Les 490 kilomètres du littoral martiniquais incluant les îlets, témoignent de l’histoire des peuples, des résistances et de la richesse naturelle de cette terre. Face aux défis écologiques et sociétaux qui le menacent, le projet artistique « 490 » s’impose comme une réflexion et une initiative collaborative pour sensibiliser et mobiliser les populations autour de la préservation de ce littoral. Porté par l’association La Station Culturelle, ce projet innovant associe artistes, scientifiques et habitants dans une réflexion collective qui conjugue art, savoirs locaux et sciences.
Quatre lieux, quatre témoins
L’exposition « 490 » se déploie sur quatre sites côtiers emblématiques de la Martinique : Cap Macré au Marin, Quartier Canal à Ducos, Anse Charpentier entre Sainte-Marie et Le Marigot, et le quartier Les Abymes au Prêcheur. Ces espaces, chargés d’histoire et de diversité écologique, reflètent les richesses et les fragilités du littoral martiniquais. En explorant ces territoires, les artistes ont été témoins de l’érosion des côtes, de la montée des eaux, mais aussi de la résilience des écosystèmes et des savoirs populaires transmis de génération en génération.
Une approche artistique multidimensionnelle
Trois artistes contemporains ont participé à ce projet en ancrant leur création dans ces paysages côtiers et les réflexions qu’ils suscitent. Linda Mitram, photographe, explore les strates de l’histoire collective à travers des clichés saisissants qui mêlent passé et présent. JKing, artiste plasticien, s’attarde sur l’urgence des mutations actuelles et leurs impacts immédiats sur les habitants et les écosystèmes. Julie Deweerdt, spécialiste de l’art numérique, interroge les futurs possibles du littoral grâce à des créations immersives et prospectives.
Ces artistes ont bénéficié de l’accompagnement scientifique du Parc Naturel Marin de Martinique (PNMM), du Conservatoire du littoral et du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières). En étroite collaboration avec les habitants, ils ont créé douze œuvres originales abordant des thèmes variés tels que l’érosion, les submersions marines et l’impact des activités humaines sur les côtes.
L’art et le numérique au cœur des territoires
L’exposition « 490 » innove en présentant ces œuvres via des QR Code, sur des bâches en plein air, rendant l’art accessible directement dans les quartiers et les chemins du littoral, à condition d’avoir un Smartphone. Cette démarche vise à sortir l’art des espaces institutionnels pour le ramener au plus près des habitants. Chaque lieu peut devenir ainsi un espace d’échange et de réflexion. Les ateliers, visites guidées et tables rondes associés à l’exposition encouragent les participants à partager leur expérience et à contribuer à une vision commune de la préservation du littoral. Cependant, la forme de cette exposition interroge sur l’accessibilité des personnes éloignées de l’outil numérique à cette réflexion sur le littoral. En effet, beaucoup parmi les générations les plus âgées n’y seront que peu sensibles. La non représentation physique des œuvres peut éloigner le projet « 490 » des publics visés alors qu’il veut mettre en lumière les défis environnementaux majeurs auxquels le littoral martiniquais est confronté :
- L’érosion côtière causée par les vagues, les tempêtes et l’élévation du niveau de la mer.
- La submersion marine due à l’intensification des cyclones, mettant en péril habitations et infrastructures.
- Les impacts de l’activité humaine : pollution, déforestation, urbanisation incontrôlée et extraction illégale de sable.
En s’appuyant sur une méthodologie collaborative, le projet « 490 » invite chaque participant à repenser son rapport au littoral et à s’engager activement pour sa protection.
Une forte adhésion artistique
Le choix des artistes a fait suite à un appel à candidature, lancé en juillet 2023, qui a réuni vingt-quatre artistes de divers horizons. La sélection finale a mis en avant la pertinence des propositions artistiques par rapport aux enjeux du littoral. Les résidences, tenues entre septembre et octobre 2023, ont permis aux artistes de s’immerger dans les territoires, enrichissant ainsi leurs créations grâce aux apports scientifiques et aux témoignages locaux.

Une invitation à l’action
« 490 » n’est pas une exposition simple, c’est un appel à la réappropriation du patrimoine naturel martiniquais. En liant art, science et savoirs populaires, le projet ouvre un espace de dialogue indispensable sur l’avenir du littoral. Retrouvez toutes les informations, dates et événements liés à « 490 » sur www.490littoral.org.
Nathalie Laulé
Zoom sur la station culturelle
Eline Bourgues, et Elena Arnoux, sont co-directrices de la Station Culturelle à Fort de France. Une association fondée en 2018, avec une équipe de cinq jeunes femmes, pour soutenir et diffuser la scène artistique contemporaine caribéenne. Leur action est ancrée autour de plusieurs pôles, avec une action culturelle sur le territoire, un pôle création et production, qui soutient les artistes et les œuvres ou les moyens de les diffuser comme des festivals et des expositions. Il y a un pôle de coopération internationale diffusant la scène caribéenne en Louisiane, à Miami, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et cette année au Vietnam. La programmation est continuelle, et la structure s’appuie sur des valeurs de mutualisation et de co-construction. Un dernier pôle s’intéresse à la professionnalisation du secteur. Créée avec l’accompagnement du collectif Un Œuf, l’équipe a créé le 33 rue Perrinon, qui est une friche urbaine alternative ou il y a un bar, un café associatif, une salle d’exposition, un établi avec des outils artistiques et numériques, mis à disposition des artistes. Il y a un espace dédié aux expositions et aux projets d’artistes. Soutenue par la DAC et la CTM, les municipalités et d’autres partenaires en fonction des projets, cette jeune équipe dont les membres viennent d’univers différents a été formée à la gestion de projets culturels.