Cet article se distingue des Contrechroniques habituelles qui traitent généralement de sujets concernant la Martinique ou qui s’y rapportent in fine. L’auteur s’y fait un plaisir intellectuel. Il est sidéré d’observer que les observateurs n’ont pas relevé ce moment de nonchalance politique qui lui a paru déterminant pour la suite…
La première erreur du second quinquennat d’Emmanuel Macron fut de snober l’élection législative suivant sa reconduction à la tête de l’État.
En effet, il a à peine fait campagne au second tour de la présidentielle, le 24 avril 2022, sachant la victoire assurée face à Marine Le Pen. Cette victoire sans panache et sans projet a été une faute de condescendance pour l’adversaire. Mais il y a plus grave.
Les députés arriveront au terme de leur mandat un mois et 18 jours plus tard, le 12 juin 2022. Le président de la République aurait pu nommer un nouveau premier ministre prêt à diriger la campagne des législatives et, pour bénéficier de l’effet d’entraînement que provoque généralement la victoire aux présidentielles, dissoudre l’Assemblée nationale et rapprocher la date du renouvellement. François Mitterrand l’a fait et y a réussi, Jacques Chirac, malgré sa bonne santé politique, l’a différé et a perdu. Emmanuel Macron y a renoncé et attendu tranquillement la date prévue, un mois et demi plus tard. Ce qui l’a perdu. A mi-parcours, votre serviteur avait écrit que le temps s’étirait dangereusement pour le président de la République.
Pendant un mois le gouvernement est resté inerte, le symbole en fut le maintien dans ses fonctions du premier ministre Jean Castex qui s’impatientait de quitter Matignon. Les ministres ont fait leurs bagages et attendaient l’heure du départ. La classe politique procrastinait sur les noms de premiers ministrables, devisait sur leur genre et non leur capacité à conduire la campagne électorale qui s’avérait difficile. Emmanuel Macron venait de commettre peut-être la plus grave faute de son second quinquennat.
Lorsque la campagne électorale commence, enfin, les Mélenchon and Co se sont déjà fait une petite santé politique, la prolongation de l’inertie du président pendant une campagne poussive faisant le reste. En effet, ce long moment d’apathie du pouvoir a permis à Jean-Luc Mélenchon, qui était groggy après son élimination au premier tour des présidentielles de se mettre en selle. Au-delà de toute espérance, il a réussi à former et à mettre en ordre de marche la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES). Laquelle allait empoisonner le gouvernement d’Elisabeth Borne.
Par ailleurs, les politologues estiment que l’implication du président, au second tour des législatives de 2022, lui aurait permis de conserver une cinquantaine de députés de plus, qui ont été battus d’un fil. Sinon le gouvernement, tout en restant minoritaire, ne serait pas obligé d’utiliser l’article 49 alinéa 3 pour tous les sujets, ce qui l’a conduit à commettre deux ans plus tard l’irréparable, la dissolution de juin 2024.
Ainsi donc, il m’est avis que faute de n’avoir pas dissous l’Assemblée nationale dans la foulée de sa victoire à la présidentielle, et faute de l’avoir fait deux ans plus tard, en situation d’insigne faiblesse, le président de la République aura peut-être contribué à accélérer la crise institutionnelle qui semble inévitable.
Fort-de-France, le 19 mai 2025
Yves-Léopold Monthieux