Sept mois après une précédente réunion, une nouvelle « session » du Congrès de nos élu.e.s est censée se dérouler ce 28 juillet. Un rendez-vous qui est possiblement l’une des raisons de la tenue d’une récente conférence de presse d’une large partie des composantes de l’alliance Gran Sanblé Pou Matinik (GSPM) ; une autre raison importante de cette communication médiatique étant probablement les « mesures » annoncées suite au récent Comité Interministériel des Outre-mer (CIOM). Des réalités factuelles, manifestement appuyées par une volonté affichée de « clarification » et de dénonciation. Explications.

Congrès des élu.e.s

« Quand on se dit être dans un pays démocratique (…) on se doit de respecter les instances et les procédures qui sont mises en place » : telle fut la très brève déclaration faite par Alfred Marie-Jeanne, figure historique et « chef de file » du Gran Sanblé Pou Matinik, en préambule à cette communication médiatique. Des propos qui auguraient de la tonalité générale des déclarations qui allaient suivre. Dans un texte intitulé ‘’La question du Congrès : Une clarification nécessaire’’ – texte daté du 07 juillet dernier et co-signé notamment par des dirigeants-représentants de formations politiques membres du GSPM* -, il est indiqué ceci : « (…) plus d’un an après la décision de mettre en œuvre la démarche du Congrès, lorsque nous analysons les travaux en cours, nous sommes dans l’obligation morale de dénoncer la stratégie adoptée par le président du Conseil exécutif. » Le texte de poursuivre : « En effet, au lieu de la suite logique que devrait connaître le Congrès, la place est faite à des résolutions votées par l’Assemblée de Martinique, qui proviennent des premiers travaux réalisés par les commissions du Congrès, notamment la question du chlordécone, de l’autonomie alimentaire et de la reconnaissance de la langue créole. » Puis de préciser : « Si nous partageons de nombreux aspects du contenu de ces résolutions, qui correspondent aux combats que nous avons toujours menés, nous émettons les plus grandes réserves sur cette stratégie, qui revient à s’en remettre à une majorité limitée au cadre de l’Assemblée territoriale, sur des décisions qui engagent durablement notre pays et exigeraient un débat démocratique large et pluriel. » Les cosignataires de poursuivre : « C’est pourquoi il est de notre devoir aujourd’hui de mettre en garde contre les décisions unilatérales qui souffriraient d’une absence d’expression plurielle et de légitimité démocratique, de mettre en garde le président du Conseil exécutif contre toute proposition portée au CIOM au nom de la Martinique, sans débat contradictoire et validation démocratique, et d’exiger que soit poursuivie dans les formes la démarche du Congrès, car c’est au peuple Martiniquais qu’il revient de se prononcer en fin de compte sur toute évolution institutionnelle. »

« Notre rôle en tant qu’élus n’est pas d’entretenir la confusion… »

Louis Boutrin (MI)

Il est ici à indiquer que les derniers propos cités furent fermement réfutés par une notable composante du GSPM, à savoir Louis Boutrin, le président de Martinique Ecologie. En effet dans un autre texte – daté du 15 juillet dernier et répondant au titre évocateur de ‘’La question du Congrès : un double mensonge en guise de clarification’’ – M. Boutrin affirme, en sa « qualité de co-animateur de la Commission ad hoc (du Congrès, ndr) relative aux ‘’nouvelles compétences et pouvoirs normatifs à négocier », s’inscrire en faux « contre de telles allégations », affirmant ainsi qu’il venait « d’adjoindre une proposition de préambule au document de synthèse du Congrès qui, conformément aux dispositions de l’article 72-4 de la Constitution, rappelle un principe majeur garantissant notre assentiment démocratique : « Aucun changement, qu’il soit de nature institutionnelle ou statutaire, ne peut s’effectuer sans que le consentement des électeurs martiniquais ait été recueilli préalablement ». Et Louis Boutrin de souligner dans ledit texte : « En vertu de ces principes, notre rôle en tant qu’élus n’est pas d’entretenir la confusion mais de nous engager à tout mettre en œuvre pour que la volonté des électeurs puisse s’exprimer sur le fondement d’une information claire et accessible afin qu’ils se prononcent en ayant connaissance des conséquences de leur choix. » A ce stade du présent article, est-il besoin d’indiquer que Louis Boutrin et Martinique Ecologie n’ont pas cosigné « La question du Congrès : Une clarification nécessaire » ? Louis Boutrin arguant en effet, dans son récent texte, que « les militants (de Martinique Ecologie, ndr) interrogés à cet effet », y ont été « largement défavorables ». Vous avez dit désaccord(s) ?

« Ce n’est pas une secte, mais il y a des principes… »

Francis Carole (FB)

Interrogé par nos soins sur l’éventualité de « conséquences » quant à l’avenir de Martinique Ecologie au sein du GSPM (eu égard à ce refus de signature et aux positions justificatrices exprimées par Louis Boutrin), c’est Francis Carole, le président du PALIMA (Parti pour la Libération de la Martinique) qui prit la parole, indiquant ceci : « Evidemment chacun, au sein du Gran Sanblé, a le droit de faire ce qu’il entend : ce n’est pas une secte, si tu veux partir tu t’en vas. » Et d’ajouter, dans le même souffle : « Ce n’est pas une secte, mais il y a des principes. Toutes les organisations appartenant au Gran Sanblé, ainsi que des personnalités, ont signé, à l’exception de Martinique Ecologie : nous en prenons acte. Et l’avenir nous dira ce qu’il en sera. Mais nous n’avons pas pris la décision d’expulser quiconque. » A suivre ? Après cette parenthèse relative aux frictions internes au GSPM, revenons aux arguments invoqués par les représentants de ladite alliance quant à la « stratégie », plus précisément un « changement de stratégie » attribué à Serge Letchimy.

« Cela aurait eu une plus grande force politique si cela avait été décidé au Congrès au lieu d’être votée par l’Assemblée »

« Chaque fois qu’il y a eu un pas vers l’évolution institutionnelle, il y a eu un Congrès », débuta Francis Carole, « (…) il y a d’abord eu des résolutions votées au(x) Congrès, et c’est à la suite de ces résolutions qu’il y a eu des négociations avec l’Etat. C’est ainsi que ça s’est passé en 2001, 2002 et 2003, où nous avons discuté avec Mme Girardin (à l’époque ministre de l’outremer, ndr) après deux ans de Congrès et après validation(s), vote(s) des résolutions. » Résolution : un terme – et un acte juridico-administratif – manifestement centraux dans l’argumentaire développé par ces composantes du GSPM ; nous y venons. Evoquant alors le Congrès en cours, le dirigeant du PALIMA partagea sa vision d’une « espèce d’embourbement » de ladite instance, « parce qu’à ce moment-là la stratégie définie par le PPM, et singulièrement le président du Conseil exécutif, consistait à faire passer par le CIOM (…) un certain nombre de décisions, sur la langue (créole) etc., alors que ces questions relevaient du Congrès. Et c’est sur la base des résolutions du Congrès qu’on aurait dû commencer à discuter. » Et de préciser : « Je crois qu’à ce moment là la stratégie du président du Conseil exécutif a changé. Ce n’était plus une stratégie de Congrès-résolutions-discussions avec l’Etat’’, mais une stratégie de ‘’vote en plénière de l’Assemblée (de la CTM, ndr) et ensuite discussions avec les ministres (…). » Souhaitant s’exprimer également sur ces questions, Daniel Marie-Sainte, le chef de file du groupe d’opposition GSPM à l’Assemblée de Martinique, affirma, au sujet de Serge Letchimy, que « ce qu’il est allé expliquer au gouvernement français c’étaient ses propres revendications ; aucune de ses-ces revendications n’avait été validée par le Congrès. » Et d’appuyer son propos par quelques exemples récents : « Rendre officielle la langue créole nous sommes pour, mais cela aurait eu une plus grande force politique si cela avait été décidé au Congrès, au lieu d’être votée par l’Assemblée. Et l’autonomie alimentaire (…) n’a jamais fait l’objet de résolution(s). »

Daniel Marie-Sainte au micro

Récemment interrogé par nos confrères et consoeurs de France Antilles sur ce reproche d’unilatéralité et de discussions entre l’exécutif territorial et les autorités étatiques sans débat(s) préalable(s) avec les autres composantes du Congrès des élu.e.s, le président de l’Assemblée de Martinique, Lucien Saliber, s’est dit « surpris » par ces propos et a indiqué que le CIOM avait « travaillé sur les préconisations que la population nous a faites, que nous avons relayées auprès d’eux. » Puis M. Saliber d’ajouter : « Il (le CIOM, ndr) y a répondu, ainsi qu’à l’Appel de Fort-de-France qui a joué un grand rôle dans cette réunion du CIOM. »  Intéressant. Et à suivre, assurément.

Mike Irasque

*Les formations politiques et personnalités signataires sont le MIM, le PALIMA, le CNCP-APAL, le PCM, Le Lamentin la Relève, les maires Eugène Larcher et Gilbert Couturier, Philippe Edmond-Mariette, etc. (MI)

 

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