Relance économique :faut-il et peut-on vraiment augmenter le temps de travail ?

Après un premier test lancé par le Medef, l’Institut Montaigne revient à la charge sur la question du temps de travail. Journées plus longues, jours fériés en moins et levée des contraintes juridiques sur l’organisation du travail… Les propositions provoquent l’ire des syndicats. Pour d’autres, la perte de PIB de la France justifie des mesures de rattrapage.

Des journées de travail plus longues, un jour férié en moins, une semaine de vacances scolaires qui saute, un recours accru au forfait jour dans la fonction publique… Dans un rapport publié le 6 mai, l’Institut Montaigne revient à la charge sur l’adaptation des conditions de travail pour relancer la machine économique.

La crise, déconfinement compris, va “bouleverser durablement nos organisations productives”. Face à ces défis, le think tank libéral s’affiche “en faveur d’un soutien aux entreprises qui souhaitent accroître le temps de travail” en “assouplissant les verrous juridiques existants”. Parmi les 9 propositions, celle d’”inciter à l’accroissement du temps de travail sans pour autant que la rémunération supplémentaire correspondante ne soit versée immédiatement par les entreprises”, a plus que tendu les syndicats…

Une provocation selon les syndicats

En gagnant la bataille de l’opinion, ces derniers avaient pourtant réussi à faire rétropédaler le Medef qui proposait les mêmes recettes il y un mois. “Il faudra bien se poser la question tôt ou tard du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire”, lançait alors le patron des patrons, Geoffroy Roux de Bézieux.

Un débat alors jugé “indigne” et “provocateur” par les syndicats, qui réservent le même traitement aux propositions de l’Institut Montaigne. Plutôt que d’augmenter la durée de travail, “au risque de surexposer et d’affaiblir les personnels par une charge et un temps de travail excessifs, il convient de débloquer les budgets pour opérer des recrutements, réduire le temps effectif de travail et répartir l’activité sur un plus grand nombre d’individus pour la sécuriser”, propose ainsi l’Ugict-CGT. “Faire travailler davantage ceux qui ont déjà un travail alors que le chômage est déjà très fort et va l’être encore plus dans les prochains mois n’a pas beaucoup de sens”, estime de son côté Laurent Berger, le secrétaire national de la CDFT.

Des travailleurs déjà épuisés

Les syndicats sont d’autant plus crispés que les conditions de travail ont déjà été adaptées par une ordonnance du 26 mars. Celle-ci a mis en place des dispositions temporaires exceptionnelles permettant aux entreprises de s’adapter à la crise comme la prise de congés payés obligatoire ou l’augmentation de la durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures à 60 heures avec les heures supplémentaires pour des secteurs essentiels comme l’énergie ou l’agroalimentaire, sous condition d’accord avec les partenaires sociaux.

Mais l’ampleur de la crise, avec une perte estimée de PIB de 6 % en 2020, pousse certains, notamment les petits commerces, à vouloir rattraper le chiffre d’affaires pour éviter de mettre la clé sous la porte. À Bercy, on étudie plusieurs pistes, comme l’extension du travail le dimanche sur une durée limitée, limité à des salariés volontaires. Cela s’accompagnerait bien sûr de compensations salariales, assure l’entourage du ministre.

Le gouvernement va devoir jouer les équilibristes car ces questions sont hautement sensibles. Selon une enquête de l’association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), les thématiques les plus abordées avec les représentants du personnel sont justement l’organisation des congés et jours de repos (79 %), l’aménagement du temps de travail (54 %) et la rétribution des salariés (37 %). Or, plusieurs études montrent que les travailleurs, actifs sur le terrain ou en télétravail mais aussi mis au chômage forcé, sont à la fois angoissés et épuisés. La prise en compte de ces paramètres conditionnera aussi la relance, préviennent les experts RH.

Béatrice Héraud, @beatriceheraud

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