En fonctions depuis le 30 août dernier, Guillaume Chiron est le nouveau directeur de l’Agence Française de Développement (AFD) en Martinique. Quel est le bilan de l’institution pour l’année écoulée ? Les priorités de l’Agence demeurent-elles les mêmes en 2024 ? Entretien.

Antilla : Un bref point de présentation, où étiez-vous en fonctions avant la Martinique ?

Guillaume Chiron : Précédemment j’ai été pendant plusieurs années au siège de l’AFD, où je m’occupais plus spécifiquement des sujets de préservation, de conservation et restauration de la biodiversité. C’est donc un sujet qui m’est particulièrement sensible compte tenu de la richesse du territoire en la matière, que ce soit sa partie mer mais aussi sa partie terrestre ; c’est un sujet qui est pour moi essentiel. J’ai eu l’occasion de venir en Martinique en 2016 pour des raisons professionnelles, à l’occasion de la ‘’Conférence des Réserves Naturelles de France’’. Et au-delà de cette conférence, j’avais rencontré les principaux partenaires dans le domaine spécifique de la préservation de la Nature : la DEAL, le Parc Naturel Régional, etc. Et concernant plus largement mes expériences dans la région Caraïbes, j’ai été en poste pour l’AFD durant trois ans en Haïti. 

Quelles sont les caractéristiques les plus saillantes de ce « bilan 2023 » de l’AFD en Martinique ?

Globalement 2023 a été une très belle année, avec un montant d’engagement(s) global qui sera de l’ordre de 76,5 millions d’euros. Donc une belle année, avec trois éléments forts de mon point de vue. La première chose c’est une forte diversification de nos partenaires, sachant que sur les 5 à 6 dernières années on avait des financements importants auprès de la CTM et qu’en 2023 nous n’avons pas octroyé de nouveau(x) prêt(s) à la CTM. Cela représentait 50 à 60 millions d’euros par an d’engagement(s) de la part de l’AFD, donc sans ce gros montant on est sur des octrois nouveaux très significatifs, de l’ordre de 76,5 millions d’euros. Le deuxième point c’est que notre activité est restée importante vers les collectivités locales, en particulier les communes martiniquaises puisqu’on a octroyé un montant global de 36,4 millions d’euros aux collectivités, avec une assez forte diversification : en effet on a financé le Lamentin, Ducos, le Carbet, le Robert, le François, etc. Egalement un gros financement quant au projet de rénovation urbaine avec la SAS ‘’Bon Air’’ sur Fort-de-France. C’est une grosse opération qu’on a octroyée en toute fin d’année pour un montant de 20 millions d’euros, donc un montant significatif dans l’ensemble de notre activité. Troisième point, 2023 a été une année exceptionnelle dans le financement des associations et du secteur médico-social puisqu’on a octroyé un premier concours à ‘’Martinique Autisme’’ pour un montant de 11,6 millions d’euros. Et tout récemment, un concours à l’ADAPEI* de 17,6 millions d’euros. Donc une année tout à fait exceptionnelle en matière de financement du secteur médico-social en Martinique et on s’en réjouit. Autre secteur d’activité, le secteur privé, avec un concours qui a été octroyé pour la rénovation du ‘’Club Med’’ pour 07 millions d’euros en prêts syndiqués avec la Banque des Territoires, le Crédit Agricole et la BPI (Banque Publique d’Investissement).

Les priorités de l’AFD – soutien aux diverses collectivités et entreprises, au médico-social et à la santé – vont-elles demeurer les mêmes en 2024 ou d’autres focus seront-ils activés ?

Les partenaires vont globalement rester les mêmes. La première chose c’est qu’il y aura une relance du dialogue et des financements avec la CTM, qui est l’acteur majeur de structuration et développement du territoire. S’il n’y a pas eu de financement(s) l’an dernier c’est aussi lié au fait, qu’en lien avec la CTM, on avait décidé de faire une forme de bilan du partenariat entre la CTM et l’AFD sur les 5-6 dernières années. Ce bilan ayant été effectué, l’idée c’est de relancer notre dialogue technique avec la CTM de façon à l’accompagner sur des projets structurants pour le territoire.

Et comment était ce bilan de la relation AFD-CTM ? Positif ? Mitigé ou autre ?

C’est un bilan très positif, qui souligne le fait qu’il pourrait y avoir un dialogue technique plus soutenu de l’AFD avec la CTM. Donc ça nécessite un dialogue en amont avec la CTM, de façon encore une fois à l’accompagner dans ses projets structurants pour le territoire. On restera aussi dans le financement d’un certain nombre de communes, petites et grandes, car c’est essentiel. Sur les dernières années l’AFD a financé la quasi totalité des communes martiniquaises, 32 sur 34. Donc l’idée c’est de poursuivre notre appui aux communes et potentiellement de travailler davantage avec les EPCI (nos trois communautés d’agglomération, ndr) sous forme d’appuis ou sous forme de prêts. Les EPCI jouent aussi un rôle considérable, notamment à travers un sujet qui me semble crucial pour la Martinique à savoir la gestion et la valorisation des déchets, avec la nécessité de redressement et d’accompagnement du SMTVD*.

« C’est plus de 23 millions d’euros qui ont été octroyés en 2023, pour soutenir des communes dans leur trésorerie… » 

Le « bilan 2023 » de la relation entre l’AFD et nos 32 communes est-il positif ? Votre prédécesseur en Martinique, Nicolas Picchiottino, se réjouissait, au sujet du « bilan 2022 », d’une montée en puissance des prêts de financement, donc de l’apport en trésorerie pour lancer des projets dans un certain nombre de nos communes : cette réalité là a-t-elle aussi caractérisé la relation entre l’AFD et nos communes en 2023 ?

Tout à fait. On appuie les communes de diverses façons, avec des prêts de long terme qui permettent d’avoir des éléments de bonification octroyés par le ministère des Outre-mer, en lien avec les orientations fortes de l’AFD et en réponse aux orientations des communes. Donc évidemment c’est tout ce qui touche aux enjeux du climat et de la Nature ; on octroie des prêts de long terme bonifiés, sous réserve que les communes présentent des investissements qui répondent à ces enjeux de climat, de Nature et de cohésion sociale. Et on est en mesure effectivement d’octroyer des prêts de préfinancement de subventions de l’Etat et de l’Europe. Là c’est un volume d’activités qui est significatif, puisqu’au global c’est plus de 23 millions d’euros qui ont été octroyés en 2023, pour soutenir des communes dans leur trésorerie et préfinancer des subventions État et Europe.

Certains contrats de financement de l’AFD avec certaines de nos communes impliquent que ces collectivités s’engagent dans leur redressement financier : globalement les communes concernées ont-elles « joué le jeu » ?

Des contrats d’amélioration des performances financières ont effectivement été mises en place entre l’AFD et des communes, qui ont eu des résultats positifs dans leur ensemble. Et dans le cadre des deux COROM (Contrats de Redressement en Outre-Mer) pour lesquels l’AFD apporte de l’assistance technique, notamment sur Fort-de-France et Saint-Pierre, il y a eu des résultats qui ont été considérés comme satisfaisants, notamment par l’État puisqu’il (l’État) a assuré le versement de subventions en lien avec le dispositif COROM à ces deux communes. J’ajoute que sur les secteurs de la santé et du médico-social nous souhaitons maintenir nos efforts ; on a donc des prospects (projets, ndr) notamment sur le centre hospitalier de Saint-Esprit et le centre hospitalier du Nord-Caraïbe. Donc des financements verront probablement le jour en 2024. Et concernant le secteur privé, on est en discussions sur plusieurs projets potentiels dans le domaine de l’hôtellerie-tourisme et dans le domaine des énergies renouvelables.

Concernant le confortement parasismique de nos écoles, l’AFD s’est engagée dans un certain nombre de communes : cet engagement sera-t-il poursuivi en 2024 ? Sera-t-il une priorité pour l’Agence ?

Oui ça continue d’être une priorité. Ces fonds sont accordés en subventions, c’est le ‘’Plan Séisme Antilles’’ et on a déjà appuyé plus de sept communes, ce qui représente au global plus de 2000 élèves qui seront donc dans des structures aux normes parasismiques. Donc c’est très positif mais de mon point de vue il faut poursuivre l’effort ; il y a des ressources disponibles pour accompagner un certain nombre de communes, à la fois dans les études et dans la réalisation des investissements.

En conclusion de cette interview, y-a-t-il un sujet ou un point que vous souhaitez aborder ?

Oui, il me semble qu’on pourrait faire davantage pour les aspects de conservation en Martinique, donc pour moi la gestion des déchets est majeure. Et il faut pouvoir accompagner le territoire dans des sujets de restauration et de conservation, pour les martiniquais et pour permettre le rayonnement de la Martinique ainsi que son attractivité, à la fois régionale et internationale.

Propos recueillis par Mike Irasque

*DEAL : Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement. ADAPEI : Association Départementale des Amis et Parents de Personnes Handicapées Mentales.  SMTVD : Syndicat Martiniquais de Traitement et de Valorisation des Déchets.

 

Partager.

Laissez votre commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Exit mobile version