Olivier Flambard, directeur d’EDF en Martinique :

« 2020 a été une année-record au service de la transition énergétique »

L’année « inédite » que fut 2020 a-t-elle impacté le fonctionnement, les objectifs et autres missions d’EDF sous nos cieux ? Bilan, annonces et perspectives avec Olivier Flambard, le directeur d’EDF en Martinique.

Antilla : Par rapport au « plan stratégique » d’EDF en Martinique pour la période 2019-2022, quel est, dans les grandes lignes, le bilan de l’entreprise pour l’année inédite qu’a été 2020 ?

Olivier Flambard : Parmi nos grands enjeux figure l’accompagnement de la transition énergétique ; transition qui repose sur deux piliers : les économies d’énergies, et le développement et l’intégration des énergies renouvelables. Au-delà de l’enjeu écologique, il y a évidemment un enjeu économique quant à ces économies d’énergies. Et dans une année 2020 qui a été aussi compliquée pour beaucoup d’acteurs économiques – particuliers et entreprises – tout ce qu’on peut faire en termes d’allègement de factures à travers la réduction des dépenses énergétiques, est important. Et malgré notamment la première période de confinement, nous avons réalisé une année record en matière d’économies d’énergie. Concernant l’isolation des bâtiments en effet, nous sommes passés de 225.000 à plus de 700.000 m2 d’isolation posés ; et concernant les chauffe-eaux solaires individuels, nous sommes passés de 8000 à 10.000 unités. Tout cela représente environ 35 gigawatts-heure d’économies d’énergie, soit dix jours d’économies réalisées rien qu’en 2020. Donc 2020 a été une année-record au service de la transition énergétique. Toujours au sujet de l’efficacité énergétique, vous vous souvenez du lancement du ‘’Programme d’éclairage public performant’’, consistant à rénover l’intégralité des points lumineux de Martinique. En partenariat avec le SMEM (le Syndicat Mixte d’Electricité de Martinique) et la CTM (Collectivité territoriale de Martinique) au travers du Programme Territorial pour la Maîtrise de l’Energie, EDF est partie prenante de ce Programme, puisque nous en finançons entre 25 et 30% grâce aux économies d’énergie générées. Et ce sont déjà 11.000 points lumineux qui ont été remplacés par des LED en 2020, sur les 66.000 points à rénover. Ce programme est donc bien engagé, et permettra aux communes d’alléger leur facture énergétique. On n’a jamais fait autant d’économies d’énergie en Martinique ; ce qui montre que tout l’effort et l’accompagnement effectués auprès des partenaires donnent des résultats.

Nous amener aux alentours de 40% d’énergies renouvelables en 2023 

Eu égard à votre expertise, vous attendiez-vous objectivement à des résultats aussi positifs ?

Ces chiffres sont allés au-delà de notre ambition. Cela veut dire qu’aujourd’hui les filières sont bien structurées et accompagnées, que le besoin est là et que toute la communication faite pour la sensibilisation des particuliers et des acteurs économiques a ‘’payé’’. Et c’est une grande satisfaction. L’autre volet de la transition énergétique c’est le développement des énergies renouvelables. Après la mise en service de projets structurants en 2018 et en 2019, il n’y a pas eu de tel projet en 2020. En revanche, le secteur du photovoltaïque sur toitures est de nouveau en très grande expansion. Il a fallu 10 à 15 ans pour installer environ 1000 installations photovoltaïques en toitures : actuellement le rythme est de 200 à 300 nouvelles installations par an. De plus, deux nouveaux parcs éoliens ont été autorisés par l’administration. Après GRESS 1 (parc éolien situé à Grand-Rivière, ndr) il s’agira donc de GRESS 2 et GRESS 3, cette fois à Macouba et avec 24 mégawatts – 2 X 12 mégawatts – et avec des éoliennes deux fois plus puissantes que GRESS 1. Suite aux autorisations obtenues, ce chantier débutera en juin ou juillet prochain et durera environ 2 ans. Les éoliennes seront acheminées de Fort-de-France vers Macouba, donc il faudra aménager de nombreux ronds-points et routes pour ces convois exceptionnels. Et construire ces parcs qu’EDF devra raccorder au réseau. La dynamique des installations photovoltaïques, additionnée à ces futurs chantiers, devraient ainsi nous amener aux alentours de 40% d’énergies renouvelables, dans ce qu’on appelle le ‘’mix énergétique’’, en 2023, dernière année de la période de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) en vigueur. Ce taux élevé d’énergies renouvelables dans le ‘’mix énergétique’’ martiniquais va permettre l’électrification de certains usages.

Vous faites allusion là aux véhicules électriques ?

Absolument. Et en Martinique le taux de croissance de ce type de mobilité a été de 100% en 2020. Cette dynamique continuera à s’accélérer, et c’est évidemment de très bon augure puisque nous visons la ‘’décarbonation’’, aussi bien des transports que de la production d’électricité. Et on importe aujourd’hui autant de pétrole pour les transports que pour cette production électrique. Au niveau de la production d’électricité, l’utilisation du pétrole baisse : quand on passe de 7% à 25% d’énergies renouvelables, concrètement ce sont 50.000 tonnes de pétrole en moins, c’est-à-dire 5 pétroliers qui ne viennent plus en Martinique grâce au développement des énergies renouvelables. Et progressivement, la part des transports se réduira également. Ainsi nous nous inscrivons complètement dans la raison d’être du Groupe EDF, qui est de « Construire un avenir énergétique neutre en CO2 conciliant préservation de la planète, bien-être et développement grâce à l’électricité et à des solutions et services innovants » ’. Et le grand intérêt d’avoir un parc très faiblement carboné, c’est qu’on peut électrifier les usages.

Le taux d’enfouissement du ‘’réseau moyenne tension’’ en Martinique, est 20 % supérieur à la moyenne nationale

Quelle a été la « relation clients » d’EDF, durant une année aussi compliquée que celle qui vient de s’achever ?

Malgré les perturbations que nous avons pu connaître compte tenu de cette année compliquée, nous avons répondu présent en termes de missions de service public, y compris pendant les périodes de confinement où l’on a toujours maintenu nos activités essentielles. Et à travers les enquêtes de satisfaction que nous réalisons auprès de nos clients on voit qu’ils nous le rendent bien, avec un niveau de satisfaction qui a été bon en 2020, du même ordre qu’en 2019.

La crise sanitaire a-t-elle, d’une certaine façon, contribué à améliorer la dématérialisation des services d’EDF en Martinique ?  

Tout à fait. Les contraintes sanitaires nous ont fait continuer à accélérer la digitalisation de la relation avec nos clients. Nous avons une offre très large et étendue aujourd’hui, afin de pouvoir être dans ce qu’on appelle le ‘’self care’’ (les outils qui permettent au client de gérer son contrat en autonomie et à distance)- avec notre agence en ligne, notre application mobile, etc. Si le client préfère, il peut, via le canal téléphonique, continuer à être en contact avec nous. Nous avons rouvert nos agences uniquement sur rendez-vous ; ce qui permet de mieux maîtriser le nombre de personnes présentes simultanément dans l’agence, et ainsi ne pas mettre nos clients en risque(s) quant à cette pandémie. Et nos clients se sont plutôt bien adaptés : toutes nos offres digitales ont fortement progressé. Nos clients se sont habitués à cette nouvelle situation, sans dégrader le niveau global de satisfaction, ce qui est très satisfaisant pour nous. Durant certains mois de 2020 nous avons eu + 50%, par rapport à 2019, d’appels téléphoniques en une journée. Et de façon globale ce sont + 20% d’appels téléphoniques en 2020. Autre indicateur montrant le changement de relation entre EDF et ses clients, ce sont + 100% d’e-mails reçus et traités.

Concernant le service aux clients, il y a sujet récurrent de réclamations et de critiques, qui est celui des coupures d’électricité : la durée moyenne de coupures, par an et par client, a-t-elle diminué en 2020 ?

Cela s’est amélioré. Et pourtant nous avons eu une année cyclonique très longue et intense, même si les événements n’ont pas été d’une très forte ampleur, à l’exception du mois de novembre dernier dans le nord-atlantique. Cinquante ondes ou tempêtes tropicales ont ainsi été décomptées en 2020, soit deux fois plus que d’habitude. Et malgré cette météo très chahutée on n’a pas eu plus d’incidents grâce aux travaux de maintenance et d’élagage préventifs sur les réseaux. La réduction de la durée moyenne des coupures électriques va se poursuivre : en effet nous investissons beaucoup pour restructurer nos réseaux, notamment pour passer les tronçons les plus longs et les moins accessibles en souterrain. D’ailleurs nous travaillons actuellement sur un chantier d’un demi-million d’euros dans le nord-atlantique, pour passer en souterrain une portion significative de ‘’réseau moyenne tension’’ de 35 kilomètres, qui, du fait de sa longueur et des zones boisées qu’elle traverse est souvent la cause de coupures qui peuvent être un peu longues. Une vingtaine de chantiers de ce type est prévue pour cette année – en plus de tous les investissements faits sur le réseau – donc tout ceci continuera à infléchir significativement les coupures et améliorer la qualité de fourniture électrique. Vous savez, le taux d’enfouissement du ‘’réseau moyenne tension’’ en Martinique, est 20 % supérieur à la moyenne nationale : nous en sommes à plus de deux-tiers de ce réseau qui est enfoui. Et il faut savoir qu’à chaque fois qu’on souhaite améliorer la qualité de fourniture dans un secteur, restructurer le réseau ou en construire de nouveaux, on fait cela en souterrain. Donc cette part (du souterrain) va continuer à croitre.

Grâce à ces technologies il n’y a plus de factures estimées…

Où en est EDF aujourd’hui du déploiement des compteurs numériques que vous, dans l’entreprise, appelez ‘’compteurs intelligents’’ ?

Cela fait aussi partie de nos excellents résultats de 2020. Car malgré l’interruption de la pose de ces compteurs durant les deux mois du premier confinement, nous finissons au-dessus de l’objectif : aujourd’hui ce sont près de 45% des clients martiniquais qui ont un compteur numérique chez eux. Et plus d’un tiers de nos clients a un compteur qui ‘’communique’’, car il faut également installer des concentrateurs afin de traiter toutes les données. Un compteur qui ‘’communique’’ veut dire qu’il est télé-opéré. Via notre application internet, le client peut visualiser et analyser sa consommation électrique, donc mettre en corrélation des ‘’éco-gestes’’ avec cette consommation. En outre, grâce à ces technologies il n’y a plus de factures estimées. Avant ce compteur numérique, il y avait en effet deux campagnes de relèves par an : c’est-à-dire une facture réelle, puis deux factures estimées, et ainsi de suite. Mais cela peut générer des réclamations, des clients qui demandent de réajuster leurs factures etc., donc beaucoup de travail administratif peut être évité grâce à ces compteurs intelligents. Avec les compteurs numériques, il n’y a que des factures réelles : on télécollecte la relève à chaque facturation, ce qui est bien mieux pour le client. De plus, si le client le souhaite nous pouvons – de façon quasi instantanée et sans avoir à nous déplacer – augmenter ou baisser sa puissance électrique, etc. Nous pouvons donc réaliser un certain nombre d’opérations à distance, au bénéfice du client en termes de réactivité. Et du point de vue de la gestion des systèmes, même si nous n’avons pas accès aux ‘’courbes de charges’’ de nos clients, car ce sont des données confidentielles, nous pouvons tout de même, via toutes les données qui nous sont remontées, identifier par exemple des anomalies sur le ‘’réseau basse tension’’. Si par exemple les concentrateurs détectent que tous les compteurs d’un quartier ne consomment plus, nous pouvons alors définir la zone concernée et y envoyer rapidement une équipe d’intervention. Nous pouvons par conséquent être plus pertinents et réactifs pour le dépannage. Ce type de compteur est donc un très grand atout de confort, pour le client et l’exploitant.

A vous écouter tous ces chantiers seront menés de front en 2021, mais y-a-t-il un sujet, un dossier ou un objectif ‘’hyper prioritaire’’ parmi tous ceux traités par EDF ?

EDF en Martinique assure une cinquantaine de métiers, donc il y a autant d’enjeux que de métiers. Mais ce qui va beaucoup nous occuper cette année ce sont les grands chantiers dont je parlais précédemment, c’est-à-dire le raccordement des énergies renouvelables. Le chantier des éoliennes est un projet majeur, notamment 25 kilomètres de câbles à poser pour le raccordement entre Macouba et Marigot. Cette année 2021 sera aussi ponctuée par le raccordement de tous les sites de production photovoltaïque. En complément de toutes nos activités récurrentes, il y aura donc une ‘’pression’’ particulière sur ces sujets. Et 2021 c’est aussi l’année de mise en service de notre batterie du Lamentin.

Nous avons accompagné sept projets de cinq associations, dans les domaines de l’éducation et de l’inclusion

De quoi s’agit-il précisément ?

Afin d’accompagner les énergies renouvelables, il faut que nous mettions en place de nouveaux outils sur le système électrique ; outils parmi lesquels il y a cette batterie de 5 mégawatts qui permet, en cas de fluctuations de tous ces parcs d’énergie renouvelable, d’envoyer en quelques millisecondes une quantité d’énergie importante afin de les compenser. Cette batterie est déjà installée, pas très loin de la Brasserie Lorraine ; nous finalisons les phases de tests et elle sera opérationnelle dans quelques semaines. Et c’est également un événement majeur, qui montre comment EDF doit adapter son système électrique à l’arrivée de toutes ces énergies renouvelables. Un autre projet nous tient beaucoup à cœur et arrive à terme : l’accueil des premières entreprises dans le parc d’activités de Bellefontaine. En effet nous avons rétrocédé à Cap Nord un certain nombre de bâtiments du site de Bellefontaine, et Cap Nord les a réhabilités en bureaux. J’espère que nous pourrons inaugurer ce beau projet au 1er semestre de cette année. Toujours sur Bellefontaine, la déconstruction de l’ancienne centrale électrique se poursuit, avec une étape majeure puisqu’on ne voit plus les trois anciennes cheminées. Enfin ce dernier point : en 2020 la Fondation Groupe EDF, qui est une fondation internationale, a beaucoup accompagné les territoires durant cette crise sanitaire – nous-mêmes en Martinique avons accompagné financièrement sept projets de cinq associations, dans les domaines de l’éducation et de l’inclusion. La Fondation Groupe EDF a en effet trois axes de soutien : la protection de l’environnement et de la biodiversité, l’éducation et l’inclusion. Et c’est un événement marquant parce que jusqu’à lors cette Fondation intervenait assez peu en outremer. Donc là il y a eu un engagement fort, au service du tissu associatif local ; un engagement qui vient en complément de ce que nous faisons déjà en termes de solidarité et partenariat avec des associations.

                                                                                                                      Propos recueillis par Mike Irasque

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