Le vendredi 20 septembre, la ville de Ducos a accueilli une réunion d’information organisée par les associations « Cœur d’Oya » et « Cyparis », visant à sensibiliser la population sur le cancer de la prostate. Avec la présence du Dr Patrick Escarmant, cancérologue à la retraite, cette rencontre a permis de faire le point sur une maladie qui touche durement les hommes martiniquais. La Martinique enregistre un taux alarmant de cancers de la prostate, se classant parmi les régions les plus affectées au monde. Face à cette situation, les associations et les professionnels de santé appellent à une prise de conscience collective et à un dépistage précoce pour améliorer les chances de survie. Renconter avec le Pr Patrick ESCARMANT…
La Martinique présente un taux élevé de cancer de la prostate. Pouvez-vous nous en dire plus sur la fréquence de ce cancer dans la région et comment elle se compare à d’autres populations ?
En effet, la Martinique se classe en deuxième position mondiale pour les taux de cancer de la prostate, juste après la communauté afro-américaine de New York. Contrairement aux États-Unis, la France n’autorise pas de statistiques basées sur les origines ethniques, ce qui complique les comparaisons directes. Cependant, il est clair que les hommes afro-descendants, y compris ceux des Antilles, sont plus exposés à ce type de cancer.
La Martinique continue de détenir des taux alarmants de cancer de la prostate, avec environ 530 nouveaux cas recensés chaque année. Ce type de cancer représente 57 % de l’ensemble des cancers masculins dans l’île, bien loin devant le cancer colorectal. Le taux d’incidence de la maladie est particulièrement élevé, avec 227 cas pour 100 000 hommes, soit plus du double de celui observé en France hexagonale (90 cas pour 100 000 hommes)
Quels sont les principaux facteurs de risque du cancer de la prostate, notamment pour les populations afro-caribéennes ?
Les facteurs de risque incluent tout d’abord l’origine ethnique, avec une prévalence plus élevée chez les hommes afro-américains et afro-caribéens. Ensuite, les antécédents familiaux jouent un rôle important, tout comme le mode de vie, notamment la sédentarité et le surpoids. Enfin, l’exposition à certains pesticides, comme les organochlorés, est connue comme un facteur environnemental aggravant.
Y a-t-il un dépistage systématique du cancer de la prostate en France ? Si ce n’est pas le cas, que recommandez-vous aux hommes ?
En France, il n’y a pas de dépistage organisé pour le cancer de la prostate, contrairement au cancer du sein ou du colon. Cela est principalement dû à des études qui ont montré un risque de surdiagnostic et de sur traitement. Cependant, il est conseillé aux hommes de plus de 50 ans de discuter d’un dépistage individuel avec leur médecin, notamment via le dosage du PSA. Ce dépistage peut être crucial pour détecter précocement la maladie et augmenter les chances de guérison.
Quels sont les principaux traitements disponibles pour le cancer de la prostate ? Comment choisit-on le traitement le plus adapté ?
Il existe trois grandes options de traitement : la prostatectomie radicale (ablation totale de la prostate), la curiethérapie (implantation de grains radioactifs dans la prostate) et la radiothérapie. Le choix du traitement dépend du stade du cancer, du score de Gleason, et du PSA. Par exemple, la curiethérapie n’est plus pratiquée en Martinique, mais la radiothérapie et la chirurgie restent des options majeures, souvent en combinaison avec l’hormonothérapie pour les stades plus avancés.
Qu’est-ce que la surveillance active et dans quel cas cette méthode est-elle recommandée ?
La surveillance active est une option pour les cancers de la prostate à faible risque, lorsque le PSA est bas et que le cancer n’est pas agressif. Plutôt que d’intervenir immédiatement, les médecins surveillent régulièrement l’évolution de la maladie avec des biopsies et des tests PSA. Cela permet d’éviter un traitement inutile et ses effets secondaires, tant que le cancer ne progresse pas.
Pouvez-vous nous expliquer les différentes techniques chirurgicales pour retirer la prostate ?
La prostatectomie peut être réalisée de plusieurs façons. La méthode la plus moderne est la cœlioscopie, qui implique de petites incisions et l’utilisation d’un robot chirurgical pour guider l’intervention. Cette méthode permet une plus grande précision et réduit le temps de récupération. Si nécessaire, une chirurgie ouverte peut être pratiquée, mais elle est généralement réservée aux cas plus complexes.
Quelles sont les complications possibles des traitements pour le cancer de la prostate ?
Comme tout traitement, il y a des risques de complications. Pour la chirurgie, cela peut inclure des problèmes urinaires ou une impuissance. Après une radiothérapie, il peut y avoir des effets secondaires sur les organes avoisinants, comme le rectum ou la vessie. Il existe aussi des échecs où, malgré l’intervention, des cellules cancéreuses persistent, nécessitant une radiothérapie de rattrapage.
Comment se comparent les résultats des traitements du cancer de la prostate en Martinique par rapport à la France métropolitaine ?
Les résultats des traitements du cancer de la prostate en Martinique sont excellents. À cinq ans, ils sont même supérieurs à ceux observés en France métropolitaine. Cela démontre que la qualité des soins et des traitements disponibles sur l’île est tout à fait comparable, voire meilleure, à celle de l’Hexagone.
Propos recueillis par Thibaut Charles