Dans un monde ébranlé par l’épidémie de Covid-19, le géant agroalimentaire Danone va proposer à ses actionnaires de devenir une “société à mission” pour renforcer ses engagements sociaux, environnementaux et créer de la “valeur durable”, annonce le groupe. Cette proposition présentée lors du conseil d’administration le 19 mai sera soumise à l’Assemblée générale des actionnaires qui se tiendra le 26

juin à huis clos en raison de l’épidémie.

la photo: Emmanuel Faber veut faire de Danone la première entreprise à mission du CAC40
@Patrick Kovarik/AFP

Danone est prête pour devenir la première entreprise à mission côté en bourse. Et pour son PDG, Emmanuel Faber, la décision est “d’importance pour ne pas dire historique”. Le dirigeant y voit une “clé de voûte” pour Danone alors que l’épidémie promet “un futur proche incertain, dans lequel on va avoir besoin de cap et de certitudes”. Si beaucoup de sociétés du CAC40 ont adopté une raison d’être, allant parfois jusqu’à l’inscrire dans leurs statuts comme Carrefour, aucune n’avait jusqu’alors osé franchir le pas de l’entreprise à mission, créée par la loi Pacte.

Il faut dire que cela est loin d’être anodin. Même s’il ne s’agit pas d’un changement de statut juridique stricto sensu, la démarche, volontaire, nécessite de mobiliser l’ensemble de ses parties prenantes dans un projet commun qui met la mission sociétale de l’entreprise sur le même plan (ou presque) que le profit. L’entreprise doit ainsi intégrer dans ses statuts des objectifs sociaux et environnementaux auxquels elle consacrera des moyens et un suivi, validés par un tiers. Mais elle doit pour cela obtenir l’aval de ses actionnaires, ce qu’elle compte faire lors de son assemblée générale du 26 juin.

Une démarche de long terme

Pour le géant alimentaire, cette nouvelle étape permettra de se doter d’une “gouvernance qui gravera dans le marbre l’ADN de Danone et sa mission d’apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre”. Le conseil d’administration devra ainsi nommer un comité de mission “composé de personnalités d’expertise mondiale”, qui rendra compte aux actionnaires des progrès réalisés, sur la base des vérifications d’un organisme tiers indépendant, a détaillé Emmanuel Faber. Quatre objectifs seront évalués à l’aide d’indicateurs spécifiques développés par Danone : l’amélioration de la santé, la préservation de la planète, la promotion de la croissance inclusive, ainsi que la possibilité pour les salariés à tous les niveaux d’avoir un impact sur les décisions de l’entreprise.

L’annonce était attendue. Depuis quelques années déjà, le groupe s’est donné l’objectif d’être entièrement certifié B corp, un label international qui distingue les entreprises ayant des politiques de responsabilité sociétale (RSE) ambitieuses, d’ici 5 ans. Une gageure pour un groupe de 100 000 salariés et de plus de 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires à travers le monde car jusque-là, le label était davantage taillé pour des entreprises de plus petites tailles, indépendantes. Mais le passage à l’entreprise à mission est encore un pas supplémentaire, souligne l’avocat Errol Cohen. “Il n’y aura plus de débat sur l’extra-financier ou la RSE, car cela sera totalement intégré à la stratégie. Cela va donner à Emmanuel Faber beaucoup plus de force face à ses actionnaires et ses filiales pour prendre des décisions radicales qui colleront à sa mission”, estime-t-il.

Le moment opportun

La crise du Covid-19 a renforcé la conviction d’Emmanuel Faber de se doter de ce nouveau cadre. “Nous sommes dans un moment charnière où la ‘conduite normale des affaires’ n’aura plus, pendant longtemps, la même signification. Le moment que nous vivons est historique”, déclare-t-il dans un communiqué. En devenant une entreprise à Mission, “nous franchissons certes une étape naturelle de notre histoire. Mais le moment ne pouvait être plus opportun et pertinent, alors que la nécessité d’un modèle de création et de partage de la valeur tenant compte de façon équilibrée de l’ensemble des parties prenantes apparaît désormais clairement aux yeux des salariés, des consommateurs, des clients, des partenaires, des gouvernements et des

Le groupe s’est illustré lors de la crise du Covid en sécurisant l’ensemble des contrats de travail, des salaires et des protections pour ses 100 000 employés mais aussi en soutenant plus de 15 000 petites entreprises de son écosystème. Le conseil d’administration du 19 mai a aussi avalisé la rémunération fixe d’Emmanuel Faber de 30 % pendant six mois et le renoncement des membres du conseil à leur rémunération du second semestre 2020. Les montants correspondants doivent servir à élargir la couverture santé des salariés du groupe. Les actionnaires, “qui ont soutenu ces dispositions”, souligne Emmanuel Faber, recevront l’intégralité de leurs dividendes.

Béatrice Héraud @beatriceheraud avec AFP

Partager.

Laissez votre commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Exit mobile version