Selon une étude américaine, c’est le pays le plus exposé aux particules fines avec 480 millions d’hommes, de femmes et d’enfants concernés.

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Dans le centre de New Delhi, le 14 janvier 2021.

Dans le centre de New Delhi, le 14 janvier 2021.

Les habitants de New Delhi respirent encore un air acceptable. La mousson a lavé l’atmosphère et emporté les poussières qui envahissent tout, les routes, la végétation, les appartements et contribuent aux concentrations de particules fines (PM2,5) dans la mégapole de plus de vingt millions d’habitants. Mais les semaines de répit sont comptées car dès novembre, comme chaque année, lorsque les températures vont baisser et lorsque les paysans des régions voisines vont brûler leurs résidus de récolte, la capitale indienne et le nord de l’Inde seront plongés sous un épais brouillard toxique, jusqu’au début février. L’hiver 2020 n’a pas échappé à la règle.

L’ampleur et les conséquences sanitaires de cette pollution atmosphérique viennent d’être confirmées par une étude de l’université de Chicago qui publie un index de la qualité de l’air et ses conséquences en termes d’espérance de vie (air quality life index) : l’Inde est le pays le plus pollué de la planète aux particules fines. Les experts de l’Institut de politique énergétique de l’université de Chicago évaluent à 480 millions le nombre d’Indiens, 40 % de la population, exposés aux niveaux de pollution les plus extrêmes au monde.

Une étude du Lancet, parue en décembre 2020, avait montré que 1,6 million d’Indiens succombent prématurément chaque année à cause de la nocivité de l’air, dont 17 500 à New Delhi. Les particules fines qui pénètrent profondément dans les poumons provoquent maladies cardiovasculaires, respiratoires et cancers du poumon, mais également troubles neurologiques, altération de la reproduction ou du développement de l’enfant. En 2019, la concentration moyenne de particules en Inde était de 70,3 µg/m³, la plus élevée au monde, sept fois la recommandation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Au-delà de l’Inde, le Bangladesh, le Népal, le Pakistan sont également touchés par une pollution particulaire massive. L’Asie du Sud comprend désormais quatre des cinq pays les plus pollués, soit un quart de la population mondiale. Les habitants perdent cinq années d’espérance de vie.

Industrialisation, développement et démographie

Sous l’effet de l’industrialisation, du développement économique et la croissance démographique, toute l’Asie est dans le rouge. La pollution atmosphérique est également une menace majeure dans les métropoles d’Asie du Sud-Est : Bangkok, Ho Chi Minh-Ville et Djakarta. Les auteurs donnent quelques illustrations de cette industrialisation : en Inde et au Pakistan, le nombre de véhicules en circulation a été multiplié par quatre depuis le début des années 2000 ; au Bangladesh, il a triplé entre 2010 à 2020. Au Népal, au Bangladesh, en Inde et au Pakistan, la production d’électricité à partir de combustibles fossiles a triplé entre 1998 et 2017.

« Sans politiques fortes pour réduire les combustibles fossiles et abaisser les niveaux de pollution atmosphérique mondiale pour respecter les directives de l’OMS, des milliards d’années de vie seront perdues, préviennent les chercheurs (…) Agissant de manière invisible à l’intérieur du corps humain, la pollution particulaire a un impact plus dévastateur sur l’espérance de vie que les maladies transmissibles comme la tuberculose et le VIH/sida ». L’effet des particules fines sur l’espérance de vie est légèrement supérieur à celui du tabagisme, mais la pollution, contrairement au tabac, ne résulte pas d’un choix individuel. Elle piège l’atmosphère et contamine un nombre de personnes beaucoup plus massif.

Le constat est accablant car les politiques publiques pourraient inverser rapidement la situation. L’université de Chicago prend pour preuve la Chine qui, en 2013, a déclaré « la guerre à la pollution ». « La Chine a réduit, entre 2013 et 2019, sa pollution aux particules fines de 29 % − ce qui représente les trois quarts des réductions de la pollution atmosphérique dans le monde. En conséquence, les Chinois ont ajouté environ 1,5 an à leur vie, en supposant que ces réductions soient maintenues. Il a fallu plusieurs décennies et plusieurs récessions aux Etats-Unis et à l’Europe pour parvenir aux mêmes réductions de la pollution que celles obtenues par la Chine en six ans. »

Des efforts en deçà des enjeux

En Inde, quelques changements de politique ont été opérés mais les efforts du gouvernement central, comme des exécutifs régionaux sont bien en deçà des enjeux. La course à la croissance prime sur tout le reste. A New Delhi, classée capitale la plus polluée du monde, les autorités ont fermé des centrales à charbon mais sont impuissantes à faire stopper le brûlage des chaumes agricoles, les fumées des fours à briques environnantes, la combustion des déchets. Elles sont incapables de limiter le trafic automobile. Ce sont, au contraire, toujours plus de routes, d’échangeurs qui sont construits pour absorber le flux croissant de véhicules, toujours plus de chantiers de construction pour accompagner l’augmentation de la population.

Le gouvernement de Delhi s’est fixé comme objectif d’électrifier 25 % de l’ensemble des véhicules d’ici à 2024, contre 1,3 % actuellement : un objectif improbable. Les habitants de la capitale indienne pourraient voir leur espérance de vie augmenter de dix ans si la pollution de l’air était ramenée au niveau du seuil de 10 µg/m³ recommandé par l’OMS.

En attendant l’hiver tant redouté, le gouvernement de Delhi vient d’inaugurer sa première « tour à smog » près de Connaught place, au centre de la capitale. La structure de 25 mètres de haut, comporte 40 ventilateurs et 5 000 filtres. L’installation mise au point par l’université du Minnesota et l’Institut indien de technologie de Bombay est censée purifier 1 000 mètres cubes d’air par seconde dans un rayon d’un kilomètre carré. Elle a coûté 2 millions de dollars (1,7 million d’euros). Du pur gaspillage pour beaucoup d’experts qui n’y voient qu’un gadget supplémentaire quand il faudrait assécher les sources de la pollution. Une étude pilote sur deux ans déterminera si l’innovation mérite d’être répliquée. D’ici là, de nombreuses vies auront été perdues.

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