et d’armes.
En octobre dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé le déploiement d’une mission de soutien sécuritaire multinationale (MSS) pour appuyer la police haïtienne, avec le Kenya à sa tête. Un régime de sanctions de 2022 ciblant les chefs de gang et leurs financiers a également été renouvelé.
Mme Salvador a déclaré qu’elle continuera à encourager tous les acteurs à se préparer efficacement au déploiement de la mission et a renouvelé son appel aux pays pour des contributions généreuses.
Briser le cycle
Bien qu’une amélioration de la sécurité soit essentielle pour briser le cycle de crises multiples en Haïti, elle a insisté sur le fait que la stabilité à long terme ne peut être atteinte qu’à travers un processus politique inclusif et dirigé par les Haïtiens.
Reprenant les propos du Secrétaire général de l’ONU, elle a exhorté tous les acteurs politiques et parties prenantes « en et pour Haïti » à s’unir pour mettre l’intérêt du peuple au premier plan.
Elle a noté l’émergence récente de « nouveaux acteurs violents » préoccupants par leur rôle potentiellement déstabilisateur.
« Le soutien continu à la PNH, le déploiement rapide de la MSS, des sanctions efficaces et un processus politique soutenu menant à des élections crédibles, participatives et inclusives » sont essentiels, a-t-elle souligné.
Ce sont des « éléments fondamentaux pour rétablir la sécurité et la stabilité en Haïti, où l’état de droit, les institutions démocratiques et le développement durable deviendront une réalité pour la population », a-t-elle ajouté.
Le trafic d’armes, un « angle mort »
La directrice de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Ghada Waly, a également informé le Conseil des flux d’armes illicites et des flux financiers en Haïti.
Un rapport de l’ONUDC publié en octobre dernier avait identifié quatre principales routes maritimes et terrestres utilisées pour le trafic d’armes et de munitions, principalement depuis les États-Unis.
Le dernier rapport, publié mercredi, révèle l’existence de 11 pistes d’atterrissage clandestines répertoriées en Haïti.
« Elles représentent un angle mort pouvant être exploité par les trafiquants et contrebandiers, sachant que les petits avions volant directement entre les États-Unis et Haïti sont difficiles à surveiller », a déclaré Mme Waly.
Un enjeu régional
La crise en Haïti s’inscrit aussi dans une dynamique régionale, a-t-elle ajouté, précisant que la prolifération des armes illicites est une préoccupation croissante dans les Caraïbes, alimentant un cercle vicieux d’activités criminelles et de trafic de drogue.
Le rapport documente également des actions contre la corruption et les flux financiers illicites, qui « facilitent la violence et le crime organisé et affaiblissent les institutions judiciaires haïtiennes ».
Cependant, les efforts anticorruption sont entravés par un manque de ressources, d’équipements scientifiques et d’expertise pour mener des enquêtes complexes.
Le prochain rapport de l’ONUDC analysera en détail les dynamiques des gangs en Haïti.