Tant en Martinique qu’en Guadeloupe, « nos » CHU sont en crise. L’un brûle de partout, l’autre flambe de ses finances dramatiquement insuffisantes…
C’est pourquoi Antilla a rencontré Christian Ursulet, l’ancien directeur de l’Ars, aujourd’hui à la retraite, mais dont le diagnostic sur la crise de notre systeme de santé devrait éclairer tous les acteurs actuels, et, au delà, l’opinion, sur ce qui ne va pas, ce que l’on devrait faire, ce que l’on pourrait faire…
Un extrait de cette Itw, dont la 1ere partie a été publiée dans l’Hebdo de cette semaine. la 2eme partie de l’interview paraîtra la semaine prochaine…

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Antilla : Que pensez-vous de cette « administration provisoire » du CHUM ? Est-ce une bonne décision ?

Christian Ursulet :
Oui, et j’y ai été très tôt favorable. J’avais demandé officiellement, au cabinet de la ministre de l’époque, la mise sous administration provisoire depuis fin 2013, après la fusion, parce que je pensais que l’importance de notre déficit hospitalier – pour toute la France, DOM compris –, devait bénéficier d’une équipe expérimentée, crédible pour le ministère, en lien permanent avec toutes les autorités ministérielles, de façon à redresser la situation. Je l’avais demandé car j’avais aussi constaté que ça aurait été extrêmement difficile de le faire avec les directions, car il y avait des guerres intestines à l’époque, et que Daniel Riam (ancien directeur du CHUM, ndr) qui essayait de faire avancer les choses, n’y arriverait pas tout seul. Ce dossier allait au-delà des capacités d’un directeur, fût-il compétent. Et depuis cette époque, je n’ai cessé de demander l’administration provisoire. Le contrat que j’avais obtenu avec le ‘Comité de suivi des établissements en difficulté’, le COPERMO, donc avec le ministère et la direction des hôpitaux de France, c’est qu’il y ait un maintien de l’aide nationale au CHU de Fort-de-France pour lui permettre de redresser sa situation, c’est à dire de maintenir une aide de 98 millions d’euros annuels – une aide unique en France, jamais donnée à cette hauteur à un hôpital –, à condition que l’hôpital améliore ses résultats structurels de 5 millions d’euros par an ; ce qui à mon sens est tout à fait accessible, avec un travail sérieux mobilisant la communauté hospitalière. Mais quand les ministères – car il y a aussi celui des finances (sourire) –, ont vu que 98 millions ont été donnés en 2015 et 2016, mais que les résultats ne s’améliorent pas, qu’il y a eu des recrutements et que la situation se détériore, ils ont réduit cette aide de 5 millions en 2017, et donc accordé 93 millions cette année. Ils se sont dit ‘on ne va pas poursuivre cette politique de dupes’, et sont passés à cette mesure d’administration provisoire.
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Pour vous quels sont donc les points positifs d’une administration provisoire ?

Déjà c’est l’autorité de l’Etat qui prend le pouvoir dans un établissement. Donc l’Etat se parlera à lui-même (sourire).
Et il était logique que le premier dossier de France en termes de difficultés, bénéficie de l’implication maximum de l’Etat. Et si vous perdez en crédibilité – ce qui est le cas au CHU de Fort-de-France –, il ne peut y avoir ce problème de crédibilité pour la nouvelle équipe qui prendra les mesures. Cette administration provisoire constatera la réalité des difficultés en termes de soins, de locaux extrêmement dégradés – je ne parle pas du nouveau plateau technique mais de l’ancien –, elle constatera que par manque de trésorerie les équipements ne fonctionnent pas correctement car ils ne sont pas entretenus ou réparés. Il faut 15 millions par an pour entretenir l’appareillage médico-technique d’un CHU comme le nôtre, et l’hôpital n’arrive à en mobiliser que 5 : il manque 10 millions pour le faire. Donc quand cette administration provisoire dira ‘on ne peut pas redresser tout ça si nous n’avons pas une aide pour améliorer la situation, la garantie et la qualité des soins’, il n’y aura pas de problème de crédibilité : cette administration sera écoutée. Et ça réglera aussi le problème du lien direct entre l’exécutif du CHUM, et l’autorité ministérielle qui finance. Il faut donc cette administration provisoire, si on veut commencer à espérer s’en sortir. Et je précise que ces aides de 90 et quelques millions sont venues en plus du budget du CHUM, qui est de plus de 400 millions d’euros par an.
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Quelles sont, dans les grandes lignes bien sûr, les raisons des déficits historiques de nos hôpitaux ?

Quand vous êtes en situation de faillite, on a beau vous donner de l’argent pour équilibrer vos comptes au quotidien, ça n’efface pas votre dette… Cela n’efface pas le fait que vos déséquilibres structurels, qui ont amené à votre faillite, continuent. Tant que les mesures de fond ne sont pas prises. Le CHU a creusé son trou au fur et à mesure. Par exemple ‘il’ a commencé à payer de plus en plus tard les fournisseurs : en 6 mois, un an, un an et demi… Donc à creuser sa dette. Aujourd’hui le CHUM doit 100 millions d’euros d’impayés aux fournisseurs. Et 350 millions de dettes car il ne paie pas le fisc, la Sécurité sociale etc., même si il y a des échéanciers. Et ‘celui’ qui l’a aidé à fonctionner au quotidien c’est l’Etat, notamment par ces 98 millions d’euros annuels. Certains chiffres sont donc édifiants, et devraient couper court à toute propagande des ignorants manipulateurs, obsédés par le retour à la préhistoire et qui abusent l’opinion en accusant la fusion de 2013 de la faillite et de tous les maux de l’hôpital.

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