En Suède, 70% des arbres coupés sont utilisés comme produits substitutifs au pétrole. | Arnaud Mesureur via Unsplash
Selon le lobby forestier suédois, laisser intacte la forêt sans l’exploiter accroît les émissions de gaz à effet de serre.
Repéré par Céline Deluzarche sur Bloomberg
Couper des arbres, c’est bon pour le climat. Voici la ligne de défense de l’industrie forestière suédoise face à la Commission européenne, qui envisage d’inclure la forêt comme puits de carbone pour remplir ses objectifs en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, fixés à -55% d’ici à 2030.
Cela conduirait à attribuer une «dette carbone» à l’industrie forestière, car même si la forêt est replantée, les arbres prennent plusieurs années à pousser, durant lesquelles la quantité de carbone stockée par le sol est négative.
En février, le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, avait déclaré à la télévision suédoise que l’état des forêts suédoises était «pire qu’auparavant» et que le pays devait adapter sa gestion forestière à la hausse des températures.
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Ces déclarations ont fait bondir le lobby suédois de la forêt, qui a commandé une étude pour défendre son activité. Au cœur de ce rapport figure «l’effet de substitution»: lorsqu’il est coupé, le bois remplace des matériaux fossiles tels que le béton, l’acier, les plastiques et les combustibles fossiles.
À l’inverse, laisser la forêt intacte sans l’exploiter aurait un effet négatif, car «quand l’arbre meurt, il libère le carbone qu’il a stocké dans l’atmosphère», fait valoir Henrik Sjolund, le directeur général de Holmen AB, un producteur de bois suédois, à l’agence Bloomberg.
Le lobby forestier suédois tient absolument à marquer sa différence avec ce qui est pratiqué dans les forêts tropicales, où les plantations d’huile de palme entraînent une déforestation globale et une perte de biomasse.
En Suède, 70% des arbres coupés sont au contraire utilisés comme produits substitutifs au pétrole (planches pour la construction, carton, papier, emballages…), détaille le rapport. Grâce au fameux «effet de substitution», l’industrie forestière suédoise permettrait à terme de diminuer les émissions suédoises de 93 millions de tonnes d’équivalent carbone par an, d’après ses calculs.
Des calculs en bois
Un calcul qui laisse les ONG écologistes dubitatives. «Il faut plusieurs années avant que les arbres repoussent et que le sol accumule à nouveau du carbone», prévient Elin Gotmark, porte-parole de l’organisation non gouvernementale suédoise Protect the Forest.
Selon elle, l’industrie forestière diminue bien la quantité globale de carbone stockée dans les écosystèmes terrestres. Quand au fameux «effet de substitution», il ne peut pas être pris en compte de cette façon.
«On a les mêmes discussions avec l’industrie sidérurgique, qui prétend économiser le charbon parce que les éoliennes qui servent à produire de l’énergie à la place sont en acier», observe Artur Runge-Metzger, haut fonctionnaire de la direction du climat de la Commission européenne.
En réalité, «cet effet est déjà comptabilisé sous la forme de la taxe carbone, qui attribue une “prime” aux produits forestiers en pénalisant les combustibles fossiles», fait-il valoir.
Il convient cependant que les pratiques de «gestion forestière active»comme en Suède doivent être prises en compte. «Mais les incitations ne tomberont pas du ciel: il faudra les couvrir par d’autres économies de carbone d’une manière ou d’une autre.»