Un militant pro-Trump portant un tee-shirt du mouvement QAnon face à un policier, à l’entrée du Capitole, à Washington, le 6 janvier. MANUEL BALCE CENETA/AP

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Persuadée que l’irruption des manifestants au siège du Congrès, mercredi, était, en réalité, un coup monté pour les discréditer, la frange radicale des soutiens de Donald Trump s’enferme un peu plus dans le déni.

Joe, comme le bon millier de commentateurs qui réagissent à un bref message Facebook de la superstar conservatrice Ben Shapiro, n’y croit pas. « Regardez bien les visages. Des masques, des gants. Leur âge. Ce sont des antifas [terme utilisé pour désigner tous les groupes d’extrême gauche] qui font ce qu’on leur a demandé de faire et qui se sont déguisés pour ressembler à des supporteurs de Trump ! », écrit-il dans un commentaire. Les manifestants qui ont pris d’assaut le Capitole, mercredi 6 janvier, alors que le Sénat validait formellement l’élection de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis, étaient forcément des provocateurs.

« Des Maga [Make America Great Again, supporteurs de Trump] ne s’en seraient jamais, jamais pris à la police », renchérit Colby un peu plus bas, toujours sur la page Facebook de Ben Shapiro, l’une des figures pro-Trump les plus influentes sur le Web américain.

« Réveillez-vous », appelle Denise dans un message – écrit entièrement en lettres capitales – sur la page de For America, l’une des plus importantes pages pro-Trump avec plus de sept millions d’abonnés. « Ce sont des antifas soutenus par [George] Soros et d’autres ! Les meetings de Trump ont toujours été pacifiques, contrairement à ceux des démocrates qui n’étaient que chaos et violence ! »

La théorie du « complot antifa » omniprésente

L’idée que l’envahissement du Sénat américain, mercredi 6 janvier, était un complot ourdi par l’extrême gauche américaine, Joe Biden, la Chine ou le mouvement Black Lives Matter, est omniprésente, le 7 janvier, dans les espaces de discussion en ligne des soutiens de Donald Trump. Peu importe qu’aucun élément crédible ne vienne accréditer la théorie d’une infiltration du cortège par des militants d’extrême gauche, ou qu’une bonne douzaine de néonazis, des militants de la théorie conspirationniste QAnon, des militants pro-Trump de la ligne dure aient été identifiés dans les manifestants photographiés dans le Capitole : pour une part significative des militants pro-Trump, l’envahissement du Sénat tout comme la défaite de leur candidat dans les urnes contre Joe Biden en novembre 2020 ne peuvent être qu’un complot.

Plusieurs vidéos, présentées comme des « preuves » de la présence de militants d’extrême gauche, montrent des policiers ouvrant les barrières pour laisser passer des manifestants, ou se laissant prendre en photo avec des manifestants. Si ces vidéos, dont l’authenticité fait peu de doute, soulèvent des questions majeures sur la manière dont les forces de l’ordre du Capitole ont anticipé puis géré la manifestation du 6 janvier, elles sont loin de montrer une quelconque présence d’antifas – les policiers américains votant dans une très large majorité pour Donald Trump.

Dans les espaces de discussion du mouvement de défense des policiers Blue Lives Matter, soutien affiché de Donald Trump, la tonalité générale était d’ailleurs plutôt, le 6 janvier lors de l’intrusion au Sénat, à l’autocongratulation. « Mission accomplie : stopper la certification des résultats du collège électoral », écrivait par exemple Nawlins, peu après l’évacuation du Capitole.

Mike Pence ciblé

Sous un message annonçant la mobilisation de la Garde nationale pour ramener l’ordre, plusieurs commentaires se félicitent de l’intervention de ces troupes qui « seront de notre côté pour arrêter ce vol électoral », écrit Al. Un enthousiasme encouragé par le site Blue Lives Matter, qui vient alors d’annoncer à ses 2,2 millions d’abonnés Facebook que c’est Donald Trump qui a mobilisé la Garde nationale. L’information est fausse : c’est le vice-président Mike Pence, honni des pro-Trump pour avoir accepté de certifier les votes, comme la loi le lui impose, qui a demandé cette mobilisation.

Mike Pence, peut-être plus encore que Joe Biden, Kamala Harris ou le milliardaire George Soros, est l’objet de tous les ressentiments des militants pro-Trump ces dernières heures. Sur Breitbart News, l’un de leurs principaux sites d’actualité pro-Trump, des centaines de commentaires évoquent sa « carrière finie », la « cellule à Guantanamo avec son nom sur la porte », ou le fait qu’il soit « un traître qui doit être traité comme tel ». Sur le réseau social non-modéré et pro-Trump Parler, l’avocat conspirationniste L. Lin Wood est bien plus direct : « Préparez les pelotons d’exécution. Pence passera en premier », écrit-il.

Récit : « Tout cela, c’est de la fraude, on va se faire baiser » : le jour où des partisans de Donald Trump ont semé le chaos au Capitole

Pour de nombreux militants pro-Trump, les violences de la veille étaient parfaitement légitimes, face à ce qu’ils perçoivent – et que leur candidat décrit depuis des semaines – comme une tentative de coup d’Etat de la part des démocrates.

Sur le site extrémiste The Donald, plusieurs fils de discussion rendent hommage à Ashli Babbitt, une militaire adepte de la théorie complotiste QAnon qui participait à la manifestation et a été tuée durant l’envahissement du Capitole – « exécutée », écrit The Donald. Sa mort a été filmée par des militants, et les images, diffusées sur Internet, la montrent tentant de franchir une porte barricadée par les services secrets avant d’être touchée par une balle ; des policiers présents tentent de l’évacuer, mais la foule, trop compacte, bloque leur progression.

Sur le forum de discussion, les commentateurs accusent les policiers comme les manifestants qui accompagnaient Ashli Babbitt d’être des acteurs d’extrême gauche. D’autres osent d’étonnantes comparaisons avec le mouvement Black Lives Matter : « La police s’est agenouillée pour [soutenir] Black Lives Matter et, là, ils ont ouvert le feu sur les patriotes. »

« Croire au plan »

Déçus, furieux, parfois incrédules, de nombreux supporteurs ultramotivés de Trump considèrent toutefois que la partie n’est toujours pas terminée. Malgré la certification des votes et la victoire de Joe Biden, malgré l’échec retentissant de toutes les contestations en justice lancées par Donald Trump contre les résultats de l’élection, de très nombreux messages continuent d’espérer un retournement de situation de dernière minute.

C’est notamment le cas dans la sphère QAnon, la théorie complotiste qui promet depuis trois ans, à des dates toujours repoussées, l’arrestation simultanée de centaines de membres de « l’élite » pour pédophilie, satanisme, ou haute trahison. Des messages continuent, le 7 janvier, d’exhorter les militants à « faire confiance au plan », à savoir attendre un événement qui permettra à Donald Trump de se maintenir au pouvoir. « De nombreux traîtres seront arrêtés et emprisonnés dans les prochains jours », a affirmé sur le réseau social Parler L. Lin Wood – son compte Twitter, suivi par plus d’un million de personnes, avait été supprimé la veille après des appels à la violence.

Dans ce contexte, de nouvelles flambées ne semblent pas exclues dans les prochains jours. Sur la messagerie non modérée Gab, le complotiste et ancien administrateur du forum non modéré 8kun Ron Watkins sonde ses abonnés : que prédisent-ils pour la suite ? Aux côtés de réponses moqueuses et d’appels à l’intervention de l’armée, un internaute a publié un mode d’emploi pour réaliser un nœud coulant. « J’espère que des patriotes énervés en auront l’utilité », écrit-il.

 

 

 

 

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