Les ministres de la transition écologique et de l’économie, des finances et de la relance ont chargé France Stratégie, le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et l’inspection générale des finances (IGF) d’une mission destinée à promouvoir un commerce en ligne durable en France grâce à un bilan approfondi de ce nouveau canal de commerce et des préconisations d’évolution du cadre juridique.
Le rapport “Pour un développement durable du commerce en ligne” a été publié le 11 mars 2021(1).

La première partie du rapport souligne la grande diversité du commerce en ligne et démontre en quoi ce canal a bouleversé le commerce en France et en Europe. Apparu au début des années 2000, le commerce en ligne représente aujourd’hui 13 % du commerce de détail des biens (+ 37 % en 2020 par rapport à 2019 du fait de la crise sanitaire). “Si les deux premières places du marché français sont tenues par des acteurs spécialisés, Amazon et le français Cdiscount, les enseignes de la grande distribution (Leclerc, Carrefour, FNAC-Darty, Auchan…) sont très présentes. Près de 200 000 entreprises commerciales mais aussi industrielles, artisanales et agricoles disposent de sites marchands. Enfin, des sites opérant exclusivement depuis l’étranger comme Wish ou Alibaba ont aussi des positions fortes“.

Les clients du commerce en ligne appartiennent à tous les territoires, à toutes les classes sociales et à toutes les générations, les personnes de moins de 50 ans et les familles d’au moins deux enfants sont toutefois surreprésentées. 10 % à 30 % des Français ne l’utiliseraient pas par choix ou par impossibilité (illectronisme, zones blanches…).

La deuxième partie du rapport analyse les impacts sur l’environnement et sur l’emploi du développement rapide du commerce en ligne que la crise de la COVID-19 amplifie.

Bien que le commerce en ligne soit présent dans les secteurs où les importations de pays hors Union Européenne sont majoritaires (produits électroniques, vêtements, jouets…), son bilan environnemental dans les modes de production ne diffère pas de celui des produits vendus en magasin. La principale différence entre ces deux canaux de distribution repose sur les étapes finales d’entreposage et de distribution au consommateur. Pour être efficace du point de vue environnemental, la livraison du dernier kilomètre devrait privilégier les flottes décarbonées et optimiser les flux. S’agissant de l’artificialisation des sols, l’augmentation du nombre d’entrepôts liée au commerce en ligne contribuerait à hauteur de moins de 1 % de la consommation annuelle d’espaces naturels, agricoles et forestiers mais peut avoir un impact local significatif, notamment lorsque des entrepôts de très grande taille sont construits.

Le développement du commerce en ligne a bouleversé les secteurs du commerce et de la logistique qui représentent 20 % des emplois marchands. La croissance annuelle du nombre de salariés du commerce de détail était de 3 % entre 1994 et 2002, n’a plus été que de 1 % entre 2002 et 2019. Plus le commerce en ligne est fort dans un secteur, plus la baisse de l’emploi y est marquée. Ainsi des destructions d’emplois ont été constatées dans les secteurs du jouet, la chaussure ou l‘habillement, tandis que les créations d’emplois ont été dynamiques dans le commerce de bouche peu concurrencé par ce canal de distribution. Par ailleurs, le commerce en ligne crée des emplois dans le secteur des transports et de la logistique.

Le développement des livraisons offertes a contribué à dégrader les marges des entreprises omnicanal et en particulier de la grande distribution. Les acteurs adossés à des groupes multi-activités bénéficiaires, comme Amazon avec ses activités de cloud, peuvent perdre de l’argent sur la vente de détail, et mettre ainsi leurs concurrents en difficulté. “Ces derniers sont dès lors encouragés à reconstituer leurs marges, ce qui pourrait se traduire par une accélération de l’automatisation de leurs entrepôts et de leurs magasins avec des effets potentiellement importants sur l’emploi“.

Dans une dernière partie, le rapport propose aux pouvoirs publics une stratégie d’ensemble pour préserver la diversité des modes de commerce en améliorant l’équité concurrentielle et en permettant au commerce traditionnel de se moderniser et de réussir son évolution vers l’omnicanal. Elle s’articule autour des cinq recommandations suivantes:

• renforcer l’équité concurrentielle avec le commerce traditionnel, en adaptant la fiscalité afin que les géants du numérique n’échappent plus à l’impôt, en améliorant la protection du consommateur par une responsabilisation des plateformes sur la conformité à la réglementation des produits mis en vente, et en instaurant une compensation carbone aux frontières de l’Union européenne afin d’internaliser l’impact environnemental dans les prix ;

• mieux prendre en compte la logistique dans l’aménagement territorial, notamment en inscrivant, après une concertation locale, la construction des entrepôts dans une planification régionale intégrée aux schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), puis aux schémas de cohérence territoriale (SCOT) et plans locaux d’urbanisme (PLUi et PLU) ;

• améliorer l’impact environnemental des livraisons, en réservant l’accès aux zones urbaines à des véhicules émettant moins de particules fines et de gaz à effet de serre (GES), dans des délais brefs, et en privilégiant notamment la livraison en point relais en zones urbaines;

• accompagner la mutation du commerce de détail en encourageant la numérisation des acteurs économiques français (commerçants, industriels, artisans, agriculteurs) afin de promouvoir un commerce en ligne durable et compétitif sur le marché local et national comme à l’exportation. Ces mesures intègreront une dimension de formation et seront articulées avec les politiques en faveur du dynamisme des centres villes et de la couverture numérique des territoires. Enfin, l’émergence d’un champion européen du commerce en ligne durable devrait être favorisée en facilitant l’interopérabilité des plateformes nationales pour permettre d’améliorer la profondeur du catalogue proposé et de rivaliser avec les grands acteurs mondiaux ;

• créer un label “commerce en ligne durable” plus ambitieux que la réglementation en associant des critères environnementaux, sociaux et économiques afin de permettre aux consommateurs de mieux identifier les acteurs du marché les plus responsables.

Notes
puce note (1) Rapport IGF/FS/CGEDD sur le développement durable du commerce en ligne
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