Elisabeth Borne : « Il faut garder le cap de la transition énergétique et écologique »
En dépit de la crise du Covid-19, le gouvernement maintient inchangée sa feuille de route pour accélérer la transition énergétique à horizon 2028. Le décret d’application de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est publié ce jeudi.
Dans la tempête, « il faut faire preuve de sang-froid. La bonne méthode, c’est de garder le cap », explique aux « Echos » la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne. Alors qu’une crise économique sans précédent se profile et que certains appellent à différer des objectifs de la transition écologique et énergétique, le gouvernement veut réaffirmer sa feuille de route, sans équivoque. « , la crise sanitaire n’efface pas l’urgence climatique », affirme la ministre.
Preuve de ce volontarisme : le gouvernement publie ce jeudi le décret d’application de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)« sans en faire varier les
objectifs ».Dans le détail, seuls deux ajouts ont été réalisés depuis la dernière
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consultation sur le texte, en janvier : l’accès au système de tarif de rachat en guichet a été élargi aux projets photovoltaïques plus puissants, la limite passant de 100 kilowatts crête (kWc) à 300 kWc. Et l’échéance de sortie du charbon pour les réseaux de chaleur a été ramenée à cinq ans contre dix ans jusqu’ici. « Des mesures qui vont dans le sens d’une accélération de la transition », se félicite-t-on au ministère de la Transition écologique et solidaire.
Stratégie « verte » confortée par la crise
En gestation depuis plusieurs années, cette feuille de route dessine comment la France doit transformer ses usages de l’énergie sur les périodes 2019-2023 et 2024-2028 afin de tendre vers la neutralité carbone en 2050 – un objectif inscrit dans la loi énergie-climat promulguée en novembre 2019.
La PPE prévoit notamment une forte réduction de consommation finale d’énergie, avec un objectif de −16,5 % en 2028 par rapport à 2012, un large développement des énergies renouvelables, le déploiement des véhicules « zéro émission » ou encore la fermeture de quatorze réacteurs nucléaires d’ici à 2035, afin de limiter à 50 % la part du nucléaire dans le mix électrique national. Aux yeux d’Elisabeth Borne, cette stratégie a été confortée par le choc du coronavirus.
« Si nous devons tirer des enseignements de la crise que nous traversons, c’est bien de poursuivre la diversification de notre mix énergétique, affirme la ministre. Le yoyo sur les prix du baril du pétrole nous montre que nous avons intérêt à nous émanciper d’une énergie dont le prix peut varier très fortement et très rapidement. Par ailleurs, si le système électrique a été au rendez-vous pendant la crise, les impératifs d’entretien des centrales nucléaires qui vont nécessiter des mises à l’arrêt lors des opérations de rechargement de combustibles, par exemple, nous indiquent que nous serons d’autant plus résilients en diversifiant les sources de production. Cela valide complètement notre stratégie de réduction des énergies fossiles et diversification du mix énergétique. » Empêché par le coronavirus dans ses opérations de maintenance, EDF a en effet annoncé ces derniers jours une réduction drastique et historique de sa production d’électricité nucléaire en 2020.
Ligne de crête pour le gouvernement
Si la crise a frappé de plein fouet des secteurs fortement émetteurs de CO2, l’automobile par exemple, « cela ne doit pas remettre en cause la trajectoire générale », confirme-t-on au ministère de la Transition écologique et solidaire, tout en ajoutant que le gouvernement souhaite être « à l’écoute des entreprises ».« Il y a des situations où l’on doit décider d’aides d’urgence pour certains secteurs économiques mais elles doivent être compatibles avec les objectifs de la transition énergétique », rappelle Elisabeth Borne. C’est donc une difficile ligne de crête qui s’amorce pour l’exécutif, appelé au
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secours d’Air France comme du secteur automobile.
Avec ce programme, le gouvernement donne surtout une visibilité très attendue aux acteurs des énergies renouvelables pour les prochaines années. « Dans le contexte actuel où on a beaucoup d’incertitudes, cette PPE fixe un cap bienvenu non seulement sur les volumes des prochains appels d’offres dans le solaire, l’éolien ou le gaz renouvelable mais aussi sur leur cadencement. C’est capital pour toutes les
filières », confirme le délégué général du Syndicat des énergies renouvelables, Alexandre Roesch.
Le financement reste sur la table
Si 2020 sera une année très chahutée, tout sera fait pour atteindre les objectifs de mise en chantier dans l’éolien ou encore dans le solaire, assure Elisabeth Borne. « Dans les énergies renouvelables, les chantiers ont pu prendre du retard mais nous sommes mobilisés pour permettre une reprise progressivement, notamment grâce au guide de bonnes pratiques sanitaires réalisé par la filière du BTP. Nous allons également ajuster les calendriers des appels d’offres et les fractionner si nécessaire afin de tenir les objectifs sur l’année 2020 », explique la ministre.
A plus long terme, la question du financement de la transition énergétique reste toutefois ouverte. « La PPE fixe une ambition sans donner les moyens suffisants de la tenir. Sans un plan de relance vert, on va avoir beaucoup de mal à enclencher l’accélération dont on a besoin pour tenir ces objectifs », plaide Nicolas Garnier, délégué de l’association de collectivités locales Amorce.
Les principaux objectifs de la feuille de route énergétique de l’exécutif
Réduire de 16,5 % la consommation finale d’énergie en 2028 par rapport à 2012. Réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre issues de la combustion d’énergie en 2028 par rapport à 2016. Doubler la capacité de production d’électricité renouvelable en 2028 par rapport à 2017. Fermer 14 réacteurs nucléaires d’ici à 2035 (dont les deux de la centrale de Fessenheim

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