Pierre Monteux, directeur général de l’UGPBAN, l’Union des producteurs de banane de Guadeloupe et de Martinique dresse ici une situation exhaustive et concise de la filière banane et de son impact carbone pour la planète.


L’UGPBAN traverse une situation compliquée actuellement. Après deux ans de crise sanitaire liée à la pandémie qui a perturbé grandement notre mode de fonctionnement, on pensait avoir un peu d’accalmie en fin d’année 2021 mais elle fut de très courte durée puisque la réalité est revenue très vite avec le conflit russo-ukrainien qui laisse planer de gros nuages sur le marché européen.

Il y a deux éléments importants à prendre en compte :

  • Un élément qui va se faire sentir de l’amont à l’aval : c’est la crise énergétique et l’augmentation considérable des coûts de production, que ce soit à l’amont où une grosse partie des matières premières viennent de l’est de l’Europe et le cours de ces dernières avait déjà flambé à partir de la rentrée 2021 dans des proportions importantes : le papier, le bois, le plastique … tous connaissant une montée de température importante. Tout cela impacte nos producteurs et nos coûts de production.
  • Le marché russe, et les pays voisins, représente 000.000 tonnes par an, c’est-à-dire 2 millions de colis par semaine ; la Martinique et la Guadeloupe c’est 200.000 par semaine, donc c’est dix fois notre production nationale.

Compte tenu des conséquences liées au conflit russo-ukrainien (fermeture des ports russes et ukrainiens, sanctions économique et financières prises contre la Russie …), le risque de voir ces productions de bananes destinées sur ces marchés de la Russie venir sur le marché de l’Union européenne, est grand par un effet de domino puisque cette production existe. Elle provient principalement de l’Equateur qui doit vendre ces volumes sur le marché international et le marché de l’Union européenne est une destination toute trouvée grâce à sa stabilité et à sa solvabilité. Ainsi, cet afflux de bananes pourrait générer une déstabilisation du marché communautaire. Pour l’instant ce n’est pas le cas, nous sommes toujours protégés en raison des tensions qui existent sur le fret maritime et ses disponibilités. Cependant, si ces tensions devaient se relâcher, on pourrait voir venir des volumes importants et voir cette déstabilisation du marché européen se faire. Quand on dit déstabilisation, ça veut dire baisse des prix.

  • Un début d’année difficile qui fait suite à deux années compliquées. Ce n’est pas toujours facile de gérer des entreprises dans ce contexte de crise sanitaire très pesant. Nous sommes toujours là, le ressort de la production française fonctionne toujours, et avons quand même des éléments positifs. Le concept de La Banane Française que nous avons lancé en 2016 représente aujourd’hui 000 tonnes, soit 50.000 colis par semaine ; c’est un segment qui se développe. Nous faisons plus 10% par rapport à l’année dernière avec de nouveaux segments qui se font jour par rapport aux nouveaux modes de consommation qui apparaissent. Par exemple, avant le Covid, nous étions à zéro sur le drive, aujourd’hui ce sont 3500 colis par semaine qui sortent de notre atelier de Dunkerque ; c’est l’explosion de l’achat internet qui en est la raison.

Le concept de la Banane Française est parfaitement adapté à ce mode de consommation : c’est un bouquet de cinq doigts avec un prix fixe, il y a une seule référence. Dans la préparation de la commande, ça va vite parce qu’il n’y a que la main à prendre, le consommateur connait le prix qu’il aura à payer ; pour le distributeur, pour le consommateur et pour nous c’est aussi un élément extrêmement important. Je me répète, mais avant le Covid on faisait zéro, aujourd’hui on fait 3.500 colis et, à la fin de l’année, nous espérons avoisiner les 5.000 colis par semaine sur ce segment du drive pour la grande distribution ; ça fonctionne bien, car nous sommes quand même une banane différente par rapport à toutes les autres qui viennent d’origines diverses.

  • Nous avons eu des conditions de production qui nous ont aussi été favorables sur la partie qualitative et ça joue beaucoup. La fin d’année a été un peu moins pluvieuse que ce qu’on a pu connaître en 2019 et 2020 de telle sorte que nous avons eu un bon niveau qualitatif qui nous a permis de conforter notre fonds de commerce notamment avec nos mûrisseurs indépendants.

UN BILAN CARBONE SATISFAISANT

Récemment, nous avons réactualisé notre bilan carbone qui démontre effectivement qu’on a fait des progrès sur l’ensemble de la chaîne, battant en brèche l’image d’Epinal qu’on peut avoir d’une banane qui vient de loin, qui prend le bateau, qui traverse un océan, donc qui aurait un bilan carbone défavorable. La réalité est toute autre avec moins de 800 grammes d’émission par kilogramme, ce qui nous place bien en-deçà de très nombreux produits dont certains fabriqués localement (en France). A titre d’exemple, un litre de lait ou un kilogramme de farine de blé : c’est 1,2 kg d’émission. Globalement nous n’avons pas à rougir de notre bilan carbone même s’il faut encore aller au-delà. Nous avons fait des progrès notamment sur la partie maritime avec le concours de CMA-CGM ; des avancées importantes ont été faites sur la consommation des navires, sur de nouveaux containers qui ont été mis en place et qui permettent des descentes en froid plus rapides et moins consommatrices en énergie. Ainsi, il y a eu un grand nombre d’éléments qui font que le fret maritime qui peut avoir une image négative a finalement été un des éléments qui a le plus baissé sur ce bilan carbone global et on peut en être fiers.

Je pense qu’il y a encore des progrès à faire. Ce bilan carbone est calculé de la production jusqu’à la distribution. Ainsi, au niveau de nos installations industrielles, c’est-à-dire nos unités mûrissage que nous possédons en France hexagonale, nous devons introduire plus d’énergie verte. C’est ce que nous faisons lorsque nous rénovons ou construisons de nouvelles unités. Par exemple, la nouvelle mûrisserie que nous construisons dans la région bordelaise sera dotée de panneaux solaires. Ils sont d’ailleurs en cours d’installation. Ce sont des éléments d’amélioration qui sont importants. Cependant, l’objectif d’un bilan carbone nul n’est pas tenable, il faut être réaliste, personne ne peut le faire.

Notre banane n’en demeure pas moins durable et verte.

 

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