Dans la mythologie grecque, les femmes guerrières s’appelaient les Amazones. C’est sans doute pour cette raison qu’Alexandra Harnais, fondatrice de l’association a souhaité lui donner ce nom en août 2017.Aussi, aidée de bénévoles, de sympathisants de plus en plus nombreux, cette jeune Présidente, à qui on découvre un cancer du sein en 2014, décide de prendre le taureau par les cornes et d’accompagner, informer, sensibiliser aux problèmes inhérents au cancer au féminin. Plus que tout, elle veut apporterde l’amour à toutes celles qui souffrent de cette maladie. En 2019, Alexandra cède la place à Isabelle Baron qui continue l’action de sonprédécesseur, avec brio. Nous l’avons rencontrée et vous invitons à lire ce témoignage émouvant.


1. Pourquoi avez-vous accepté cette fonction ?

Je l’ai fait parce qu’Alexandra devait partir hors de la Martinique pour des raisons personnelles et professionnelles. En effet, elle avait la charge d’organiser la Fondation Amazones qui englobait Paris, la Martinique, la Guadeloupe et Tahiti. Elle devait continuer à développer le concept dans l’Outre-Mer. Il fallait poursuivre les missions et les actions qui avaient été initiées, et en faire de nouvelles. Il fallait réaliser les projets que nous avions prévu de réaliser. Nous devions donc continuer à suivre le chemin qui avait été tracé, pour mener notre mission de prévention et de sensibilisation à bien, auprès des femmes et de leur entourage.

2. Le cancer du sein touche de plus en plus de femmes en Martinique. Rencontrez-vous des difficultés au sein de votre association et si oui, quelles sont-elles ?

C’est vrai que le cancer touche de plus en plus de femmes en Martinique . Si l’on doit parler des difficultés, c’est d’abord le fait que nous association n’est composée que de bénévoles, orla tâche est rude ! Il y a beaucoup à faire, beaucoup de choses à développer, à créer. C’est donc un investissement très important. A terme, on ne pourra pas continuer ainsi. Il va falloir que l’on embauche. C’est notre projet à très court terme : nous avons déjà deux personnes que nous allons employer, qui font un travail de tous les instants. Nous dirons que c’est un travail à temps plein.

3.Amazones a sorti le premier exemplaire de son magazine, en 2018. Qu’est-ce qui a motivé la sortie de ce journal ?

Il a été créé pour nous permettre d’avoir de l’argent pour continuer nos différentes actions. En effet, nous vivons grâce à des subventions et à des dons, mais nous ne pouvons pas toujours attendre sur ceux-ci. Nous vivons également grâce à des actions menées par des entreprises (dîners caritatifs, ventes de produits dont les bénéfices sont reversés à notre association…).Nous avons sorti ce journal car il était important pour nous de parler, de lever le tabou du cancer, de donner la parole aux aidants, aux soignants, aux femmes que l’on accompagne et à tous ceux qui souhaitaient s’exprimer au sujet de cette maladie.  Il fallait permettre à tous ceux qui n’avaient pas l’occasion de parler de faire cela ! De manière générale, on aborde des sujets non évoqués spontanément et on parle de toutes nos actions. On y retrouve toutes sortes de témoignages. Il y a ceux de celles qui sont passées par la maladie, celles qui s’en sont sorties. Des messages d’espoir y figurent, pour les femmes qui traversent cette mauvaise période. Nous voulons leur dire qu’il y a une vie pendant mais aussi après ! En 2020, nous en sommes à notre troisième édition. Dans ce dernier numéro, nous avons tenu à remercier tous ces kolibri lanmou qui nous aident (bénévoles, Amazones etc…).

3. Grâce à la générosité d’un donateur, on a offert à l’association un local situé à Fort-de-France. Que propose ce chaleureux « nid » ? Pourquoi était-il important d’accueillir toutes ces femmes atteintes par la maladie ?

On a choisi cette image du « nid » parce que cela rappelle des petits oisillons qui sont blessés, qui viennent chercher de la chaleur, du réconfort, qui viennent se reconstruire. Ainsi, ils repartent guéris, ils volent à nouveau de leurs propres ailes. C’est important pour nous de leur proposer ce lieu pour que toutes ces femmes se refassent une santé, aussi bien physique que mentale ! Nous proposons des soins oncologiques de support. C’est tout ce qui permet à ces femmes de passer ce cap des lourds traitements qu’elles connaissent, le mieux possible. Elles peuvent ainsi prendre soin d’elles, retrouver une meilleure image d’elles -même. Nous les aidons à faire face à leur image qui s’est transformée. Par exemple, nous leur apprenons à attacher leur tête quand elles n’ont plus de cheveux, à se maquiller avec des produits adaptés, à ne pas laisser de traces de la maladie. En fait, nous leur montrons comment reprendre confiance en elles. Elles ont aussi l’occasion de parler avec d’autres femmes qui, comme elles, ont vécu le cancer et qui savent de quoi elles parlent. Elles rencontrent les professionnels de santé, des psychologues spécialisés en oncologie. Elles expriment ce qu’elles ressentent, elles font de l’art-thérapie, du yoga, elles pratiquent des activités physiques adaptées à leur pathologie. Ces femmes se retrouvent dans un petit cocon, entre elles, pour s’exprimer, pleurer, rire, juste prendre un thé, lire un livre. Peu importe mais cet espace leur est dédié et cela leur fait du bien !

4. Octobre rose est consacré aux différentes actions pour aider les malades du cancer du sein. Quelles sont celles de l’Association Amazones, en 2020 ?

J’insiste bien sur le fait que Amazones est l’association du cancer au féminin : ce sont les cancers gynécologiques, celui de l’utérus, des ovaires, de l’endomètre. Nos actions pour cette année ? C’est d’abord le passage d’une KaravanLanmou emmenée par des Amazones, des bénévoles qui vont sur la route et traversent chacune des communes de l’île. Elles vont à la rencontre de ceux et de celles qui ne peuvent pas venir jusqu’à nous, puisque notre « nid » est à Fort-de-France, donc au centre. Cela arrange celles qui sont à proximité mais celles qui sont à Sainte-Anne, à Ajoupa-Bouillon, au Lorrain etc…ne peuvent pas nécessairement venir à nous. Nous allons leur parler de prévention, de sensibilisation. Nous avons passé un partenariat avec toutes les mairies de la Martinique, qui nous accueillent, nous prêtent un espace, nous permettent de rencontrer les administrés, d’aller au- devant de la population. Cette Karavan Lanmou est importante pour nous ; nous l’avions initiée l’an dernier à moins grande échelle. Tous les samedis du mois, à partir du 10 octobre, nous commençons avec le centre commercial du Rond-Point, à Bellevue, Fort-de-France puisque nous avons passé un partenariat avec les Groupements d’Intérêts Economiques qui nous accueillent gracieusement, dans des pop up stores, espaces de vente éphémères. Nous vendrons nos magazines, nos goodies qui nous permettront de mener nos actions jusqu’au bout. Ce sont là nos deux grosses missions-phare ! Nous en avons encore d’autres mais celles-ci nous prennent pas mal de temps. Elles nous font du bien et j’espère que ce sera également le cas pour toutes celles et ceux que l’on rencontrera.

5. Certaines femmes disent que « c’est bien de faire cette action en octobre, mais le cancer est là toute l’année ! » Qu’en pensez-vous ?

Je suis d’accord avec cela car hélas, on n’est pas malade qu’en octobre : nous sommes malades toute l’année ! Octobre c’est le mois de la sensibilisation du cancer du sein par excellence mais notre association ne concerne pas seulement le cancer du sein. Amazones est active toute l’année. Même à l’arrivée de la Covid-19, nous n’avons jamais arrêté nos actions, nous avons continué, nous nous sommes adaptées. Nous avons mené des ateliers, des réunions par zoom, animé des visio-conférences. Nous avons découvert une nouvelle manière de fonctionner qui a plutôt bien marché. Nous sommes contentes de ce que nous avons réalisé. Nous sommes vraiment très proches de toutes les femmes qui viennent à nous.

6. Le 18 juin, vous avez été choisie comme la Marraine d’une émouvante manifestation au cours de laquelle le jeune nageur Christophe Maleau a reçu sa biographie intitulée JE SERAI CHAMPION OLYMPIQUE ! Comment avez-vous vécu cette soirée ?

Déjà, j’ai été agréablement surprise d’avoir été choisie comme marraine, mais j’ai volontiers répondu oui, parce que j’avais déjà été sensibilisée par les exploits de Christophe. J’ai suivi le nageur dès son premier défi et cela m’a d’autant plus touchée que j’étais moi-même en plein traitement, en pleine traversée de cette période difficile de la maladie. Vraiment, c’est avec beaucoup d’émotion que j’étais à l’arrivée sur la plage de la Française, pour voir Christophe, ce petit bout de chou, après des heures et des heures de nage, en hommage à sa maman qu’il encourageait et à qui il montrait que lui aussi pouvait dépasser ses limites. Il s’est montré fort dans l’épreuve. Franchement, cela m’avait émue aux larmes comme beaucoup de Martiniquais j’imagine. En tout cas, quand on est soi-même confronté à l’épreuve de cette maladie et que l’on voit tout ce qu’un petit garçon peut faire en soutien à sa maman, je crois que mon cœur s’est arraché. Cela m’a valu des larmes d’émotion, de joie, de fierté, même si je ne connaissais pas encore Christophe et sa famille, à l’époque. J’étais vraiment admirative et je suis restée sans voix car cela m’avait marquée. Quand quelques années après, je me suis donc retrouvée Marraine de la manifestation de la remise de la biographie, j’étais vraiment honorée et très fière. Christophe est un enfant que je trouve formidable, extraordinaire pour son jeune âge et je salue bien bas ses exploits.

6. Le 10 octobre, Christophe a réalisé son 3 ème défi : rallier l’île de Sainte-Lucie à la Martinique, soit plus de 40 kilomètres à la nage. Cela peut paraître un peu fou, pour un adolescent aussi jeune. Que voyez-vous derrière son action ?

Oui, cela paraît un peu fou pour un adolescent aussi jeune ! On se rend compte que cela va crescendo, si on se réfère au premier défi, puisque chaque année, l’exploit est de plus en plus haut, plus fort, de plus en plus loin. Derrière l’action de Christophe, je vois beaucoup d’amour. Devant celui qu’il a préparé là, relier Sainte-Lucie à la Martinique, je suis époustouflée par autant de courage, de détermination. Je dis que l’amour n’a pas de limite parce qu’au nom de ce sentiment, il est capable de soulever des montagnes et de traverser des océans. Christophe nous le prouve aujourd’hui. Quand on lit sa biographie, on ressent tout l’amour qui porte cet enfant, cette famille, cet amour que porte Christophe à sa maman et inversement. Je salue cette force que l’on ressent chez ce garçon qui semble si frêle. Il a un regard déterminé, il est tellement mature pour son âge qu’il est juste impressionnant. Quand je le regarde, je me sens toute petite et je me dis que ce n’est pas possible qu’à cet âge, aussi petit, on puisse décider de réaliser de tels exploits ! Pouvoir s’entrainer ainsi, nuit et jour, ce n’est pas donné à tout le monde !

7. Qui sont les différents soutiens de l’association Amazones ? Suffisent-ils pourmener vos actions et projets à bien ?

Notre association a la chance d’avoir différents soutiens, aussi bien des institutions que du personnel médical, de l’Agence Régionale de Santé, de la Collectivité Territoriale de la Martinique, des mairies, du GIP PROM (organisme public administratif d’expertise sanitaire ; sociale et médico-sociale en cancérologie) et aussi de tous les Martiniquais. C’est décuplé au mois d’octobre. En effet, on voit toute cette mobilisation qui se fait autour de la cause, on mesure la générosité de tous les Martiniquais qui veulent porter leur pierre à l’édifice. Cela fuse dans tous les sens et on a l’impression que tout le monde veut nous aider ! Tous les oisillons dont je parlais, les petits colibris viennent apporter leur goutte d’eau qui va demain faire un océan d’amour. C’est chacun, c’est vous, c’est moi, je parle des Amazones, des amis, de la famille, bref de tous ceux qui gravitent autour de nous et qui nous apportent leur soutien, d’une manière ou d’une autre à travers leurs actions. Ils nous permettent de continuer nos actions. Amazones est porté par tout cet amour et j’en profite pour remercier tout le monde. Sachez que nous sommes encore là et le moindre geste, tel que l’achat de notre magazine à sept euros, compte. Cela permet d’aider une femme en soins et de lui apporter le réconfort dont elle a besoin. Merci à tous les Martiniquais, à tous ceux qui se mobilisent auprès de nous.

8. En Martinique, estimez-vous que tout est fait pour les malades du cancer du sein ? Si non, selon vous, que pourraient faire les instances compétentes pour améliorer le sort des malades ?

Non, je n’estime pas que tout est fait pour les malades du cancer du sein ou autre. Beaucoup de choses sont faites, certaines s’améliorent. Dieu merci, des associations comme Amazones, Ma tété, permettent de faire le lien entre le corps médical et les patientes, de faire bouger les choses. Cependant, même si la situation a évolué, il reste encore à faire. Il faut que les malades soient écoutés, que les associations comme nous, portent les messages, et nous devons travailler main dans la main. Avant, nous n’avions pas la parole ; aujourd’hui nous l’avons prise donc c’est important de dire ce qui va et ce qui ne va pas, ce dont on a besoin ou pas. Les femmes malades, ce sont elles qui sont passées par là, et cela continue, donc il faut que tous entendent nos réclamations pour répondre de manière plus efficiente, de façon optimale. Notre souhait, c’est que les femmes soient guéries de mieux en mieux. Les choses bougent, elles changent, elles se développent et nous gardons espoir que demain, nous pourrons réaliser de grandes choses ensemble, pour éradiquer le cancer de manière générale.

Pour tout renseignement :

Présidente : Isabelle BARON

Adresse de l’Association : 46 Rue Léona Gabriel. Cité Dillon. 97200

Tél: 0696 .86.11.23

Email : isabelle@projetamazones.com

       

Sonia JEAN -BAPTISTE-EDOUARD

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