Le préfet de Martinique et le directeur général de l’ARS ont présenté il y a quelques jours dans la presse un 4ème Plan Chlordécone pour la Martinique et la Guadeloupe.

Voici quelques commentaires et réflexions que cette annonce a suscités chez le citoyen martiniquais que je suis, peu au fait des aspects techniques et scientifiques du dossier, mais bien imprégné de la gravité de la situation et de son impact sur la santé et la vie de nos populations actuelles et à venir.

Tout d’abord, une impression générale : Ce plan semble venu, voire tombé d’en haut, sinon du ciel, en quelque sorte octroyé. En effet, dans les lignes d’introduction, il est fait mention du Président de la République qui « fixe une ambition… » mais aucunement des attentes et revendications exprimées de manière continue, et sous des formes diverses, parfois contradictoires, voire controversées,  par la population depuis 40 ou 50 ans. Mais peut-être ma lecture n’a-t-elle pas été assez attentive.

S’agissant du contenu du plan annoncé, le document publié par la préfecture de Martinique se présente plutôt comme une « feuille de route », avec des axes déjà décidés en interministériel, pour un montant de l’ordre de 92 millions d’euros. Et dans le même temps il se propose  « d’amorcer une gouvernance impliquant véritablement l’ensemble des partenaires et la population, dans la perspective de co-construire un plan chlordécone IV(2021-2026) partagé et porté par tous ».

Il semblerait donc qu’il existe malgré tout un espace qu’il me parait hautement souhaitable d’occuper pleinement, et à cet égard, je me permets de formuler les quelques propositions qui suivent.

1- Nombreux sont les travaux déjà réalisés sur le sujet, portés par différents courants et organismes. Peut-on envisager que soient dépassées les différences et divergences et que tous les acteurs engagés dans la lutte anti chlordécone fédèrent leurs propositions et les inscrivent (imposent ?) dans le processus de co-construction annoncé? Une telle démarche devrait s’accompagner  d’une communication bien orchestrée de telle sorte qu’on sente bien que c’est toute la Martinique qui la porte. Par exemple, il pourrait être proposé à la population de signer massivement une pétition qui reprendrait les propositions d’actions, un peu comme le fait Mme le Dr Jos-Pélage dans l’interview donnée récemment à Radio APAL, ou encore à partir des conclusions de la mission d’enquête conduite par le député Serge Letchimy, ou les recommandations formulées à l’époque par la Conférence Régionale de la santé et de l’Autonomie siégeant auprès de l’Agence Régionale de Santé.

2- Le plan annoncé par le gouvernement comporte un axe « recherche », et à ce sujet il parait essentiel que la Martinique et la Guadeloupe dont les populations et le terres ont été largement et pour longtemps empoisonnées (?), puissent capitaliser les retombées de la recherche, et qu’y soit construite et DOMICILIEE une véritable expertise scientifique en matière de toxicologie et de décontamination des sols notamment.

3 Un plan annonce des intentions. Pour s’assurer de sa réalisation il est indispensable d’en organiser le suivi régulier. Ce suivi devrait me semble-t-il donner lieu à un rapport annuel présenté d’une part devant les assemblées de nos 2 territoires, et d’autre part devant le Parlement.

D ‘ailleurs a-t-on procédé à une évaluation des plans 1, 2 et 3 ?

Dans le même ordre d’idées, est-il envisageable que la Cour des Comptes se saisisse ou soit saisie de la question de la contamination de nos é territoires au chlordécone et qu’elle procède à l’évaluation des politiques publiques engagées par les gouvernements successifs pour remédier au désastre engendré ?

4- Compte tenu des l’importance de cette question et aussi de sa complexité, pourrait-on envisager la mise en place d’un Conseil ou Comité Chlordécone indépendant des instances politiques et étatiques et composé d’un certain nombre de personnalités qualifiées pour connaitre du sujet.  Son rôle consisterait à émettre des avis à l’intention des  instances et de la population, notamment à propos des plans d’action et des  bilans périodiques  produits par les services de l’Etat.

5- Outre les dégâts causés aux terres et aux corps, le « scandale » du chlordécone et sa gestion constituent une atteinte particulièrement grave à la dignité de nos populations. Les plans successifs devront prendre en compte cette problématique, mais la réponse viendra pour beaucoup de la capacité de notre communauté à relever ce défi.

Frantz Ventura.

Note de la rédaction: Frantz Ventura est Directeur honoraire du CHU de Fort-de-France, délégué général de la fédé ration hospitalière de la Martinique.

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