Les dirigeants du Centre Hospitalier Universitaire de Martinique (CHUM), de l’Agence Régionale de Santé (ARS) et de la CTM, ont récemment présenté un point d’avancement dans le dossier de cet accélérateur circulaire de particules, plus connu sous le nom de cyclotron. Des éléments d’informations à la fois précis et prometteurs.

Dans son intervention, le président du Conseil exécutif de la CTM, Alfred Marie-Jeanne, n’oublia pas de souligner que l’une de ses « premières décisions », dans ses actuelles fonctions, avait été de « financer entièrement le projet cyclotron, pour un montant total de 11 millions d’euros (plus précisément 11.602.080 millions) ». Un financement destiné, poursuivit AMJ, à l’achat de ce cyclotron et des « enceintes blindées », ainsi qu’à la construction du bâtiment qui abritera cet équipement de haute technologie. Et le président du Conseil exécutif d’indiquer d’une part l’« engagement » du ministère de la Santé de « financer l’équipement médical de fin de chaîne », à savoir le Tep-scan (ou Tep-scanner) et d’autre part que ces enceintes blindées et ce cyclotron étaient désormais « acquis ». Enfin, évoquant les « trois principes qui nous guident dans la conduite de ce projet », l’intervenant de mettre en relief « la confirmation de notre engagement et détermination » (« bien que la santé ne soit pas une compétence directe de la Collectivité », souligna AMJ dans le même souffle) et de rappeler « la forte prévalence des cancers dans notre pays, et l’amélioration obligatoire de leur prise en charge, autant en matière de prévention, de détection précoce, que de soins ». Le cadre des autres interventions était ainsi posé.

« Pour septembre 2021 tout sera en état de fonctionnement »

Benjamin Garel, directeur général du CHUM, et Alfred Marie-Jeanne (MI)

« Ce sont des machines tellement techniques qu’on a besoin de leurs spécifications pour pouvoir construire le bâtiment », expliqua alors le directeur général du CHUM, Benjamin Garel, quant à ce possible paradoxe d’acheter des équipements avant de bâtir un édifice où les y abriter. Le futur bâtiment en question, poursuivit le dirigeant, sera situé derrière le « nouveau plateau technique » du CHU Pierre Zobda-Quitman, à Fort-de-France. « En principe les grosses opérations (de construction) seront finies pour fin 2020 début 2021 », précisa Benjamin Garel, « et pour septembre 2021 tout sera en état de fonctionnement. » Et de poursuivre : « Au sein de ce futur bâtiment le cyclotron sera en bas, et au-dessus il y aura la médecine nucléaire, c’est-à-dire toutes les activités médicales qui utiliseront les isotopes* produits par le cyclotron, et d’autres services-clés dans toutes nos activités de cancérologie. » Un cyclotron qui en « machine nue », ajouta le directeur du CHUM, coûtera « 2,6 millions d’euros ». Et d’évoquer alors d’importantes spécificités. « Ce cyclotron est plus puissant que celui de la Guadeloupe, et nous permettra de produire quasiment tous les isotopes », annonça Benjamin Garel, « isotopes c’est-à-dire les éléments utilisés en médecine nucléaire. Et si d’autres îles (de la Caraïbe) souhaitent se lancer dans la médecine nucléaire, nous pourrons leur fournir ces isotopes. Il faut d’un cyclotron puissant car ces isotopes se dégradent très vite, donc il faut pouvoir les livrer très rapidement. Pour que ces isotopes durent un peu plus longtemps, il faut un cyclotron un peu plus puissant. » Et le directeur du CHUM de ne pas cacher son enthousiasme.

« Des diagnostics plus précis, des interventions plus ciblées… »

« On aura un dispositif fabuleux », assura-t-il en effet, « qui nous permettra de grandement améliorer la prise en charge des patients dans le domaine de la cancérologie. » Et d’ajouter : « Comme toutes les activités de médecine nucléaire seront situées juste au-dessus du cyclotron, on pourra faire beaucoup d’études sur les maladies neurologiques. Et en investissant dans un Tep-scan, et dans un Tep-IRM (technologie d’imagerie médicale, ndr) on va recueillir des données de très grande qualité sur l’épidémiologie et la forme du cancer, ainsi que sur certaines pathologies neuro-dégénératives. On utilisera des isotopes très spécifiques, qui nous permettront d’avoir des images de telle qualité qu’on pourra voir des choses que les autres ne voient pas. » Des annonces en effet riches d’espoirs. Actuel directeur général de l’ARS-Martinique, le Dr Jérôme Viguier rappela dans un premier temps que l’Etat financerait l’achat du Tep-scan « à hauteur de 3,7 millions d’euros », et qu’il (l’Etat) contribuerait au site d’implantation du futur bâtiment « à hauteur de 4 à 5 millions ». Par ailleurs cancérologue (il a exercé de hautes responsabilités à l’Institut National du Cancer) Jérôme Viguier de tenir alors les propos suivants. « Ce cyclotron est extrêmement important pour le suivi des cancers et la détection des métastases précoces », souligna-t-il ainsi, « des traitements sont parfois faits dans des situations difficiles, parce que cet équipement n’est pas disponible en Martinique. L’idée est de changer le pronostic du cancer grâce à cet équipement, avec des diagnostics plus précis, des interventions plus ciblées, etc. C’est un équipement dont avait besoin la Martinique, et oui, l’idée est aussi de rayonner sur la Caraïbe et de fournir aux états voisins des isotopes qu’ils ne sont pas en situation de produire, mais pourront utiliser pour leurs patients atteints de cancers. »

« Nous sommes très encadrés par l’Autorité de Sureté Nucléaire »

Radio-pharmacien au CHUM, le Dr Laurent Moret, apporta son éclairage sur ce dernier point. « Avec notre cyclotron nous ‘partirons’ d’une plus grande activité », indiqua-t-il, « donc nous pourrons livrer beaucoup plus loin. Les premières études ont établi une distance (pour ces ‘’livraisons’’ dans la Caraïbe, ndr) de 3 à 4 heures de la Martinique. » Et de se faire encore plus précis. « En fonction de l’énergie du cyclotron, on pourra obtenir tel ou tel médicament », poursuivit le Dr Moret, « et certains médicaments nécessitent d’avoir une forte énergie. En ce moment beaucoup de ces médicaments sont à l’état de recherche, mais la médecine nucléaire évolue tellement vite que dans 2 à 4 ans ils seront peut-être utilisés couramment. Ce serait donc dommage de se dire, dans 3-4 ans, qu’on aurait dû avoir un cyclotron capable de produire ces radionucléides*. » Précédents internationaux oblige, le mot « nucléaire » entraînera forcement, et a minima, quelques craintes. Le Dr Moret se fit alors rassurant. « Nous sommes très encadrés et contrôlés par l’ASN, l’‘Autorité de Sureté Nucléaire’ », assura-t-il en effet, « et les radionucléides que nous produisons décroissent très vite et ne sont pas volatiles. » Benjamin Garel de préciser : « Il n’y a pas d’éléments radioactifs au départ. On produit la radioactivité en accélérant très fortement des particules, non-radioactives, et en les freinant brutalement. C’est ça qui produit la radioactivité. »

Enfin Jérôme Viguier ne fit pas mystère, lui non plus, de ses attentes. « C’est un outil formidable pour faire de la recherche », ajouta le dirigeant de l’ARS, « c’est-à-dire pour essayer de repousser les frontières de ce qui est actuellement possible dans les soins, et de pouvoir tester de nouvelles approches, de nouvelles molécules, qui actuellement sont indisponibles. Donc c’est aussi un investissement d’avenir. » Il semble que les espoirs entourant ce projet ne cessent de croître.

Mike Irasque

*Un Tep-scan est un appareil et un examen d’imagerie médicale, pratiqué par des spécialistes en médecine nucléaire.

*radionucléide : nucléide radioactif (un nucléide étant un atome caractérisé par son nombre de neutrons et protons, ainsi que par son état d’énergie nucléaire).

*Les isotopes (d’un élément chimique) sont les nucléides partageant le même nombre de protons, mais dont le nombre de neutrons est différent.

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