La notion d’autonomie de la Guadeloupe abordée très librement par Sébastien Lecornu a surpis plus d’un. Elle vient en réponse à la demande, répétée comme un refrain par de nombreux élus, sans que pour autant, on sache vraiment quels pouvoirs ils souhaitent voir “domiciliés”

Francois-Joseph Ousselin • Guadeloupe 1ère

C’est peut-être là l’enjeu d’une discussion de fond dont la Guadeloupe ne pourra pas faire l’économie. Une discussion proposée par le ministre de l’Outremer. Du haut de ses 35 ans, le jeune ministre n’a pas hésité à tacler un personnel politique qui, en face de lui, n’a pas semblé mesurer la réalité de la demande qu’il lui exprimait. La surprise des uns et des autres reste le biais par lequel cette offre de discussion est arrivée 

Un concept plus admissible

Quoi qu’il en soit, cette expression “domiciliation du pouvoir” portée en premier lieu par le GUSR, Guadeloupe Unie solidaire et Responsable, correspond d’ailleurs à son changement d’identité. Le parti fondé par Dominique Larifla a toujours changé de nom à chacune de ses évolutions : d’abord un mouvement qui naît sous l’appelation “Groupe de Réflexion et d’Action pour la Guadeloupe” (GRAP-G), il devient ensuite le Front Uni dans l’Intérêt de la Guadeloupe (FRUI-G) avant de devenir, en 1994, un parti politique qui prend le nom de Guadeloupe Unie, Socialisme et Réalités (GUSR)  et atteindre son dernier stade d’évolution en prenant le nom de Guadeloupe Unie Solidaire et Responsable. Et derrière chacune de ses étapes, le parti, qui a depuis porté à sa tête Guy Losbar, précise son regard sur la manière qu’il imagine pouvoir gérer la Guadeloupe. Le dernier stade correspond donc à celui où il revendique “la domiciliation du pouvoir”.

Il aura permis au parti de Guy Losbar d’utiliser un vocabulaire plus audible aux oreilles des Guadeloupéens, peu enclins à entendre celui d’autonomie ou d’indépendance que les partis nationalistes ou indépendantistes portent sans hésitation, et plus avancés que le statu-quo des autres partis de l’échiquier politique guadeloupéen.

L’étendue de la loi NOTRe

Pour autant, la décentralisation à la française, mais aussi les suites du référendum de 2003, ont également contribué à une large évolution dans le transfert des compétences entre l’Etat et les collectivités locales. Le dernier arsenal de cette décentralisation aura été la loi NOTRe, la Nouvelle Organisation Territoriale de la République. Promulguée le 7 août 2015, cette loi confie de nouvelles compétences aux régions et redéfinit celles attribuées à chaque collectivité territoriale. Et pour toute la France, les objectifs fixés par cette loi sont les mêmes : 

– Simplifier et clarifier les compétences respectives des collectivités locales

– Faire des régions les moteurs du redressement économique du pays

– Parachever la carte intercommunale

– Renforcer les solidarités territoriales et humaines

Ayant choisi en 2003 de demeurer une région monodépartementale, la Guadeloupe possède pour un même territoire les pouvoirs dévolus à une Région et à un département auxquels s’ajoutent les pouvoirs non moins négligeables des 6 EPCI, les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale. Enfin, il reste aussi les pouvoirs de base des communes. 

Des pouvoirs ignorés ou à peine mis en oeuvre par les élus

De fait, avec cette loi NOTRe, c’est toute l’arborescence des compétences politiques des collectivités locales qui a évolué. Taillée pour donner un rôle primordial aux Régions, elle donne à la collectivité régionale le premier rôle dans le soutien au développement économique et notamment une compétence exclusive pour définir les régimes d’aides aux entreprises dans la région.

C’est aussi à la région qu’il revient d’élaborer le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII).

La Région a aussi la responsabilité du schéma régional d’aménagement et de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET ) qui se substitue aux schémas dans les domaines de l’aménagement du territoire, de la mobilité et de la lutte contre le réchauffement climatique.

Enfin, le rôle de la région en matière de transport et d’intermodalité a été renforcé, elle est même devenue responsable des transports interurbains et scolaires.

Pour sa part, le département s’est vu conforté dans son rôle de chef de file pour assurer les solidarités territoriales et humaines.

Pourtant, sur le terrain, les élus en sont souvent à s’en remettre au rôle de l’Etat. Les EPCI semblent découvrir à petits pas, l’étendue de leurs responsabilités. Les volontés de concordances entre la Région et le Département sonnent aujourd’hui comme un regret du vote de 2003 ou, en tout cas, comme la volonté d’une écriture à la guadeloupéenne de la réponse qui n’a pas été donnée lors de ce référendum. 

Plus généralement, les faibles scores de participation lors des différents scrutins locaux traduisent pour beaucoup une déconnexion entre les candidats à ces élections et les électeurs. La crise actuelle leur aura une fois de plus donné l’occasion de démontrer leur pleine capacité à assumer les pouvoirs qui sont les leurs.

Mais au lieu de cela, cette fois encore, beaucoup ont préféré regarder vers l’Etat, pour trouver les réponses aux revendications formulées sur la plate-forme des organisations syndicales et pas seulement pour la question de l’obligation vaccinale. En ajoutant ensuite que, s’ils avaient plus de pouvoirs, ils auraient mieux fait que l’Etat pour cet Archipel de la Guadeloupe. 

On peut cependant mettre au crédit des élus Guadeloupéens, l’effort fait par eux pour s’exprimer d’une seule voix sur la crise actuelle.

 

En réalité, d’une manière ou d’une autre, la crise actuelle ouvre la Guadeloupe sur un nouvel avenir, pas forcément celui que certains croient, mais probablement celui du réveil d’une conscience générale qui pourrait non pas remettre en cause les élements statutaires de la Guadeloupe mais bien ceux qui jusqu’à présent, se devaient de prouver leur utilité ou leur inutilité et qui souvent, ont failli.

 

 

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