Repéré sur Martinique. 1


C’est avec un petit message intitulé “Dernière note” que Christian Boutant a annoncé son départ de ses fonctions de délégué régional Sacem de Martinique et de Guyane après 35 ans de service. Seul antillais à ce poste, il a oeuvré pour le développement et la professionnalisation de la musique.


Son départ d’ici quelques jours, fin novembre 2020, Christian Boutant le vit “merveilleusement bien”. Dans son petit message qui a fait le tour des réseaux sociaux, c’est “à tous les auteurs, compositeurs, éditeurs, aux professionnels, à la presse et aux médias, à tous les amoureux et défenseurs de la musique” qu’il l’adresse. Il faut dire qu’en poste depuis 1985, l’homme a rencontré et travaillé avec beaucoup de monde.
J’ai adoré ma fonction au service des artistes, de la création, de la culture. Mais j’ai un âge aujourd’hui et effectivement ça me fait du bien de prendre du recul.
Je devais déjà partir depuis le mois de mars et je suis resté. C’est vrai qu’il y a cette crise, mais c’est aussi vrai que nous sommes de plus en plus centralisés et ça me fatigue aussi.
Donc j’ai l’âge de la retraite j’ai décidé de prendre ma retraite.
35 ans de service
Christian Boutant est arrivé à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique un peu par hasard. Sa formation de technique commercial en poche, il travaille dans un magasin de chaussure du centre-ville puis une entreprise qui vend des appareils informatiques. Une rencontre va changer son destin.
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« Et puis un jour j’ai eu l’opportunité de rencontrer Monsieur Guy Sirot qui est actuellement décédé. Il était directeur général des Antilles-Guyane et c’est lui qui m’a recruté, qui m’a demandé de bien vouloir intégrer cet organisme que j’ai eu vraiment plaisir à servir.
Il m’a fait confiance et j’ai continué à œuvrer. »
La mission du délégué régional de la Sacem est de gérer des équipes et ce que l’on appelle des collectes de droits d’auteur auprès de tous les diffuseurs. Cependant, depuis qu’il est en poste, Christian Boutant a été bien au-delà de ces prérogatives.
« Je ne considère pas qu’on puisse être délégué de la Sacem et être ainsi à appliquer simplement des directives.
Je me suis investi parce que je suis un militant culturel et puis j’ai cru très rapidement qu’il y avait effectivement une nécessité d’unir les forces culturelles du pays, de favoriser la professionnalisation, de défendre les artistes, de lutter pour l’aménagement en scène des salles de spectacles, la cohérence économique.
Jusqu’à maintenant je participe au sein du CESEM à une élaboration, une réflexion sur la professionnalisation des artistes, le combat contre le travail clandestin. C’est tout un chantier.
Je n’ai jamais considéré que je me limitais à la défense des droits d’auteur. Je suis un militant de la structuration de l’économie culturelle. »
Implication également en Guyane. Alors qu’il n’y a pas de délégation dans ce territoire, Christian Boutant et ses équipes rencontrent et aident les auteurs et compositeurs de la région. Désormais, un bureau est créé sur place.
« La Sacem c’est un boulot extrêmement enrichissant, extrêmement diversifier. Un peu compliqué parce que nous récupérons de l’argent, mais en même temps cet argent sert à une bonne cause, répartir ces sommes pour les artistes, les auteurs-compositeurs.
Non, je crois que j’ai passé une vie extrêmement impliquée, extrêmement studieuse avec une volonté quotidienne d’aller de l’avant et de développer l’économie artistique de notre pays. »
Christian Boutant a collaboré avec les institutions et les principales salles de spectacle de l’île, soutenu des causes et même créé avec le festival “Biguine Jazz”.
« J’ai essayé toute ma vie professionnelle de militer pour nos musiques, nos créations, notre économie de la culture, j’ai essayé.
Mon plus grand bonheur c’est quand les auteurs compositeurs touchent des droits d’auteur.
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Ça me donne le sentiment d’être utile à la cause des artistes. »
Je pense quand même que les choses ont beaucoup évolué même s’il reste un marché musical fragile parce qu’il est confronté à une réglementation qui a du mal à s’appliquer et qu’il y a des superpositions de règles aussi qui font que parfois les gens sont découragés.
La musique antillaise elle a été très très productive. Nous avons à mon avis, pu marcher de pair, si je puis dire, avec cette évolution de la musique antillaise. Mais malheureusement tout reste fragile.
Peut-être qu’à partir de ce Covid nous pourrons reconstruire, se servir de cette situation pour reconstruire avec des socles beaucoup plus rigides et beaucoup plus solides. C’est ce que j’espère, en tout cas je vais contribuer dans la mesure de ma disponibilité.
Les “prix Sacem”, sa plus belle réalisation
Mais même si ce rendez-vous annuel s’est arrêté en 2011, sa plus belle réalisation restera “les prix Sacem” qui ont récompensé des dizaines d’artistes pendant 23 ans.
« Un élément très important de la promotion culturelle artistique locale et régionale. Je pense que c’est la manifestation qui a eu le plus grand écho que nous avons pu mener.
C’était quelque chose que j’avais fait de manière volontaire, individuelle puisque ce n’est pas la Sacem qui m’avait demandé de faire des prix. C’est mon implication et celle des membres de la commission de la Sacem, Alain Genevièvre et tous les autres. »
Son regret est de ne pas avoir été entendu par son employeur pour la création d’un département des musiques créole à la Sacem.
« Il y a des départements de musique chinoise, il y a des départements de musique du Maghreb. J’ai essayé, mais je n’ai pas été entendu ou pas encore.
Mais je considère que les musiques créoles devraient avoir un département propre à la Sacem pour pouvoir faire en sorte que cette société représente toute la diversité et les expressions française et francophone. »
Une “autre vie” qui commence
Concernant son remplaçant, la décision revient à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, qui n’a pas encore dévoilé de nom. Mais lui sait exactement ce qu’il fera de sa vie après le 30 novembre 2020.
« Premièrement je vais me reposer.
Deuxième, je vais faire un peu d’agriculture. Troisièmement, je pratique un peu de musique, j’ai un petit orchestre.
Quatrièmement, je gère des gîtes de vacances au Robert.
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Donc je pense que j’ai beaucoup de choses à faire. C’est la retraite professionnelle, mais ce n’est pas la retraite de ma vie. Je vais commencer une autre vie.
Et puis bien évidemment je pense continuer, puisque nous sommes actuellement en train de faire un site des musiques martiniquaises. Nous avons créé une association “Comité Martiniquais de la Musique” et nous allons travailler, essayer de continuer le combat pour l’économie musicale culturelle de notre pays. »
Christian Boutant n’exclut pas d’utiliser ses “vacances” pour écrire ses mémoires. Mettre sur le papier, ses riches rencontres et souvenirs de cette vie dédiée à la musique.

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