4 questions à Charles Larcher, Président du CODERUM, sur l’actualité de la filière Rhum à la Martinique.

Quelle est l’actualité aujourd’hui dans le domaine de la canne et du rhum ?

L’actualité aujourd’hui c’est surtout la vingt-cinquième récolte AOC qui suit le vingt-cinquième anniversaire de l’obtention de l’AOC, puisque nous avons obtenu l’AOC en 1996 et nous faisons là notre vingt-cinquième récolte. Cette vingt-cinquième récolte AOC est une récolte qui se présente avec des aspects plutôt positifs concernant la partie rhum puisque le rhum martiniquais n’a jamais été aussi haut en image qu’elle ne l’est aujourd’hui. Nous sommes très présents sur l’hexagone, c’est notre marché principal même si ce marché hexagonal où sont consommés deux tiers à trois quarts des volumes que nous produisons, en fonction des opérateurs. Ce marché hexagonal est un marché où il y a de plus en plus de concurrence, avec la présence des trois plus gros acteurs du rhum mondiaux que sont Barcardi, Havana Club et Captain Morgan Diageo et avec aussi l’arrivée des rhums des pays tiers venant de la Caraïbe, du Venezuela avec Diplomatico, du Guatemala avec Zacapa, aussi de l’Asie avec Don Papa venant des Philippines, nous oblige encore plus à renforcer notre positionnement qualitatif premium en utilisant ce label AOC que nous avons obtenu de haute lutte, après 22 ans de lutte forte. Aujourd’hui, la seule solution pour nous qui avons l’une des cannes les plus chères du monde, c’est d’avoir un rhum haut de gamme premium de très haute qualité. Sur le marché hexagonal, c’est la solution que nous avons.

Sur le marché mondial, l’AOC martiniquais est là aussi de plus en plus forte et cela nous permet de faire de grosses progressions sur les marchés traditionnels, nous sommes présents à l’export comme l’Italie, l’Espagne, le Benelux et les différents territoires, mais aussi le marché américain où nous avons aujourd’hui de grosses performances. Pour nous c’est très important de développer cet international qui contribue à la réputation du rhum martiniquais de la Martinique. Ce marché local qui est notre marché historique, un marché très important pour nous, là, on est dans une situation différente, très touchés que nous sommes par la problématique du Covid, donc un nombre de touristes en recul en 2020 et en 2021 à moins 50 par rapport à 2019, ce qui impacte automatiquement notre métier de plusieurs façons.

D’abord parce que les bars, les hôtels ont eu moins de fréquentation, les restaurants, les problématiques du couvre-feu, du confinement. On souffre aussi du manque d’événementiel puisqu’on est un alcool convivial qui est effectivement consommé notamment entre amis, on est surtout pénalisé, et c’est un point très important, par le fait que notre spiritourisme – on est leader français du spiritourisme devant le cognac, devant tous les grands alcools français et spiritueux, sans le champagne – nos sites sont moins fréquentés et les touristes partent avec moins de rhum dans leur valise ; le martiniquais voyage aussi moins, tout cela pénalise un peu notre activité en Martinique. Sur les chiffres de la douane nous sommes à -12,5% en 2020 par rapport à 2019 et il semble qu’en 2021 nous soyons sur la même tendance que 2020, donc en recul de 12 points par rapport à 2019. C’est le fait du manque de touristes, on a toujours dit que beaucoup de rhum part dans les valises et automatiquement on est pénalisé de cette façon.

Et 2022 de meilleur augure ?

Nous avons obtenu l’augmentation du contingent qui nous permet de pouvoir envisager régulièrement palier par palier, année par année de pouvoir commercialiser plus de rhum ultramarin sur le territoire hexagonal, c’est un point fort. Sur l’international les choses sont beaucoup plus ouvertes maintenant, on va dire qu’on est déjà en post Covid ; sur le local tout dépendra de la situation on espère que la situation de 2022 se rapprochera plus de 2019. La problématique la plus importante pour nous au niveau de la filière reste la canne à sucre, c’est un peu le talon d’Achille de la filière. Nous avons des développements de volume au niveau du rhum, il est important pour nous de trouver des développements importants de volume au niveau de la production de canne à sucre : plus de terre, plus de rendements sur les hectares plantés et nous sommes avec ce besoin d’un côté au niveau de la matière première et de l’autre côté avec des situations d’enherbement plus important, la présence d’herbe concurrente de la canne présente dans les champs, ce qui pénalise la récolte de la canne. Il faut toujours rappeler que la canne est une plante qui utilise très peu de pesticides, on n’utilise que des herbicides. Quand la pomme coiffe de 30 en termes d’indice de traitement phytosanitaire, la canne est à 1,5 donc on est très très faible et nous n’avons pas le plus bel insecticide qui existe, c’est l’hiver, ici l’herbe pousse tout le temps. Aujourd’hui l’Etat a légiféré pour qu’il y ait moins d’utilisation de pesticide et je trouve cela très bien, sauf que dans le cas de la canne il n’y a pas d’accompagnement. On souffre d’un manque d’accompagnement de la part de l’Etat et des collectivités territoriales sur ce sujet. C’est pour cela qu’on appelle de nos vœux, comme l’avait fait à l’époque la Région (Serge Letchimy) on avait eu un plan  canne qui avait été piloté par Mme Catherine Conconne qui avait permis de mettre un plan canne 1 et un plan canne 2. Une belle dynamique avait été mise en place à l’époque et avait permis de relancer la culture de la canne en Martinique, on était passé largement au-dessous des 200.000 tonnes et grâce à ce plan canne, on avait pu repasser au-dessus des 200.000 tonnes. Il manque aujourd’hui 80.000 tonnes de canne sur le territoire, il faut aujourd’hui mettre en place un plan canne qui soit abondé par des fonds européens et des fonds de l’Etat, en tout cas des fonds régionaux, qui permette aujourd’hui aux petits planteurs, aux moyens planteurs de pouvoir être plus nombreux et d’avoir une vraie rentabilité sur la parcelle de canne.

Les sénateurs, les députés et les politiques ont déjà été saisis de cette requête ?

On les saisit régulièrement, on va profiter de la récolte pour à nouveau les faire partager nos inquiétudes et nos problématiques, mais ils sont tout à fait avertis de la situation. Nous avions eu l’occasion de les rencontrer lors de la campagne de la Ctm, on leur avait déjà exposé le fait qu’aujourd’hui nous avons la chance d’avoir une filière très bien organisée avec un produit fini qui fonctionne très très bien, le rhum, avec une canne que les rhumiers achètent cher auprès des planteurs et c’est très bien ainsi ; par contre c’est que les planteurs ont besoin d’être aidés par aujourd’hui les pouvoirs publics et aujourd’hui l’aide des pouvoirs publics n’est pas suffisante aux yeux des planteurs.

Propos recueillis par Philippe Pied


LE CODERUM MARTINIQUE


Les distillateurs d’excellence au service de la capitale mondiale du Rhum

Le CODERUM regroupe tous les distillateurs de rhum agricole et de sucrerie présents en Martinique. Son objectif est de promouvoir la Martinique en tant que capitale mondiale du rhum, de favoriser le développement du marché et de défendre les intérêts des producteurs.

Le CODERUM Martinique a été créé en 1960, suite aux différentes mutations qu’a connues la filière au cours du 20ème siècle (surproduction sucrière à partir de 1945, décret de réorganisation de l’activité rhumière en 1955, etc…).

Aujourd’hui, la filière Canne/sucre/rhum en Martinique c’est 200 planteurs, 3891 HA plantés en canne, plus de 2200 emplois directs et indirects, 16 millions de litres de rhum blanc produits chaque année.


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