SERGE LETCHIMY PRÉFACE LE LIVRE CONSACRÉ À FÉLIX MÉRINE

« La yole ronde est indiscutablement une entité martiniquaise. Elle n’existe nulle part ailleurs dans le monde. C’est d’abord une présence historique qui remonte aux gommiers des amérindiens et à leurs techniques de navigation, en passant par les embarcations européennes, pour finalement s’inscrire dans un surgissement créatif des pêcheurs martiniquais. Ils en avaient besoin pour «conquérir» la mer, défier Miquelon avec des voiles, longer la côte dans le lacis des passes et revenir avec leur pêche vers les marchés des bourgs. De par sa configuration même, il faut une technique de sorcier pour maîtriser une yole ronde. Les marins les plus accomplis se distinguaient ainsi.


Dès lors, ils se lançaient de multiples défis dans des compétitions de stratégies, d’adresse et de vitesse qui allaient parachever la yole ronde en une sorte d’œuvre d’art. Comme elle était liée à la vie quotidienne des communes, la pratique de la yole ronde s’est maintenue parmi nous alors que beaucoup de nos traditions s’effaçaient sans retour. Aujourd’hui, elle est à la base d’un magnifique spectacle de fierté collective. Et c’est là que mon admiration et ma reconnaissance s’inclinent vers Félix Mérine.

Une tradition ne vaut que si elle reste vivante et s’incarne non seulement dans des individus, mais surtout par des valeurs qui s’inscrivent dans notre époque et nous aident à mieux vivre ce que nous sommes. Ces valeurs président aussi au mélange délicat entre la générosité et l’esprit de compétition. Nombreux sont les patrons de yoles rondes qui ont réussi à incarner quelques-unes de ces valeurs, mais elles semblent toutes s’être rassemblées chez ce formidable homme de mer qu’est Félix Mérine.

L’humilité, la simplicité, la confiance en soi, l’inaptitude à la résignation, l’optimisme, l’anticipation, l’intuition, l’attention aux autres, le fair-play, l’aptitude à impulser une démarche collective, le courage d’essayer encore et de trouver des solutions, la force de renaissance dans le creuset des pires difficultés…. Quand une tradition est ainsi incarnée, le problème de sa transmission ne se pose même plus. Le futur ne peut que prendre en charge cette richesse restée splendide.

Le meilleur hommage que l’on puisse rendre à un homme d’exception, c’est d’utiliser son expérience de vie pour l’ériger en cette force dont a parlé Césaire : celle de regarder demain. Sa vie est mieux qu’un exemple : c’est un oxygène. Elle nous enseigne les clés essentielles pour mobiliser cette insolence créatrice que demandent nos accomplissements individuels, lesquels demeurent indispensables à notre plénitude collective.

Merci Félix. »

Serge Letchimy Député de la Martinique

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