avec Don Diego De La Vega

Atlantico : Delphine Batho a déclaré lors du débat de la primaire des écologistes sur LCI qu’« il n’y a pas de politique écologique sérieuse sans décroissance ». Elle précise : « c’est ne plus baser les décisions sur l’obsession de l’augmentation du PIB, et de le remplacer par des indices de santé sociale, par le niveau d’éducation, par les réductions des émissions de gaz à effets de serre ». Que vous inspire ces propos ?

Don Diego de la Vega : Cette citation montre bien une certaine confusion dans le discours écologiste. On ne sait pas bien si Delphine Batho est anti-croissance ou si elle est contre l’idée de prendre le PIB comme outil de mesure de la croissance. Être anti-croissance, c’est expliquer aux gens que leurs revenus ne vont pas croître, aux agents de l’État que leurs moyens seront décroissants, et à tout le monde qu’il faut changer de vie. C’est un changement de civilisation. C’est toute autre chose que de dire que le PIB est un outil de mesure qui a ses défauts, ce que de nombreux économistes ont déjà dénoncé. Alfred Sauvy disait : “Epousez votre femme de ménage et vous ferez baisser le PIB.”  

Ensuite, il faut savoir si on parle de décroissance parce que de toute façon elle arrivera – c’est le message de Jean-Marc Jancovici, la disponibilité des ressources ferait qu’on y arrivera un jour de toute façon – ou si on en parle parce qu’on souhaite la mettre en place. Ce n’est pas la même chose si c’est une contrainte à laquelle on doit se préparer ou si c’est quelque chose que l’on souhaite pour des raisons politiques ou philosophiques. Or dans le discours écologiste, on passe très vite de l’un à l’autre. Ce n’est pas clair.

La décroissance peut-elle être un processus démocratique ?

Les décroissants risquent d’être déçus. La plupart des gens sont très matérialistes et ça n’est pas parti pour changer. Ils veulent vivre plus longtemps, partir en vacances, faire des enfants et de temps en temps manger un steak. Au-delà des discours, les gens n’ont pas la moindre intention de sacrifier une énorme partie de leur bien-être pour le respect d’objectifs environnementaux.

Je vois difficilement comment le décroissantisme peut se passer d’un gigantesque appareil de répression, de contrôle et de planification. Or ce sont les mêmes qui parlent de démocratie participative et en même d’une façon de vivre contrainte qu’il va falloir s’imposer à nous-mêmes, à la société et au passage aux 7 autres milliards d’humains sur la planète.

L’idée que la croissance économique nécessite une croissance de l’utilisation des ressources est-elle justifiée ?

D’un côté, Jean-Marc Jancovici fait un lien très fort entre croissance et énergie en expliquant qu’il est impossible d’être neutre sur le plan des émissions carbone à partir du moment où les gens sont actifs et se déplacent. De l’autre côté, des économistes comme Paul Romer considèrent le concept de ressource comme tout à fait extensible. Par exemple, l’insuline ou les fréquences hertziennes n’étaient pas considérées comme des ressources il y a deux siècles. On découvre régulièrement dans la nature ou par nos idées de nouvelles ressources utilisables. Selon Romer, la vraie limite n’est pas la nature mais les idées, la capacité d’innovation de l’être humain.

Une transition rapide vers une croissance verte et durable ne nécessitera-t-elle pas d’énormes nouveaux investissements, eux-mêmes générateurs de pollution ? 

La croissance verte nécessite des investissements qui doivent être rapides et massifs si on s’en tient aux théories des collapsologues. Le concept même de croissance verte est pour beaucoup un oxymore. Dans le milieu de l’entreprise, la croissance verte c’est surtout du marketing. Ce qu’on vend comme de la croissance verte, soit ce n’est pas très vert, soit ce n’est pas de la croissance. Il y a en réalité très peu d’entreprises vertes. Les boîtes qui se sont lancées dans la croissance se sont elles-mêmes mis la tête sur le billaud. Elles auront tôt fait d’être accusées de greenwashing par Greta Thunberg et ses partisans. 

Les vraies boîtes vertes innovent sur la captation du CO2, cherchent un substitut à des matières dont la production est polluante comme le plastique (Carbios), le ciment (Hoffmann Green Cement) ou la viande (Beyond Meat). Il y a donc très peu de boîtes : imaginez les embouteillages en termes d’investissement quand tout d’un coup en l’espace de quelques années vous êtes obligés de verdir des investissements dans des fonds généraux ou des fonds de pension qui font des centaines de milliards d’euros.

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