La publication par l’Insee en décembre dernier des comptes économiques définitifs de Martinique me permet de donner corps à la thèse que je défends depuis des années.Les politiques de développement mises en œuvre chez nous relèvent d’une politique de l’offre et de la « théorie » du ruissellement. On stimule les entreprises par des aides diverses en espérant que le reste (l’emploi et la réduction des fractures sociales) suivra.


Manifestement, cela ne marche pas (croissance molle, chômage, émigration). Pour les uns, les aides sont insuffisantes, pour les autres, elles ne sont pas utilisées de manière efficace, pour la plupart elles sont à la fois insuffisantes et mal utilisées.

 

– Personne ne s’interroge sur le fonctionnement de l’économie réelle.

J’esquisse un modèle de ce fonctionnement, avec l’espoir de susciter une réflexion sérieuse

L’appareil de production martiniquais est essentiellement tourné vers le marché intérieur ;

La variable décisive est la consommation des ménages. Privées de débouchés extérieurs, les entreprises alignent leur objectifs de production sur le niveau de cette consommation, ce qui déterminera, en retour, la nature et le montant de leurs investissements ;

Le problème, depuis le début de la décennie, est la stagnation de la consommation en raison de inégalités dans la répartition des revenus : pour une bonne moitié de la population, elle est plafonnée par un pouvoir d’achat faible ; pour les 20 ou 25% les plus favorisés, elle est également plafonnée en raison de la saturation des besoins en produits locaux ;

Le résultat en est une production marchande qui augmente au rythme de la consommation des ménages. Les profits des entreprises ne sont que faiblement réinvestis (pour le renouvellement des équipements et très peu pour l’augmentation des capacités de production) mais sont distribués aux actionnaires ou investis dans des actifs financiers. L’épargne des ménages aisés va vers des actifs patrimoniaux réels (immobilier) et, de plus en plus, vers des actifs financiers (assurance-vie, valeurs mobilières…). L’épargne financière annuelle ainsi stérilisée pour l’économie locale est de l’ordre de 2 milliards annuels d’euros, soit presque le quart de notre PIB. Contrairement à ce qui est souvent dit, nous ne devrions pas avoir besoin d’investissements extérieurs puisque nous sommes exportateurs de capitaux.

Implications pour la relance :

 

Le soutien à l’investissement privé devrait privilégier l’innovation et les niches d’exportation. Pour les entreprises travaillant uniquement pour le marché local, les aides à fonds perdus en capital pourraient être transformés en prêts à des conditions avantageuses (taux bonifiés, différé de remboursement, garantie publique) ce qui permettrait un effet de levier plus important ;

La commande publique de travaux créera de l’emploi et des revenus, donc un soutien bienvenu à la consommation. Mais une fois terminée l’injection de fonds, les emplois et le revenus disparaîtront (exemple de la route des Tamarins à La Réunion : 7 000 emplois créés puis une récession) ;

Une grande part de l’effort devrait aller à la création d’emplois dans le secteur non marchand, à travers les associations, l’économie sociale et solidaire et la mise en œuvre du dispositif « Territoire zéro chômage longue durée » qui réaffecte les fonds CHRISTIAN LOUIS-consacrés à l’indemnisation du chômage ou au RSA au financement d’emplois. Les besoins non solvables de la population âgée sont énormes et sont appelés à augmenter avec le vieillissement de la population. Les besoins sont également considérables en matière de protection de l’environnement. Les postes à créer n’appellent pas de grandes compétences et correspondent au profil de nos chômeurs. Cette option, en créant des emplois réduirait les inégalités (la pauvreté est souvent liée au chômage) et freinerait sans doute l’exode de nos jeunes. Elle augmenterait, en même temps, le débouché de nos producteurs de bien de consommation.

Enfin, l’agriculture et la pêche méritent un traitement plus sérieux, avec des équipes d’encadrement technique plus nombreuses et une réactivité plus grande : comment comprendre, comme me le faisait remarquer notre ami Robert, que les bateaux de pêche soient à l’arrêt à cause d’une panne des machines à produire de la glace ?

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