La rupture conventionnelle est une procédure permettant à un employeur et à son employé de se séparer d’un commun accord, offrant des avantages mutuels. Cependant, elle peut être abusivement utilisée par certaines entreprises pour contourner les obligations légales ou pour des motifs économiques. Face à ces abus, des avocats et des associations se mobilisent pour défendre les droits des travailleurs.

Dans la vie d’une entreprise, il peut arriver qu’elle se retrouve dans la situation où elle n’est plus convaincue de la nécessité de maintenir un employé. De même, cet état d’esprit peut parfois être partagé par l’employé lui-même, qui envisage de quitter son poste pour des raisons personnelles. Que ce soit en raison d’une insatisfaction liée au travail, de conflits interpersonnels ou de considérations familiales, les motivations peuvent varier. Cependant, recourir à un licenciement ou à une démission peut rapidement devenir problématique pour les deux parties impliquées. C’est précisément pour éviter une telle situation déstabilisante que la rupture conventionnelle est envisagée.

Mise en place en 2008 par le président Nicolas Sarkozy, la rupture conventionnelle est une procédure permettant à un employeur et à son employé de se séparer d’un commun accord. Elle offre des avantages significatifs pour les deux parties concernées. Pour l’employeur, elle permet de mettre fin à un contrat de travail de manière légale et moins coûteuse que le licenciement, tout en préservant une relation professionnelle harmonieuse. De son côté, l’employé bénéficie d’une sortie plus douce de l’entreprise, avec la possibilité de négocier des indemnités de départ et de maintenir ses droits au chômage, tout en évitant les conséquences négatives d’un licenciement ou d’une démission. Cette approche collaborative favorise un climat de confiance et de respect mutuel entre les deux parties, ce qui peut être bénéfique à long terme pour leur réputation et leur bien-être professionnel.

Des ruptures pas si conventionnelles

Si dans plusieurs cas, la rupture conventionnelle semble se présenter comme une solution miracle, elle peut toutefois être utilisée de manière abusive par certaines entreprises mal intentionnées. Certains organismes ne se gênent pas pour exploiter cette procédure dans le but de contourner les obligations légales liées au licenciement ou de contraindre les employés à accepter des conditions de départ préjudiciables. Ces entreprises peuvent chercher à se débarrasser de certains employés pour des raisons économiques ou discriminatoires, ou encore pour éviter d’éventuelles contestations ou procédures judiciaires liées à un licenciement.

“Il existe plusieurs raisons pour lesquelles une entreprise engagera des procédures de rupture conventionnelle avec un salarié,” explique Maître Mathieu Vallens, avocat en droit du travail. “Exercer ce genre de méthode leur permet d’échapper à la législation liée aux droits du travail. Il n’est donc pas anodin pour moi de traîter des affaires où la demande de rupture conventionnelle d’une entreprise se transforme en harcèlement moral. La victime est alors contrainte de devoir signer et donc accepter la procédure contre son gré.”

“Il ne faut jamais être seul”

Pour rappel, pousser un employé à accepter une rupture conventionnelle contre sa volonté est contraire à la loi. S’il est prouvé qu’un salarié a été obligé de signer sous la contrainte, il est alors possible pour l’entreprise de devoir faire face à un conseil de Prud’hommes. “Lorsque l’on est confronté à cette situation, il ne faut pas hésiter, il faut se faire aider d’un avocat,” reprend Maître Mathieu Valens. “Il est déconseillé de signer une rupture, sans avoir été accompagné au préalable. Parfois, il vaut mieux être licencié, mais dans tous les cas, il ne faut jamais être seul.”

Parmi les cas de rupture conventionnelle abusive, on retrouve aussi des situations où certaines entreprises utilisent cette procédure comme moyen de se débarrasser des salariés seniors avant qu’ils ne partent à la retraite, afin d’éviter d’avoir à payer des charges supplémentaires liées aux départs en retraite anticipée. Cette pratique, souvent qualifiée de “départs forcés”, permet aux entreprises de réduire leurs coûts salariaux en remplaçant les salariés expérimentés par des employés moins coûteux ou en externalisant certaines tâches. Pour pallier ce problème, le gouvernement français a pris des mesures. Depuis le 1er septembre 2023, le régime social des indemnités de rupture conventionnelle a été modifié. La contribution patronale a été remplacée par un forfait social, obligeant les employeurs à devoir payer 30% de contribution.

La lutte contre les abus

Toujours dans l’optique de lutter contre ces pratiques, des associations se mobilisent pour défendre les droits des travailleurs face aux licenciements et aux ruptures conventionnelles abusives. C’est le cas de l’”Association d’aide aux travailleurs” basée à Montpellier, depuis 2016. “Notre rôle est d’analyser la situation à laquelle une personne est confronté ainsi que de permettre de lui faire bénéficier de nos conseils,” témoigne Denis Legrand, président de l’association. “Nous cherchons à les accompagner et à les aider à réagir de façon adaptée à la situation à laquelle ils font face.”

Bien que l’association s’efforce d’accompagner les individus afin de les protéger contre les abus dans le cadre des ruptures conventionnelles, elle n’hésite pas à exprimer son point de vue sur la réalité de cette procédure en France. “Il faut dire que la rupture conventionnelle est là principalement pour favoriser les entreprises, et non les salariés,” reprend le président de l’association. “Depuis 20 ans, les droits des salariés n’ont fait que se restreindre. Quand on voit que des initiatives comme les “Ordonnances Macron” sont mises en place, on comprend facilement que tout est fait que pour favoriser les intérêts des employeurs.”

Denis Legrand, n’est pas le seul militant à estimer que les mesures prises par le gouvernement ne visent qu’à favoriser les intérêts des employeurs au détriment des salariés. Tous s’accordent sur un point : le nombre d’affaires portées devant les prud’hommes a considérablement diminué. Pour illustrer cette tendance, en 2010, il y avait plus de 200 000 affaires, tandis qu’en 2020, ce chiffre était tombé à 100 000, d’après le ministère de la Justice.

La rupture conventionnelle est de nouveau au cœur des débats, suite à l’annonce gouvernementale de sa réforme. Cependant, les détails concrets de cette réforme restent flous, laissant planer des doutes sur son impact réel pour les employés. Il convient de s’interroger sur l’avenir de cette procédure et de se demander si elle pourra réellement pouvoir servir les intérêts des travailleurs, un jour.

Thibaut Charles

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