Longtemps attendue, la loi de programmation énergie-climat est finalement enterrée. Le gouvernement préfère lancer une nouvelle concertation sur la seule feuille de route énergétique. Seulement, celle-ci doit s’inscrire dans une stratégie plus globale et être portée politiquement pour donner un cap clair aux industriels, aux investisseurs et aux Français.

Source : www.novethic.fr

Il n’y aura finalement pas de loi de programmation énergie-climat. Attendue depuis juillet 2023, celle-ci devait définir les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de sobriété et d’efficacité énergétique de la France et donner lieu à la publication de deux documents phares : la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) et la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3) pour la période 2024-2033. C’était en outre une obligation légale inscrite dans le code de l’énergie, issue de la loi énergie-climat de 2019, qui imposait un débat au Parlement et une révision de la stratégie tous les cinq ans.

Pour justifier ce renoncement, le cabinet de Roland Lescure, nouveau ministre de l’Energie, assure qu’il s’agit d’éviter une bataille “entre pro-ENR et pro-nucléaire” qui risquerait d’aboutir à un blocage au Parlement. “On veut dépasser ces clivages, assure le ministère lors d’un brief à la presse. Car notre trajectoire implique d’aller au maximum sur l’ensemble des curseurs.” A la place, une nouvelle concertation sera organisée à partir du mois de mai sur la seule PPE, la feuille de route énergétique de la France, qui devrait ensuite être publiée d’ici la fin de l’année. Aucun calendrier n’a été avancé concernant la SNBC, qui fixe quant à elle des budgets carbone à ne pas dépasser secteur par secteur.

Une vision centrée sur la seule production d’énergie

Cette loi était indispensable. Elle aurait permis de graver dans le marbre les objectifs de l’Accord de Paris”, se désole auprès de Novethic Jules Nyssen, le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER). On va lancer un énième débat sur des objectifs de production énergétique sans tenir compte de la consommation. De plus, nous avons besoin d’un portage politique pour expliquer aux Français où on va et pourquoi. A défaut d’une loi, on demande que la PPE soit accompagnée d’un grand discours politique sur le modèle du discours de Belfort (qui a acté la relance du nucléaire, NDR)”, poursuit-il.

“Cette loi aurait permis de graver dans le marbre les objectifs de l’Accord de Paris”

L’association Négawatt, qui défend un scénario 100% ENR, pointe elle aussi “une approche uniquement centrée sur la production énergétique, et plus spécifiquement la production électrique, dans une vision de court-moyen terme (l’horizon 2035) sans que la cohérence avec les objectifs de long terme ne soit assurée”. Elle propose une concertation plus large qui pose notamment la question “des choix sociétaux dans lesquels ces décisions nous engagent à long terme”.

Les ONG environnementales sont sans surprise vent debout. “L’exercice de la politique énergétique a besoin de vision de long terme, pour que l’ensemble des acteurs, les citoyens aient une vision partagée des enjeux et actions nécessaires pour atteindre la neutralité carbone”, réagit Antoine Gatet, président de France Nature Environnement. “Clarifier démocratiquement cette vision est essentiel pour donner aux acteurs de l’énergie un signal clair, et un cap pour orienter leurs choix industriels”, ajoute Bastien Cuq, Responsable Énergie au Réseau Action Climat.

Inquiétudes sur le terrain

Pour les industriels et investisseurs, le manque de cap clair pour l’avenir a un impact significatif sur leurs activités.“Certains énergéticiens étrangers préfèrent s’installer dans des pays où la politique est moins incertaine, témoigne Jules Nyssen. Il commence à y avoir un peu d’inquiétudes sur le terrain.” D’autant que les objectifs de la précédente PPE sont arrivés à échéance en 2023. “Or, une fois qu’une filière a atteint son objectif PPE, on ne peut plus lancer d’appel d’offres. Heureusement qu’on a du retard sur nos objectifs…”, ironise le président du SER.

Le ministère de l’Energie rappelle que les objectifs de la stratégie énergie-climat, mise en consultation fin 2023, restent inchangés : multiplication par 5 de la production d’électricité solaire (soit 100 GW de capacités installées) ; multiplication par 5 de la production de gaz renouvelable et doublement de la capacité de production éolienne terrestre ; le tout à l’horizon 2035. “L’objectif est d’atteindre plus de 50% d’énergie décarbonée d’ici là”, martèle le cabinet de Roland Lescure.

Mais cela ne peut pas suffire à constituer une stratégie climatique, comme le rappelait le Haut conseil pour le climat (HCC), dans une lettre inédite adressée au Premier ministre, Gabriel Attal, le 4 avril dernier. Elle invite la France à adopter “au plus vite les documents de programmation prévus dans la loi de 2019 relative à l’énergie et au climat”. “Ces documents sont essentiels afin de guider l’action climatique à long terme”, insiste le HCC, qui se dit inquiet face au “risque de recul de l’ambition de la politique climatique induit par les dérives de calendrier de ses instruments les plus structurants”.

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