Refroidir les sols que son activité réchauffe: ConocoPhillips n’a pas peur du paradoxe. | USGS via Unsplash

On peut appeler cela une fuite en avant. La compagnie pétrolière ConocoPhillips se retrouve confrontée au dégel du permafrost en Arctique, qui menace les infrastructures destinées à exploiter le pétrole, qui lui-même contribue au changement climatique. Et pour parer à cette fâcheuse contrariété, l’entreprise envisage tout simplement de refroidir le sol qui se réchauffe. Oui, vous avez bien lu.

La région de North Slope, au nord de l’Alaska, recèlerait entre 400 et 750 millions de barils, selon les estimations de ConocoPhillips. La compagnie compte y investir 2 à 3 milliards de dollars [1,7 à 2,5 milliards d’euros] d’ici à 2050, dans un gigantesque projet de forage baptisé Willow.

Il est notamment prévu de construire 800 kilomètres de routes, un pont de glace sur la rivière Colville, une piste d’atterrissage et, bien sûr, de multiples plateformes pétrolières.

Les opérations d’extraction et de transport ne sont toutefois possibles qu’à des températures inférieures à -5°C et à condition que le sol soit gelé sur au moins 30 centimètres de profondeur, sans quoi les infrastructures risqueraient d’être déstabilisées et de s’affaisser sous le poids des engins.

Seulement, l’Arctique canadien se réchauffe à grande vitesse. D’après un document dévoilé par ConocoPhillips, les températures en Alaska pourraient augmenter de 2°C à 4°C d’ici trente ans. Une autre étude publiée dans Nature Climate Change conclut quant à elle que 40% du permafrost pourrait fondre avant la fin du siècle.

Cercle (arctique) vicieux

Le projet Willow pourrait en être lourdement affecté, le sol instable pouvant endommager les puits et empêcher le passage des machines à certains endroits.

Mais quand on a de l’argent, rien n’est impossible. ConocoPhillips a trouvé une idée pour protéger ses équipements: des thermosiphons destinés à garder le permafrost bien froid. Ces longs tubes à moitié enterrés font circuler un gaz caloporteur qui transfère la chaleur du sol vers la surface.

«Si nécessaire, nous utiliserons des thermosiphons afin de suffisamment refroidir le sol en hiver pour l’aider à rester gelé pendant l’été», indique Natalie Lowman, porte-parole de ConocoPhillips Alaska, à Bloomberg Law.

L’entreprise compte également creuser en profondeur pour installer ses plateformes de forage et construire des routes en gravier très épais pour prévenir l’enfoncement du sol.

En 2017, l’ONG Carbon Disclosure Project avait révélé que cent compagnies pétrolières étaient à elles seules responsables de 71% des gaz à effet de serre émis par l’industrie. ConocoPhillips figurait en bonne place dans le classement, avec 7,5 milliards de tonnes équivalent CO2rejetées dans l’atmosphère entre 1988 et 2015.

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