“…les solutions innovantes et l’engagement collectif permettront de concrétiser la transition.”

Après avoir participé à une table ronde sur les transitions énergétiques en Outre-Mer, au CESE, à Paris, David Zobda, maire de la commune du Lamentin et conseiller exécutif de la collectivité de Martinique, chargé de la stratégie énergétique, livre un état des lieux sur les défis et les opportunités qui se présentent aux territoires ultramarins. Bien que l’objectif de rendre autonome énergétiquement nos départements semble difficile à atteindre, le maire du Lamentin reste sûr d’une chose :  les solutions innovantes et l’engagement collectif permettront de concrétiser la transition.

Monsieur Zobda, que représente la transition énergétique pour vous ?

Pour nous, le secteur de l’énergie est d’une importance capitale. La transition énergétique représente un enjeu majeur, mais nous ne devons pas la considérer comme un obstacle. C’est avant tout une opportunité exceptionnelle, notamment en termes d’économie, de préservation de l’environnement, et de développement des métiers et de l’économie locale.

Pourquoi est-ce si important de vouloir qu’un département d’Outre-Mer change ses méthodes énergétiques ?

Simplement parce que nous dépendons largement des énergies fossiles extérieures, sans aucune réserve locale, ce qui entraîne une importation massive de fioul et de gaz. Pour atteindre l’autosuffisance énergétique et réduire notre dépendance, il est impératif de s’engager dans la transition énergétique et d’explorer de nouvelles solutions de production énergétique. Actuellement, la Martinique est principalement une consommatrice d’énergie, mais nous avons le potentiel pour devenir demain des producteurs d’énergie, ce qui est essentiel pour notre avenir énergétique.

Comparé aux autres départements, comment pourrions-nous définir l’empreinte carbone de la Martinique ?

Nous sommes actuellement en train d’analyser notre empreinte carbone à travers une étude sur le bilan des gaz à effet de serre en Martinique, dont nous attendons les résultats prochainement. Il est clair que l’importation de fioul et de gazole contribue significativement à cette empreinte carbone. Ainsi, notre objectif est de réduire cette empreinte en travaillant simultanément sur la sobriété énergétique, la rénovation des bâtiments et la promotion des énergies renouvelables. Notre approche repose sur un mix énergétique diversifié, allant de la géothermie au photovoltaïque, en passant par la biomasse et l’éolien offshore. Cette diversification garantit la disponibilité d’un large éventail d’énergies renouvelables pour notre pays.

Pendant la table ronde à laquelle vous avez participé, vous avez indiqué que la Martinique était en retard au niveau de la transition énergétique. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Comme je l’ai déjà mentionné, notre précédente programmation pluriannuelle de l’énergie visait à atteindre une part de 50% d’énergies renouvelables dans notre réseau cette année. Cependant, nous n’avons atteint que vingt-sept pour cent, ce qui indique un retard considérable par rapport à nos propres objectifs. Ce retard s’explique en grande partie par la durée de mise en œuvre de chaque projet, qui nécessite environ 10 ans en raison des contraintes administratives, des démarches financières et des capacités opérationnelles limitées de nos entreprises.

Notre défi actuel est de rattraper ce retard et d’atteindre nos objectifs. Le gouvernement a fixé pour horizon 2030 une transition vers cent pour cent d’énergie renouvelable dans notre réseau, mais cela semble difficile à atteindre pour deux raisons principales. D’une part, il y a la question de la consommation énergétique dans les secteurs de la production d’électricité et des transports, représentant 25% de notre consommation. Nous prévoyons d’atteindre l’autonomie énergétique à 100% d’ici 2032-2033 dans la production électrique, mais il reste beaucoup à faire dans le domaine des transports, notamment en augmentant la part des véhicules hybrides ou électriques. D’autre part, nous explorons également des solutions innovantes comme l’hydrogène pour le transport public, avec des essais déjà en cours sur trois bus, en vue de progressivement transformer notre flotte en fonction des avancées technologiques.

On parle souvent de permettre la création d’emploi à partir de la transition énergétique. En tant que maire d’une commune en Martinique, pourriez-vous faire partie de ceux qui pourraient favoriser ce type d’emploi ?

Il est impératif de prévoir les besoins techniques pour chaque technologie que nous déploierons, impliquant une coordination entre ouvriers, ingénieurs, techniciens, etc. Nous avons déjà identifié ces besoins et anticipons la création de 5000 à 6000 nouveaux emplois liés à la transition énergétique. Il est crucial de commencer dès maintenant à former les jeunes Martiniquais pour qu’ils puissent occuper ces postes et assurer la mise en œuvre, la maintenance et le développement des projets locaux. Cette transition offre ainsi une opportunité majeure de lutte contre le chômage en Martinique en offrant des perspectives d’emploi considérables.

Il est très difficile de pouvoir imaginer 100% de véhicules électriques en Martinique, faute de matériaux renouvelables. Comment y remédier ?

En ce qui concerne les véhicules électriques, plusieurs aspects doivent être pris en compte. D’une part, le marché montre des signes de croissance encourageants, mais des mesures incitatives sont nécessaires pour stimuler davantage l’adoption de ces véhicules. De plus, il est crucial de mettre en place des stratégies de recyclage des batteries pour répondre aux défis environnementaux liés à cette technologie. Il est essentiel de ne pas se limiter à la production de véhicules électriques, mais aussi de développer des filières de recyclage pour assurer la durabilité de cette transition énergétique.

Propos recueillis par Thibaut Charles 

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