Notre reporter sur place Nadia Celcal y était. Elle en fait le bilan…

Et c’est fini ! Le 75ème Festival international du Film de Cannes s’est tenu en ce mois de mai. Et le jury, présidé par l’acteur français Vincent Lindon a délivré son palmarès. Et c’est fini, finie cette excitation de découvrir les films et de les décortiquer avec plus ou moins de passion et d’alacrité, fini de courir de projection en projection, fini de prédire et distribuer ses propres palmes, fini de supputer sur les gouts et choix du jury. Celui-ci a rendu son verdict, la Messe est ainsi dite.

Un Festival de renouveau, celui du monde d’avant, avant crise sanitaire, avant guéguerre avec les plateformes, un festival de retour dans ses bases, au beau mois de mai. Et les stars ne sont se sont trompées : elles ont répondu présent, et largement. Chaque jour a ainsi déversé sa quantité de célébrités, renouant ainsi avec le glamour inscrit dans l’ADN du Festival. Pour le reste, le 75ème Festival de Cannes s’est révélé une édition sérieuse, à l’image de son jury, dévoilé tardivement, peu avant le démarrage, avec toujours ce juste dosage de cinéma engagé et de divertissement grand public. Et ce jury fut bien à la peine, on l’imagine, avec une programmation riche et sérieuse, composée de grands noms – plusieurs récipiendaires – ouverte sur le monde, avec des accents indéniablement politiques.

Nul doute qu’il fut à la peine ce jury : vingt-et-un films en compétition et dix au palmarès. Parce qu’il en a été ainsi, un Festival composé de beaux films, bien construits, forts d’histoires qui interrogent, mettent en perspective aussi bien notre société que le devenir de l’homme lui-même. Mais pas de surprises cinématographiques bouleversantes, pas de chavirage émotionnel, pas de souffle coupé et de vainqueur sans équivoque. Il en ressort une certaine unité, lisible à la lecture de ce palmarès, qui voit pas moins de deux ex-aequo dans des catégories reines – elles le sont toutes. Mais quand même ! Ainsi, Prix du jury et Grand prix sont attribués à quatre films.

Tendresse, amour et amitié sont au cœur du palmarès de cette édition historique. Une édition qui crée l’événement avec la production d’un Prix spécial pour marquer ce 75ème anniversaire, sobrement nommé « Prix du 75ème ». Il est attribué tout aussi sagement à « Tori et Lokita » des Frères Dardenne, Jean-Pierre et Luc – déjà doublement palmés – qui deviennent par la même les plus récompensés du Festival, et entrent un peu plus encore dans la légende comme références du cinéma mondial. Leur film reste fidèle à leur engagement social et sociétal : ils dénoncent cette fois les migrants, notamment mineurs et les aberrations de leur intégration.

Le Suédois Ruben Östlund intègre le cercle très fermé des doubles palmés de Cannes avec cette seconde Palme d’or obtenue pour son décapant « Triangle of sadness », traduit « Sans filtre », lecture froide et sans filtre, très premier degré de la société moderne, ses rapports entre les classes sociales, l’argent et le pouvoir. Pas de révolution ni de leçon de morale, pas de caricature non plus, il n’est pas nécessaire de forcer le trait. Pour autant, le film est insupportablement criant de vérité et oblige sans concession à l’autocritique. Une Palme d’or méritée tant on rit jaune et grince des dents en le regardant.

La beauté de l’amitié et les conséquences, terribles, de sa rupture sont au cœur de « Close » seulement deuxième réalisation du tout jeune réalisateur Belge Lukas Dhont. Son premier film « Girl », présenté en sélection officielle dans « Un certain regard » avait bouleversé la croisette et obtenu la Caméra d’Or. Dans la sélection reine, il repart avec le « Grand Prix ».

Son film n’est que sensibilité, sans jamais verser dans la sensiblerie. Filmé à hauteur d’enfant, il explore les déchirements d’une amitié rompue entre deux jeunes garçons adolescents, avec une rare justesse et une vive sincérité.

Si l’alchimie du couple mis en scène dans « Stars at noon » est indéniable et joliment filmée, on reste quand même dubitatifs quant à ce « Grand prix » attribué à Claire Denis. Une chose est en revanche certaine : une étoile est née et brillamment révélée avec son interprète principale Margaret Qualley.

« Eo » du Polonais Jerry Skolimowski propose une jolie balade réflexive, à hauteur d’âne, sur l’étrangeté et la brutalité de notre société moderne. Il a marqué le jury qui lui attribue son Prix, bien que ex-aequo avec « Le otto montagne » du couple Belge Félix Van Groeningen et Charlotte Vandermeersch qui narre les vicissitudes  d’une amitié, éternelle.

Le palmarès du 75ème Festival de Cannes ne crée pas la polémique. Il est mesuré et juste.

Certes, notre cœur a balancé entre la prestation de Taraneh Alidoosti dans « Leila et ses frères » et de Nadia Tereszkiewicz dans « Les amandiers », mais l’on sort satisfait du sacre de l’Iranienne Zar Amir Ebrahimi dans « Holy spider » qui rappelle la condition des femmes ainsi que l’emprise de la religion en Iran.

De même, la prestation hypnotique de Tawfeek Barhom dans « Boy from heaven » nous a marqués, nous nous satisfaisons du Prix du scénario décerné à Tarik Saleh son réalisateur, lorsque Kang-ho Song – le papa dans « Parasites » obtient le Prix d’interprétation masculine pour sa prestation sensible et d’une grande humanité dans le bouleversant « Broker » de Kore-Eda Hirokasu.

Et finalement, elle semble bien longue la liste de tous les autres films oubliés du palmarès et bien dure voire ingrate la tâche du jury.

Car, après tout ce sont eux qui font l’histoire, et celle-ci se trouve désormais écrite. La suite appartient à la prochaine édition.

Disons-nous alors :

à l’année prochaine !

Nadia Celcal

 

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